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L’archéologie sous les bulldozers du Hamas


L’archéologie sous les bulldozers du Hamas

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Un chantier de fouilles archéologiques qu’on transforme en terrain d’entraînement militaire est tout sauf une bonne nouvelle. Que l’Unesco laisse défoncer au bulldozer, et sans broncher, un site historique qu’elle a inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, cela mérite qu’on s’interroge. Connaissant les exigences de l’organisation pour sélectionner les sites figurant sur cette liste, on en reste confondu.
L’affaire concerne le site d’Anthedon (aujourd’hui Blakhiyya), dans la Bande de Gaza. Les brigades Ezzed-Dine al-Qassam viennent de raser au bulldozer une partie d’Anthedon, un carrefour des civilisations antiques.
Le port d’Anthedon a obtenu son inscription sur la liste mondiale il y a tout juste un an. Anthedon faisait partie des quelques cités, comme Césarée, Ptolémaïs (Akko ou Acre), Tyr et Sidon, qui jalonnaient la côte levantine durant l’Antiquité classique. La ville fut particulièrement florissante aux époques hellénistique et romaine, comme en témoignent les vestiges du temple et des fortifications.
Les fouilles franco-palestiniennes, menées sous la direction de J.-B. Humbert, entre 1994 et 2005, ont révélé des maisons avec des murs peints de fresques et des mosaïques, ainsi que de vastes demeures sous influence nabatéenne. Seulement, ce sont là des vestiges préislamiques, chrétiens même. Aux yeux des barbus du Hamas, ils ne sont sûrement pas d’un intérêt prioritaire.
Le laborieux travail des archéologues dans la région se heurte autant au sable qui engloutit tout qu’au risque de pillage et à l’usure du temps. Mais vient s’ajouter désormais une volonté de destruction qui semble délibérée. Depuis que les islamistes ont fait main basse sur Gaza, en 2007, la France a interdit aux fouilleurs de poursuivre leurs explorations, et le site archéologique ressemble maintenant à un terrain vague. Utilisé comme base d’opérations par les lanceurs de roquettes vers les villes du sud d’Israël, l’emplacement de l’ancien port aurait souffert des répliques de l’aviation israélienne. Il ne fait guère de doute que si les islamistes construisaient une caserne sur le site, elle deviendrait immédiatement une cible. Et il serait facile ensuite d’accuser, comme d’habitude, les Israéliens d’avoir détruit les vestiges en bombardant les rampes de lancement et les installations militaires. Engagé dans une guerre médiatique internationale, le Hamas cherche systématiquement à rejeter la responsabilité sur Israël.
Sa détermination et l’hypocrisie des « observateurs » sont sans limites. Néanmoins, le Département des Antiquités et du patrimoine culturel de Gaza clame à qui veut l’entendre que le site constitue une priorité.
D’autre part, la zone autour du site est très densément peuplée et la tentation est grande d’utiliser ce vaste terrain qui paraît inoccupé. Et comme dans de nombreux pays pauvres, les problèmes, en particulier sanitaires, sont graves : argument privilégié par le Hamas et prétexte imparable, notamment aux yeux des « observateurs ». Embarrassé par la réaction des militants des droits de l’homme basés à Gaza, le ministre adjoint du Tourisme, Mohammed Khela, a invoqué un « projet de résistance ». Autrement dit, le patrimoine archéologique palestinien peut être sacrifié sur l’autel de la lutte contre l’ennemi sioniste.
UN Watch, une ONG qui veille au respect par l’ONU de sa propre charte, indique qu’elle a alerté Catherine Ashton, ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, et Irina Bokova, la Directrice générale de l’UNESCO. En vain. La question n’a même pas été portée devant le Conseil exécutif. Comme l’a souligné David Killion, l’ambassadeur américain, l’ordre du jour de la réunion bisannuelle de l’UNESCO qui vient de s’achever comportait cinq points concernant des questions palestiniennes dont le seul but était d’isoler Israël. Ainsi, l’institution mandatée par les Nations Unies renonce à assumer sa mission de protection de la culture et du patrimoine mondial. Pendant ce temps, la Syrie, qui laisse piller et bombarde son héritage archéologique en massacrant sa population, détient toujours un des trente sièges au Comité des Droits de l’Homme de l’UNESCO — contrairement à la Ligue arabe qui a pris ses distances.
Mais comment oublier la destruction récente des mausolées de Tombouctou rasés par la folie des fondamentalistes, et celle, en 2001, des bouddhas de Bamiyan bombardés par les Talibans ? Il s’agissait de sites classés au patrimoine mondial, et la communauté internationale s’en était vivement émue. L’UNESCO qui se demande encore si elle aurait pu éviter la destruction des bouddhas serait bien avisée d’agir tant qu’il en est temps. L’organisation internationale serait plus utile en jouant son rôle de protecteur de la culture qu’en se perdant dans des querelles politiques stériles, abandonnant au passage notre patrimoine mondial.



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