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Le burkini n’est pas un débat comme les autres


Le burkini n’est pas un débat comme les autres
Burkini Marks and Spencer. @Handout
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Burkini Marks and Spencer. @Handout

Drôle d’été que celui de 2016, avec son terrible mois de juillet noir et son août tout de polémiques furieuses, d’invectives et d’insultes autour du burkini. Essayons de comprendre ce qui s’est produit et a peut-être modifié le paysage politique.

Le moment n’est pas anodin : les vacances d’été sont une institution française conquise par des luttes sociales de belle mémoire populaire. Dans son camping des Landes, son VVF des Alpes, son mobil-home d’Auvergne, sa campagne dont il peut enfin profiter, ou dans sa cité où il a dû rester, chacun va vivre un moment très français. Et c’est en ce moment qu’il a été agressé de façon barbare. Par l’assassinat d’un couple de policiers, puis par le plus atroce des massacres dans une foule populaire qui profitait de la douceur d’une soirée pour assister au feu d’artifice de la fête nationale. Et enfin, par le meurtre d’un prêtre de 86 ans, Don Camillo français, en train de dire la messe. Trois attaques meurtrières visant trois évidents symboles, la famille, la fête nationale, la religion chrétienne.[access capability= »lire_inedits »]

À Paris, après les morts de janvier 2015, le pouvoir a organisé de gigantesques manifestations internationales rassemblant des millions de personnes. Cependant, si les couches populaires ont compati, elles ne se sont pas mobilisées.

Le 13 novembre, même si le Stade de France a été visé, les victimes du Bataclan et des terrasses venaient essentiellement du Paris « gentrifié ». La réponse de ces couches sociales des centres urbains mondialisés touchées au cœur fut à la hauteur : récits, cérémonie, mémoriels photos dans toute la presse où les victimes furent nommées et leurs histoires racontées, sans oublier un slogan : « Vous n’aurez pas ma haine. » Artiste populaire s’il en est, Johnny Hallyday a pourtant chanté devant une place de la République vide

Juillet 2016 a été différent. A-t-on vu les victimes, y a-t-il eu dans les journaux un mémorial de photos, des listes de noms, des vies racontées, des obsèques filmées ? Très peu à part dans la PQR. Le ministère de l’Intérieur a demandé la discrétion concernant la diffusion de films ou de photos, une marche mémorielle a été interdite et l’hommage officiel perturbé par des bordées de sifflets à l’adresse du Premier ministre. « Les invisibles » ont été touchés, mais ils sont restés invisibles, sans doute pour d’excellentes raisons.

C’est dans ce contexte qu’une polémique a été déclenchée et s’est prolongée jusqu’à la rentrée : début août, les réseaux sociaux relayaient une affiche annonçant une journée réservée aux femmes en « burkini et jilbeb de bain » dans un parc aquatique des Bouches-du-Rhône. Cette initiative, discriminatoire et illégale, provoque immédiatement un considérable tollé. Les quelques élus imprudents, clientélistes notoires, qui s’efforcent de la justifier, doivent reculer en désordre, et la manifestation, prévue pour la rentrée, est annulée. Quelques jours plus tard, le maire de Cannes prend un arrêté pour interdire le port du burkini sur les plages de sa ville pour une période limitée, en raison des circonstances. Il est rapidement suivi par 26 de ses collègues. Cette fois-ci, le mainstream parisien n’est pas pris au dépourvu et déclenche une campagne violente contre ce qui est qualifié d’insupportable atteinte aux libertés publiques. S’ensuit un débat très dur divisant les familles politiques et scandé par des décisions judiciaires. Les tribunaux administratifs de première instance valident les arrêtés avant que le Conseil d’État annule l’un d’eux, celui de Villeneuve-Loubet, par un arrêt qui, quoi qu’en disent les commentateurs des deux bords, ne clarifie rien. En effet, la question est loin d’être tranchée juridiquement. Et politiquement, elle l’est encore moins, car l’opinion publique bouge.

Avec l’entrée en scène des couches populaires, les discours « ronronnants » habituels ne sont plus tenables. Parler de « guerre au terrorisme » ne veut rien dire si on ne désigne pas l’ennemi. Et l’ennemi n’est pas Daech, adversaire lointain et incompréhensible. Les massacres de cet été – comme ceux qui les ont précédés – ont été commis par des Français ou, à Nice, par un étranger en situation régulière, par les voisins des victimes. Beaucoup, parmi ceux qui sont tombés, avaient croisé le tueur ou ses amis dans les cités qu’ils avaient fini par quitter car elles étaient livrées aux barbus. Ils ont assisté aux premières loges à la montée de l’intégrisme et de la sécession physique qui va avec. Ils sont conscients depuis longtemps de l’existence d’une entreprise séparatiste et antirépublicaine. C’est leur vie, et c’est leur quotidien. Ils ne sont pas racistes. Les « Arabes », ils les connaissent, parlent avec eux, travaillent avec eux, se marient avec eux. Mais ils savent aussi que le ghetto culturel construit par les barbus et les voilées est l’antichambre du djihadisme meurtrier où basculent les plus fragiles.

C’est que ces gens-là, et avec eux tous ces Français d’origine musulmane qui prennent la parole avec une force nouvelle, tiennent beaucoup plus à l’unité nationale qu’on ne le fait dans les beaux quartiers. Ils se moquent de ces hurluberlus qui occupent plateaux et estrades pour affirmer haut et fort que les massacres n’étaient pas le fait de djihadistes mandatés par Daech, mais de « déséquilibrés », en martelant que la France est coupable parce que raciste et trop laïque. Ils savent, car ils le vivent tous les jours, que le terreau du terrorisme, pour les « déséquilibrés », ce n’est pas le passé colonial mais une entreprise idéologique bien présente qui se sert de la crise économique et à laquelle, cabrés, ils opposent désormais un refus rageur. C’est à cela qu’une trentaine de maires ont dû répondre. Comme leurs administrés qu’ils connaissent et pratiquent, ils ont compris que le burkini était un emblème, l’étendard dans l’espace public du combat obscurantiste et régressif mené contre les femmes et par conséquent contre la République. Ils ont enfin compris la stratégie de l’intégrisme qui, de Salon de la femme musulmane en journées burkini, en passant par un camp de vacances interdit aux blancs, teste notre résistance collective. Comme 70 % des Français, ils ont décidé de dire ça suffit.

Et puisque le sujet dépasse largement le burkini et que d’autres « tests » nous attendent, d’autres maires seront désormais confrontés au choix : le clientélisme des accommodements raisonnables inavouables, ou la résistance que leurs administrés républicains leur demandent. Ils ont vu la défaite, ils ont vécu la capitulation et la retraite des territoires perdus de la République, ils y ont parfois contribué, mais ils n’ont pas l’intention de lâcher sans combat ce qui en reste.

Posée ainsi, la question, directement politique, est celle de l’ordre public. Et ce sont donc les maires, premiers officiers de police de leurs communes, qui en ont la compétence et la responsabilité. Entre la loi républicaine et les règles religieuses, quelles qu’elles soient, il n’y a pas, il n’y plus de discussions, d’arbitrage ni de compromis possibles. Le refus du burkini est le début de la restauration républicaine.[/access]

Septembre 2016 - #38

Article extrait du Magazine Causeur



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