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Groupes de niveaux au collège: quand l’école révèle tous les maux français

La nouvelle ministre, Nicole Belloubet, mettra finalement en place des « groupes de besoin »


Groupes de niveaux au collège: quand l’école révèle tous les maux français
"Chut, voilà la maitresse !" Nicole Belloubet, Chenove (21), 18 mars 2024 © TARDIVON JC/SIPA

Une polémique qui en dit beaucoup sur ce que notre malheureux pays est devenu


Harcèlement scolaire, violences, savoirs élémentaires non maîtrisés, irrespect des professeurs : quelles sont les raisons de la crise du système scolaire français ? Naguère vantée comme la « meilleure au monde », l’école française ne fait aujourd’hui guère l’unanimité. Élèves, parents et professeurs affichent ensemble leur rejet constant de cette institution pourtant consubstantielle de l’identité française, singulièrement sa part républicaine.

Une interminable chute

Dans Le Monde d’Hier, souvenir d’un Européen, Stefan Zweig déclare plein de fiel : « Toute ma scolarité ne fut qu’ennui et dégoût ». Décrivant l’école comme relevant de l’expérience carcérale, ou selon le terme approprié alors du « bagne », il explique n’y avoir reçu de ses maîtres qu’un « apprentissage morne et glacé, non pas pour la vie, mais pour lui-même ». Permanent de l’expérience humaine, la détestation de l’école, notamment par les garçons qui ne supportent souvent pas de devoir rester assis des heures durant pour écouter une leçon peu stimulante, est toujours une réalité en 2024. Et plus encore que jamais. Mais du temps de Zweig, les élèves qui en sortaient avaient-ils au moins accumulé un capital culturel utile pour le reste de leur vie. De nos jours, que retiennent les jeunes Français de leur passage ?

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Tout le monde peut constater la chute vertigineuse de la France dans les classements mondiaux, comme l’a encore démontré le dernier classement PISA sorti en décembre 2023. Nous n’y figurons qu’à une honteuse vingt-troisième place parmi les 38 pays de l’OCDE, très loin derrière les meilleurs tant en Occident qu’en Asie. La chute en mathématiques est particulièrement vertigineuse. Idem en « compréhension de l’écrit », où la performance des élèves a baissé de 19 points, contre 10 points pour la moyenne OCDE par rapport à 2019. Pire encore, dans un pays aussi marqué par les « valeurs républicaines », obsédé par l’égalité jusqu’à la névrose égalitariste, nous sommes l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique des enfants et leurs résultats scolaires est le plus important.

L’autorité du maitre n’est plus qu’un lointain souvenir

Ces constats objectifs et statistiques confirment bien le « ressenti » des usagers de l’école que sont les parents et les élèves. La gratuité du public ne peut pas compenser des résultats en berne. La faute à qui ? À quoi ? Quand le collège unique fut décidé, la population française était homogène, dans tous les sens du terme. Elle était unie par un socle de valeurs communes mais aussi ordonnée, globalement respectueuse de l’autorité du maître. Aujourd’hui, le professeur doit faire du cas par cas ; il est parfois confronté à des classes d’une grande hétérogénéité où les élèves présentent des vécus et capacités fort différents les uns des autres, éduqués par des parents qui n’ont pas les mêmes objectifs. Le socle « commun » de connaissances est donc aussi difficilement atteignable que le socle commun de valeurs « républicaines » que l’État entend leur inculquer.

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Face à ce défi, le politique est à la peine. Il ne sait pas répondre et ne peut que pleurer sur des résultats plus que décevants. La mainmise des syndicats de gauche et d’extrême gauche sur l’école rend impossible toute réforme d’envergure. Quant aux parents, ils fuient vers le privé pour échapper aux périls du public. L’idéal égalitariste a donc créé une situation inégalitaire, que notre fugace ministre Mme Oudéa-Castera illustrait d’une lumière crue. Songez donc qu’elle a jugé que l’école publique du cinquième arrondissement parisien, on ne parle pas de la Creuse ou de la Seine-Saint-Denis, n’était pas apte à répondre aux attentes qu’elle a fixées pour sa progéniture.

Aux grands maux les grands remèdes

Conscients que les différences de niveaux mettent en danger toute la société française, Gabriel Attal et Brigitte Macron sont les partisans de l’instauration de groupes de niveaux, pudiquement rebaptisés « groupes de besoin » par Nicole Belloubet. Ils seront mis en place au collège en français et en mathématiques. Les bons seront avec les bons. Les mauvais avec les mauvais.
Mais à la fin, tous devront connaitre le « programme ».

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Cette solution, aussi anachronique que notre collège unique, ne sera qu’un énième pansement sur une jambe de bois. Car l’école n’est que le révélateur des maux français. L’autoritarisme sans l’autorité. Le concours à l’asiatique sans la discipline et le travail acharné. La pédagogie positive à la scandinave et à l’anglo-saxonne sans l’authentique liberté. L’obsession du « diplôme » comme cache-sexe à la bêtise. La « diversité » masquée par l’uniforme. Une école garderie et à plusieurs vitesses qui ne développe pas plus les esprits qu’elle ne donne une solide instruction. Et pire que ça, elle montre que la République s’est effondrée lors des dernières décennies, et avec elle la France. L’école réussit l’exploit d’être rigide et laxiste. Elle est, en ce sens, exemplaire de la France contemporaine.

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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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