Accueil Politique C’est l’élégance à la française qu’on assassine à l’Assemblée et c’est l’ironie qu’on muselle

C’est l’élégance à la française qu’on assassine à l’Assemblée et c’est l’ironie qu’on muselle


C’est l’élégance à la française qu’on assassine à l’Assemblée et c’est l’ironie qu’on muselle
La députée d'extrême gauche Ersilia Soudais, juin 2022 © ISA HARSIN/SIPA

Alain Jakubowicz vient de l’apprendre à ses dépens…


« L’ouragan de l’indifférenciation parcourt à une cadence de plus en plus rapide tous les domaines d’activités humaines, et comme cet ouragan propage une doctrine de néant, ou d’acceptation de ce qui est, il est irréfutable. À la lettre, il décourage toute pensée critique ; il en est la fin », écrivait Philippe Muray en novembre 1998. L’école formate les marionnettes d’un Théâtre de Guignol où tout se vaut et où tout est permis.  « La fabrique du crétin » tourne à plein régime, et, depuis un bon moment déjà. Quoi de plus normal, alors, que de voir maintenant nos premiers imbéciles, élus par leurs pairs, siéger à l’Assemblée nationale ?

Un peu de tenue !

C’est une génération décomplexée de brailleurs débraillés qui a investi l’hémicycle, le transformant illico en McDonald’s. On y vient comme on est, on le vaut bien. Nos ravis y achèvent à coup de pelleteuse ce qu’il reste de l’élégance à la française, celle-là même que le monde nous a longtemps enviée. Mais il y a cependant plus grave : nos joyeux drilles ne semblent plus avoir conscience que le vêtement, adjuvant de la parole, renforce le message divulgué. Ils ignorent aussi, visiblement, que la vêture incarne la fonction et témoigne du respect qu’on porte à celle-ci. Quant à l’ironie qui permettrait une distanciation salvatrice d’avec le pitoyable spectacle de la débâcle vestimentaire à l’Assemblée, elle est désormais proscrite. Qui s’y livre s’expose à la vindicte générale, surtout s’il tacle l’espèce très protégée qu’est la femme.

A lire ensuite, notre entretien avec Julien Damon: Retraites, un psychodrame à répétition

Lundi dernier, Alain Jakubowicz, avocat et président de la Licra, l’a appris à ses dépens. Sans doute, comme nous tous, dépité par les guignolades stériles de ces quinze derniers jours de débats dans le Palais Bourbon, s’est-il laissé aller à un tweet cathartique. Il y partageait la photo de la députée LFI Ersilia Soudais avec ce commentaire laconique : « Tenue d’hiver d’une députée. On redoute l’été… » Il s’agissait là simplement de souligner l’incongruité du port de la combishort blanche et du collant noir dans l’hémicycle. Il n’est pas impossible, bien sûr, que l’avocat ait également voulu suggérer que ce vêtement aussi agressif pour les yeux qu’un soleil de montagne en hiver seyait peu à la dame. Et quand bien même ! Qui affirmerait le contraire serait bien hypocrite.

Que n’avait pas tweeté là notre malheureux avocat ? il dut faire à face à une meute déchaînée dénonçant dans les propos tenus un sexisme qu’on n’y voit pas forcément.

« Pauvre boomer misogyne. Vous faites pitié », a réagi l’élue LFI Aurélie Trouvé. « Supprime » a immédiatement ordonné Sandrine Rousseau, venue en renfort. « Supprimez votre tweet. S’en prendre à une femme politique sur la base de sa tenue est une discrimination des plus classiques. Celle provoquée par le machisme », a renchéri Raquel Garrido.

Redouter l’ironie, c’est craindre la raison

Jean-Luc Mélenchon ne laissa pas passer si belle occasion d’occuper, une fois de plus, le terrain : « Les attaques sexistes contre la tenue de la députée @ErsiliaSoudais sont une honte. Elles mériteraient la mise en retrait de celui qui les tient au nom d’une association respectée. » Quant à Aymeric Caron, pour rien au monde, il ne serait resté en retrait de la curée. « Votre tweet est stupide, misogyne, indigne d’une personnalité qui entend lutter contre les discriminations. Président d’honneur de la Licra, vraiment ? » Selon Le HuffPost, la Licra aurait été contrainte de réagir : « Ce tweet n’émane pas de la Licra (qui n’en est pas solidaire). Le propos tenu n’engage que son auteur. »

L’indispensable Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, elle aussi, a tweeté, finement :« Je condamne fermement ces attaques misogynes et sexistes. »

« Redouter l’ironie, c’est craindre la raison » disait justement Sacha Guitry. Qu’un tweet aussi anodin que pertinent déclenche pareille tempête prouve que nous sommes atteints de folie collective.

Quant à moi, quand j’ai vu l’étrange tenue de la dame, j’ai immédiatement songé au regretté Karl Lagerfeld. Il aurait certainement mis en garde notre naïve contre le port du combishort. Que Celzéceux qui envisageraient maintenant le port du jogging à l’Assemblée, gardent en tête ce mot de notre défunt pape de la mode : « Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging. »



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est professeur de Lettres modernes

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