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Israël-Palestine : la Bourse c’est la vie !


Israël-Palestine : la Bourse c’est la vie !
Naplouse : l'avenir est-il aux traders ?
Naplouse : l'avenir est-il aux traders ?
Naplouse : l'avenir est-il aux traders ?

Dans le long conflit qui oppose Palestiniens et Israéliens, chaque camp commémore des dates qui sont synonymes de victoires ou, mieux encore, d’héroïques défaites illustrées par des sacrifices suprêmes. Le 18 février ne fait pas partie de ce calendrier et c’est bien dommage, car c’est à cette date, en 1997, qu’ont été exécutés les premiers ordres d’achat et de ventes du PSE (Palestine Securities Exchange), autrement dit la Bourse palestinienne.

La bourse de Naplouse
Treize ans et à peu près autant de milliers de morts plus tard, Ahmad Aweidah, le patron de la Bourse palestinienne, s’est rendu à Tel-Aviv. Ce jeune Palestinien de 32 ans n’y a pas été invité pour fêter la bar-mitsvah de son établissement et à ma connaissance, personne n’a même songé à célébrer cet anniversaire. Invité par un cabinet d’avocats d’affaires de Tel-Aviv, M. Aweidah s’est efforcé, devant un parterre d’hommes d’affaires et de financiers israéliens, de vanter sa marchandise.

Le projet est né dans les jours heureux de l’après-Oslo quand la paix semblait à portée de main. Bien des choses ont changé depuis, mais dans le pessimisme ambiant, il n’est pas inutile de souligner que cet arbrisseau a miraculeusement survécu aux tempêtes et aux sécheresses politiques pour devenir un arbre – ou du moins un bonzaï. Quand on connaît les contraintes et l’incertitude politique et géopolitique, l’existence même de cette Bourse tient du miracle et ses belles performances depuis 2006 – tout est relatif – et l’évacuation de Gaza témoignent que tout n’est pas si noir.

Il est vrai qu’avec 39 sociétés cotées et 55 millions de dollars d’échanges quotidiens, la place palestinienne fait pâle figure à côté de celle de Tel-Aviv (771 sociétés cotées, 500 millions de dollars de valeurs mobilières échangées chaque jour) sans parler des grandes places américaines, européennes ou asiatiques. En revanche, par rapport à certaines de ses consœurs arabes, Naplouse n’est pas, et de loin, le pire élève de la classe. À la Bourse algérienne (inaugurée le 15 février 1999, seulement trois sociétés cotées) la valeur des titres échangés est dérisoire et même comparée à Aman, la petite sœur palestinienne n’a pas à rougir.
Salam Fayyad, l’économie et le « state building ».

La « paix économique », concept cher à Benyamin Netanyahou, reste pourtant une illusion : une économie prospère ne peut pas remplacer la volonté d’un peuple à disposer de lui-même, c’est-à-dire à avoir son propre Etat. Mais, justement, quand le développement économique fait partie d’une stratégie globale et ne sert pas seulement de « carotte », les dividendes politiques peuvent être considérables.

C’est exactement ce qu’essaie de faire le Premier ministre palestinien Salam Fayyad. Pour lui, la fin de l’occupation israélienne ne peut pas être dissociée de l’indépendance palestinienne. Concrètement, cela signifie que les Palestiniens doivent consacrer autant d’énergie et de moyens à la construction de leur futur Etat qu’à la lutte pour leurs frontières.

Depuis la nomination de Fayyad au poste de Premier ministre après la scission avec Gaza en juin 2007, son gouvernement s’est donné pour mission de construire une infrastructure étatique, refonder les institutions et surtout faire avancer une culture de gouvernance. Autrement dit, il s’agit de créer une fonction publique de qualité (recrutement et avancement au mérite et non pas selon l’appartenance politico-clanique) et de lui donner les moyens de travailler. Ce professeur d’économie, ancien de la Banque mondiale et du FMI, laisse à son patron, le président de l’Autorité palestinienne, le soin de mener la guéguerre diplomatique et politique avec Israël et consacre le plus clair de son temps à faire avancer des projets à la fois publics et privés.

Cette stratégie de « state building », appliquée patiemment et méthodiquement par Fayyad commence à porter ses fruits. La croissance a atteint 4 % en 2007 et 7 % en 2009, les salaires ont augmenté d’à peu près 20 % et les appels d’offre pour la construction d’une première ville nouvelle sont en cours de préparation.   
 
La mutation des forces de sécurité
Une Bourse palestinienne où les sociétés locales pourront lever des capitaux est un élément capital du dispositif de Fayyad, car au-delà de son utilité économique, un marché financier national est un attribut étatique important. Or, pour faire avancer cette stratégie, Fayyad a besoin non seulement des capitaux américains et européens qui assurent à peu près la moitié de son budget, mais aussi et surtout de calme. Les trois ou quatre dernières années ont été caractérisées par un niveau de violence très bas en Cisjordanie, notamment grâce à la première mutation réussie d’une institution palestinienne : les forces de l’ordre et de sécurité. En effet, depuis quatre ans, le général américain Keith Dayton surveille la formation et la réorganisation des différents organismes sécuritaires, les transformant graduellement en corps professionnels et disciplinés, c’est-à-dire beaucoup moins politisés qu’avant. Ainsi, quand un officier de police palestinien a tué la semaine dernière un sous-officier israélien sur une route cisjordanienne, Salam Fayyad s’est empressé de condamner l’attentat, assurant le gouvernement israélien que ce cas isolé ne reflétait pas le comportement des fonctionnaires en uniforme de l’Autorité palestinienne. Tout est sous contrôle, et le calme et la confiance permettent à Fayyad et ses fonctionnaires d’avancer vers leur Etat. 

Un pragmatisme révolutionnaire
Face à l’incapacité des classes politiques palestinienne et israélienne de parvenir à un accord diplomatique, la nouvelle approche pragmatique palestinienne est aujourd’hui la seule source d’espoir. Avancer sans laisser le Hamas ou la question de colonies – ou tout autre obstacle d’ailleurs – bloquer la situation, créer un Etat palestinien, non pas à partir des ses frontières et de ses attributs symboliques mais en commençant par ses institutions et ses attributs réels, tout cela constitue une véritable révolution copernicienne. Un tel Etat, reconnu par la Communauté internationale dans des frontières provisoires, pourrait changer la donne au Moyen-Orient. Shimon Pérès n’avait pas tort quand il disait que Fayyad n’était peut-être pas le premier Palestinien à lire David Ben Gourion mais probablement le premier à l’avoir compris.

Mars 2010 · N° 21

Article extrait du Magazine Causeur



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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