Krach boursier: au secours, la crise revient!


Krach boursier: au secours, la crise revient!
(Photo : SIPA.AP21855494_000001)
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Tiens, la crise revient ! Le sujet fait de nouveau les gros titres des journaux et des télés, alors qu’il avait été relégué au fin fond des pages financières, dès que le plus violent de la crise précédente s’était un tant soit peu calmé. On avait pu revenir aux sujets vraiment importants : Juppé ou Sarkozy ? Marine ou Jean-Marie ? Macron ou Valls ? Après tout, la finance « ennemie » avait été réformée, remise à sa juste place, terrassée. Sujet suivant !

Or donc, revoilà la crise qui fait à nouveau la une, avec sa longue traîne de visages de traders accablés, et de graphes en forme de toboggans. Un krach serait en vue, nous dit-on, comme on nous annoncerait une tempête ou un nouveau virus. Est-ce que c’est grave ? Nos habituels médecins de Molière, économistes de banque, analystes supposément indépendants et autres experts plus ou moins autoproclamés, se pressent pour proposer leur diagnostic, définitif. « C’est la Chine ! » « C’est le pétrole ! »  « C’est les banques ! »

Les mêmes, en 2008, tenaient les mêmes propos rassurants

Généralement, la conclusion est la même : cette fois, c’est différent ! Bien moins grave qu’en 2008 ! « La Chine est en train de changer de modèle, c’est juste un moment un peu délicat… » « Il y a un peu d’inquiétude sur les banques, mais elles sont beaucoup plus solides qu’en 2008 ». Seul problème : les mêmes, en 2008, tenaient exactement les mêmes propos rassurants… Personne ne semble s’aviser que demander à un économiste de banque ou à un gérant de fonds, son avis sur l’état du système financier, c’est un peu comme demander à un apparatchik soviétique ce qu’il pense de la santé du régime. Ou à un entraîneur sportif, son sentiment sur le fléau du dopage : rien de grave, juste quelques cas isolés.

Ça va passer, donc, nous dit-on. Sauf que non, cela ne va pas passer, pour la simple et bonne raison que les mêmes causes produisent invariablement les mêmes effets. Depuis vingt ans, il n’y a plus de vraie croissance en Occident. Les usines sont parties, l’industrie aussi. Les multinationales se sont enrichies, grâce à la baisse du coût du travail, en revanche, ceux qui dépendaient de leur travail se sont appauvris – particulièrement les classes moyennes. Bizarrement, il paraîtrait que les inégalités auraient augmenté, on se demande bien pourquoi… Pour « solvabiliser » de manière factice ces classes moyennes en voie de relégation, les politiques ont donné pleins pouvoirs au secteur financier pour créer artificiellement de la richesse. Ce qu’il a fait avec zèle, quitte à chaque fois gonfler des bulles qui, inexorablement, ont fini par éclater. Non sans que les financiers eux-mêmes se soient infiniment enrichi au passage.

Les bulles succèdent aux bulles…

Ce fut d’abord la nouvelle économie, dont on nous a expliqué au tournant du siècle qu’elle créait un « nouveau sentier de croissance », des « gains de productivité inédits dans l’histoire » : grâce à elle, plus de cycles économiques, juste de la croissance à l’infini. Finalement, non, la bulle Internet a éclaté. Puis, on nous a doctement expliqué que, grâce à l’entrée de la Chine dans la mondialisation, on était entrés dans une nouvelle ère, « gagnant-gagnant », où tout le monde allait s’enrichir grâce à l’extension indéfinie du commerce mondial. En fait, on avait juste donné des crédits immobiliers à des gens qui n’avaient aucun moyen, pour qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils étaient juste complètement appauvris. Et la bulle des subprimes a éclaté à son tour.

Dernière histoire en date, donc : grâce aux hydrocarbures de schiste, les Etats-Unis allaient connaître une nouvelle ère économique, créer un nouveau sentier de croissance, faire baisser le coût de l’énergie, et réindustrialiser enfin le pays. Alléluia ! Comme toujours, de très sérieux cabinets de conseil ont validé cette thèse, avec force études et schémas à l’appui, reprise comme un seul homme par la presse spécialisée. Comme toujours, les investisseurs plus ou moins avertis se sont rués sur le secteur, ouvrant tout grand les vannes du crédit aux entreprises spécialisées. Bien sûr, une partie d’entre eux savaient bien que cette industrie n’avait pas autant d’avenir que ce que l’on promettait, mais c’était l’occasion de faire des gains rapides. Ceux-là sont évidemment sortis du secteur depuis longtemps. Mais sans doute tous ne s’attendaient-ils pas non plus à une baisse des prix du pétrole aussi violente – moins 70 % ! – elle-même due en grande partie à l’extrême financiarisation du secteur des matières premières, via les produits dérivés. D’où des variations extrêmes, quitte à déstabiliser des pays, voire des régions entières.

Et une fois encore, c’est le retour au réel

C’est bien sûr, l’autre raison de la nouvelle crise qui arrive : la finance, créature de Frankenstein, s’est totalement autonomisée de la sphère publique, en particulier aux Etats-Unis, bloquant toute réforme d’ampleur de son fonctionnement devenu fou. Ainsi, selon le Financial Stability Board, le shadow banking (hedge funds, fonds d’investissement…) représentait fin 2015, 80 000 milliards de dollars – soit plus de 50 % des actifs financiers et de 120 % du PIB mondial – contre seulement 50 000 milliards en 2007. Sans parler des produits dérivés, et du trading à haute fréquence, qui permet, à l’aide d’algorithmes, d’accélérer presque à l’infini la rapidité des transactions.

Autant dire que non, la crise financière ne va pas passer comme une mauvaise averse ou une grippe tenace. Car la crise n’est pas une maladie, mais plutôt le symptôme d’un dysfonctionnement massif de l’économie mondiale. Elle ne fait que révéler les problèmes que nous n’avons pas traités. Les histoires que nous nous sommes racontées. Les révoltes que nous avons ensevelies sous des montagnes de dette. La crise nous rappelle tout cela. Cela s’appelle le retour au réel. Parfois, cela fait mal.

 

Benjamin Masse-Stamberger tient le blog Basculements



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est journaliste, il tient le blog Basculements.

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