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Insipides dating


Jour 10. Ça devait arriver : lapin à la brasserie Zimmer. Seul réconfort : le sourire d’un grand blond[3. Il ne s’agit pas de François M.].

Jour 11
Des professionnelles sur Meetic ? Plutôt des occasionnelles… Il suffit de généreusement remplir la case « revenus » de son profil pour qu’une nuée d’amazones, essentiellement subsahariennes, se proposent. J’ai déniché mieux : lm_pika. Artiste, jolies photos, répond promptement et insiste pour dîner. Bizarre. Au Kong, elle arrive pile à l’heure – impensable pour une Parisienne. « On va prendre un bon bordeaux, dit-elle en s’emparant de la carte. – Non. – Non… !? – Ou tu craches ta Valda et tu me racontes ton histoire, ou je finis mon Coke Zero et je te plante là… » Crânement : « OK… Je ne m’en tire pas avec la sculpture. Et je ne veux pas tapiner. Alors, je me laisse inviter… » Et c’est ainsi que toute la semaine, la belle festoie aux frais du prince charmant. Sans danger : les hommes n’osent pas la bousculer le premier soir, persuadés que c’est dans la poche. Ensuite, elle les blackliste et n’est plus jamais importunée. « Tu sais tout… On dîne, Sherlock Holmes ? » Suis à l’école de Dovra, ma belle. Je me barre. Le Coca, ce sera pour toi.

Jour 12
Mauvais rêve, cette nuit. Des fiches, des visages, des listes – boléro sans joie. Et dans la catégorie « A flashé sur vous » : ma mère.

Jour 13
Ce soir, c’est cinéma. Avec PinkyRozy, Taïwanaise de vingt-huit ans, qui sévit dans la mode (officiellement… car ici, tout le monde triche). Film quasi lacrymal. Prendre ensuite un verre au néo-spacy Drugstore avec une Meetic Girl a un je-ne-sais-quoi de sordide. Un éclair de complicité : elle a aussi honte que moi. Ça arrive, entre requins.

Jour 14
Magaly78 n’a pas la positive attitude : « Bsr. J’imagine que c’est sans espoir… » Quoi donc ? Trouver l’amour en ligne ? Que nenni ! Simplement de décrocher un rendez-vous avec mézigue. Bon… elle fait tragiquement vieille fille. On chatte quand même un peu. Elle est l’archétype des disgracieuses, des volumineuses, des sans photos – de toutes celles qui n’intéressent personne[4. Il ne s’agit pas de Trudi K.]. Et pour lesquelles le grand supermarché de la séduction est une humiliation, et l’humiliation le prix à payer pour fuir le néant du célibat banlieusard ou provincial.

Jour 15
Meetic comme école de la cruauté. D’abord, on répond poliment aux sollicitations. Et puis, on zappe. Plus aucun égard. Question de survie : on est vite submergé. Pas attirante ? Je jette. Tu insistes ? Blacklistée. Meetic, ça commence comme une chanson démago de Julien Clerc et ça finit par Femmes, je vous sème…

Jour 16
Quand je pense à ces milliers de filles connectées au boulot en permanence… Que fait Parisot ?

Jour 17
Ai explosé ce soir le record du rendez-vous le plus court : 27 secondes. Ce qu’il faut pour lâcher : « Votre temps est précieux. Accessoirement, le mien aussi. Bonne soirée. » Sur le site : pimpante blonde shootée au soleil de juillet. Aux Deux-Magots : bouffie, cernée, portant toutes les névroses du monde sur des épaules à dermatologue. Je me ravise : ce site rend fou. Je suis là pour une enquête, pour la faire parler. Pas flambard, je rebrousse chemin. Partie.

Jour 18
Nul « Choc des Civilisations » sur Meetic. Nadia, Leïla, Fatya, Sonia, Sara : le nombre de beurettes jolies, indépendantes, espiègles… Et signifiant souvent « aux cousins du bled » qu’ils aillent se crasher ailleurs. La plupart ne renseignent d’ailleurs pas la case « religion ». Quant aux feujettes, on leur propose de cocher la mention « israélite », qui sent bon sa IIIe République.

Jour 19
Dovra me raconte Léa. Inscrite uniquement par chantage à l’endroit de son amoureux : il revient dare-dare ou elle choisit parmi les 1 754 soupirants qui l’ont déjà « visitée ». Sueurs froides pour l’intéressé, qui a pu vérifier en ligne le succès de la splendide délaissée… Trop tard ? Dovra tête son Cohiba sans répondre.

Jour 20
Y_Not est on ne peut plus cash : « Pour bien connaître un mec, je l’essaie… » Ah ? « Tu habites loin ? » Help !

Jour 21
La plupart des photos de filles, prises à Megève, Venise ou Djerba, sont découpées. Dépasse un bras, une épaule, parfois une joue… Leur ex. Conclusion de Dovra : « En lui tirant le portrait, tu fais deux heureux. Toi, aujourd’hui… et moi, dans six mois ! »

Jour 22
Jessica est professeur dans un lycée de la petite couronne. Chez Sushi West, elle me parle du site, de cet « endroit horrible » pour une fille lettrée où il convient d’écrire en phonétique, en franglais de bidonville, ou l’on « 😉 » et « lol » à tire larigot… « Sur Meetic, amertume-t-elle, l’espérance de vie de Pivot, c’est 30 secondes ! »



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David Martin-Castelnau est grand reporter, auteur des "Francophobes" (Fayard, 2002).

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