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La guerre du feu de cheminée


Les couleurs automnales ravissent en général les esthètes mélancoliques, les patrons de bar (qui trouvent souvent matière à philosopher sur l’approche de l’hiver) et les amoureux qui se retrouvent au parc Montsouris pour se conter fleurette sur les feuilles mortes. En ce millésime 2013, le rouge prédomine. Mais à côté des bonnets rouges des bretons révoltés, d’autres couleurs tentent de s’imposer… c’est Le Figaro qui nous l’apprenait récemment, dans un article au titre sublime : « Des bonnets de toutes les couleurs tentent d’émerger ». Ce n’est plus « modernes contre modernes », comme ironisait Muray, mais bonnets contre bonnets. Mais pas bonnets blancs, blancs bonnets… L’époque est à la couleur, et c’est l’automne ! Le quotidien explique : « Bonnets verts, jaunes ou roses ont emboîté le pas à leurs homologues rouges, surfant sur le succès des Bretons. Au risque que leur message soit dilué dans la multitude de revendications qui émergent. » On apprend par  ailleurs que Armor Lux, la société qui avait fourni à Arnaud Montebourg sa légendaire marinière apolitique de combat, a entrepris d’arroser toutes les revendications colorées du moment en bonnets adaptés. En 256 couleurs, merci de contacter le service commercial qui mettra à votre disposition un nuancier. Le marketing ça ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît…

Tandis que les bonnets manifestent sous les feux des projecteurs, les grandes personnes continuent de faire tourner la boutique avec l’esprit de sérieux qu’on leur connait. Alors que les portiques « écotaxe » succombent sous les flammes de la contestation, et que la grogne s’intensifie, le gouvernement s’attaque à un vrai sujet… une problématique colossale, qui répondra à n’en pas douter aux peurs et interrogations des français : la question des feux de cheminée (vous ne la sentiez pas venir celle-là, hein ?!). Des feux de cheminée qu’il faut évidemment interdire, et condamner avec la plus grande sévérité, compte-tenu de leur bilan carbone et des conséquences écologiques considérables de leur combustion. C’est un compte-rendu de séance au Sénat vieux d’il y a quelques mois qui m’a mis la puce à l’oreille. Le sénateur UMP Alain Gournac y interpellait en ces termes la ministre de l’écologie d’alors, Delphine Batho, qui a entre-temps quitté le navire : « Madame la ministre, un bruit, qui n’était pas celui d’une bûche dans l’âtre, est parvenu à mes oreilles, un bruit selon lequel il serait désormais interdit aux Français de faire ce que mon père appelait une « flambée », autour de laquelle la famille se retrouvait… » La ministre, avait répondu, toute auréolée de certitudes fumeuses… « À Paris, la combustion du bois sera totalement interdite, sauf dérogation par arrêté préfectoral. » Ainsi, énième péripétie écolo-hygiéniste à la française, une loi pourrait entrer en vigueur d’ici 2015 pour interdire les feux de cheminée en Ile-de-France… Pour une meilleure qualité de l’air et contre le cancer du poumon, ne jetons pas de l’huile sur le feu, mais le tisonnier aux ordures !

Dans le même temps, nous apprenons dans Les Echos que la Commission européenne « propose dans un rapport de 122 pages de normaliser la contenance des chasses d’eau. » Les mauvaises langues demanderont : pour nous faire ch… ? Interdire les feux de cheminée, réguler l’usage des W.C. Il n’y a pas à dire, la politique a tout pour faire rêver la jeunesse… Engagez-vous ! Nous attendons impatiemment la police des âtres, qui traquera dans les cieux les moindres traces de flambées romantiques et de mots doux au coin du feu… Nous brûlons d’impatience de rencontrer ces contrôleurs bureaucratiques de chasse d’eau, avec leur équipement de haute technicité, et leur uniforme d’une gravité à toute épreuve.

Mais la lutte n’est pas terminée. Les gardiens intangibles de la liberté de tirer la chasse d’eau sans contrainte, et comme bon leur semble, n’ont pas encore choisi leur type de bonnet de lutte…  Bonnet phrygien ? Ni les défenseurs des feux de cheminée… dont les flammes ravissent en général les esthètes mélancoliques et les amoureux à l’unisson, qui se content fleurette sous les couleurs automnales. Bonnet de nuit ?



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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