Accueil Édition Abonné Ma vie à l’Assemblée

Ma vie à l’Assemblée

La chronique d'Emmanuelle Ménard, députée indépendante à l'Assemblée nationale


Ma vie à l’Assemblée
Emmanuelle Ménard, députée de l'Hérault, dans l'hémicycle, février 2020 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Que se passe-t-il dans les couloirs du Palais-Bourbon et dans l’Hémicycle lorsque les caméras ne sont plus là ? Grandeurs et petitesses de nos députés…


Rentrée parlementaire

Retour à l’Assemblée après trois semaines passées chez moi, à Béziers et dans les villages de ma circonscription. Une bouffée d’oxygène. Loin de débats souvent stériles, de postures presque toujours insupportables. Cela m’a fait du bien. Je reviens bien décidée à profiter de mon indépendance pour tenter de faire entendre une petite musique différente. Ce ne sera pas facile à la veille d’un débat sur les retraites où faire preuve de simple bon sens vous vaut d’être dénoncé par les bancs les plus à droite et les plus à gauche. Il va falloir tenir le choc. Heureusement, dans les couloirs qui mènent à mon bureau, rue Aristide-Briand, en face de l’Assemblée, les huissiers sont comme toujours prévenants, souriants. Je crois qu’ils aiment bien la petite musique dont je parlais plus haut…

Niche parlementaire du RN: la proposition de loi visant à rendre obligatoire un uniforme scolaire n’a pas été retenue D.R

Attachés parlementaires

On parle peu d’eux. Dommage, parce qu’ils sont tout simplement indispensables, incontournables. Je veux parler, bien sûr, des attachés parlementaires. J’en ai trois. Deux à Paris et un à Béziers. Pendant les vacances parlementaires, nous avons continué à travailler. Pour répondre aux courriers, pour préparer les rendez-vous… la vie ne s’arrête pas avec la fin des sessions. Dans mon bureau de la capitale – comme on dit en province –, nous sommes entassés les uns sur les autres. À ceux qui nous imaginent dans des locaux spacieux, je propose de venir jeter un œil. La République fait attention à son argent et elle a raison. Je ne me plains pas. J’informe, c’est tout. Non inscrite, je ne bénéficie pas des moyens d’un groupe politique. Et, notamment, de ces attachés de groupe justement qui vous mâchent le travail. À nous quatre, nous devons plancher sur tous les projets et propositions de loi. Je dépose des centaines d’amendements par an. Pour préciser, contredire quand il le faut, améliorer même si le texte est porté par un adversaire politique. Souvent, je me sens seule. Mes attachés sont alors un cocon où l’on se tient chaud. Alors que mes voisins de couloir me parlent peu, ça fait du bien…

Niche parlementaire

Le 12 janvier, c’était la niche parlementaire du Rassemblement national. Une niche, c’est une journée durant laquelle un groupe politique décide des propositions de loi qu’il veut faire examiner par l’Assemblée. C’est un moment important, car chaque groupe bénéficie d’une journée… par an. Ce qui est peu. Il faut donc bien choisir les textes qui seront présentés sous peine de se gâcher des occasions… Et des occasions ratées, le RN en a eu un certain nombre durant cette journée. D’abord parce qu’il a choisi certaines propositions de loi qui avaient déjà été déposées par d’autres groupes avant lui. Estimant que, puisqu’il s’agissait de textes consensuels, ils avaient davantage de chances d’être adoptés. Hélas, trois fois hélas, c’était sans compter les réflexes politiciens : avant qu’une proposition de loi portée par le RN soit votée par le reste des députés, les poules auront des dents… Même avec l’appui de la première dame de France, c’est peine perdue. Eh oui, même la proposition de loi visant à rendre obligatoire un uniforme scolaire a fait long feu. Pourtant, hasard ou non, cette mesure avait bénéficié du soutien (involontaire ?) de Brigitte Macron la veille de son examen à l’Assemblée et 59 % des Français y sont favorables. Mais la vieille politique a la vie dure, à l’Assemblée comme ailleurs, et tous les prétextes sont bons pour privilégier les petits intérêts de boutique des partis politiques à ceux des Français. Désespérant…

Adrien Quatennens

Ça y est, il est revenu. Sans bruit. Pour le moment, on ne le voit que dans sa commission (puisque la présence y est obligatoire…). Il en a d’ailleurs changé, probablement du fait de la modification de son statut : je vous l’expliquais le mois dernier, l’ex-député de la France insoumise fait désormais partie des non-inscrits. Sa présence a été annoncée par le président de la commission des Affaires étrangères : « Nous avons le plaisir d’accueillir un nouveau membre, Adrien Quatennens. » Il n’en fallait pas plus pour sonner le tocsin et plusieurs caméras étaient présentes pour l’accueillir à la sortie du bâtiment. Pour la discrétion, c’était raté. Personne ne l’a pourtant encore revu dans l’Hémicycle et surtout pas lors de l’examen de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour… les victimes de violences conjugales. On sentait d’ailleurs un léger malaise sur les bancs de la Nupes en début de discussion. Un texte pourtant consensuel, mais qui m’a donné l’occasion de rappeler que les violences conjugales ne concernent pas seulement les femmes, mais aussi les enfants, souvent victimes « collatérales » de ces conflits familiaux, et… les hommes. Un sujet tabou, ces derniers hésitant le plus souvent à porter plainte, par honte sûrement. Avec pour conséquence directe une grosse difficulté à identifier l’ampleur du phénomène. Les hommes victimes de violences sont en effet malheureusement fréquemment poussés au suicide et ne rentrent plus dans le décompte « classique » des victimes de conflits familiaux. Nos féministes de service sont restées étrangement silencieuses sur le sujet…

Réforme des retraites

Pas encore à l’examen au moment où j’écris ces lignes – et même pas encore présentée en Conseil des ministres –, la réforme des retraites fait déjà réagir sur les bancs de l’Assemblée. D’ailleurs, je viens d’apprendre que le groupe MoDem se propose de déposer un amendement pour revenir sur les 35 heures. De quoi, tel un réflexe pavlovien, faire immédiatement bondir les députés de la Nupes, vous vous en doutez. Et probablement pas les dissuader de déposer 1 000 amendements par député, comme ils en ont déjà émis l’intention (la menace ?) ! Eh oui, les mêmes qui se plaignaient de l’obstruction de certains députés qui avaient osé déposer au total… 473 amendements lors de la proposition de loi visant à interdire les corridas ! N’est pas cohérent qui veut. Mais bon, assez ricané, la suite au prochain épisode…

Février 2023 – Causeur #109

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Sainte Brigitte, priez pour eux!
Article suivant Éloge de la paresse ou du travail? Il faut choisir!
Députée, non-inscrite, de la 6ème circonscription de l’Hérault.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération