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Vers l’effondrement de la filière sucre française

Marc Fesneau, ministre français de l'Agriculture, renonce à accorder une nouvelle dérogation pour l'utilisation des néonicotinoïdes


Vers l’effondrement de la filière sucre française
Le député Alexandre Sabatou. D.R.

Une tribune libre d’Alexandre Sabatou, député (RN) de la 3e circonscription de l’Oise.


L’annonce est donc tombée fin janvier, après la décision de la Cour de Justice européenne : le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, renonce à donner une nouvelle dérogation aux agriculteurs pour autoriser les néonicotinoïdes dans la culture betteravière à sucre. Ce renoncement du gouvernement pourrait conduire à l’effondrement de la filière, pourtant leader sur le marché européen en sucre et alcool agricole.

Rendements en baisse

L’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes dans les exploitations agricoles françaises est encore dans tous les esprits des professionnels. Couplée à la prolifération des pucerons et à la sécheresse estivale, les professionnels ont constaté concrètement une baisse de la productivité au niveau national de 23 à 30% allant jusqu’à 70% dans les zones les plus touchées selon l’institut technique de la betterave dans son bilan d’activité 2020. Près de 20 tonnes à l’hectare en moins !

D.R.

L’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes a eu des effets immédiats en déclenchant la prolifération des pucerons, vecteurs de la maladie de la jaunisse qui baisse considérablement le rendement de la plante. Une année noire pour le secteur qui a bénéficié par la suite de deux dérogations successives.

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Pourtant, lors du débat autour de l’interdiction des néonicotinoïdes, les professionnels du secteur avaient soulevé le vrai problème : il n’existe pas d’alternative crédible, en l’état des connaissances scientifiques, à l’usage de cette substance. Si les farouches défenseurs de son interdiction parlaient vaguement d’un autre modèle d’agriculture à promouvoir tout aussi hypothétique qu’une alternative aux néonicotinoïdes, le gouvernement socialiste de l’époque a tout de même jugé opportun de les écouter en sachant pertinemment que la filière serait livrée à elle-même – qui plus est dans un monde globalisé concurrentiel. L’expérience catastrophique de 2020 a conduit aussitôt à accorder la dérogation nécessaire aux betteraviers.

Des années noires en perspective

Aujourd’hui, rien n’a changé. Par cette décision de la Cour de justice européenne, le ministre de l’Agriculture s’emploie déjà à proposer une compensation financière pour soutenir la filière qui, tous les experts le savent déjà, connaîtra de nouvelles années noires. Par cette décision, la filière sera contrainte de se réorganiser en diminuant ses terres agricoles, et en produisant d’autres produits plutôt qu’en investissant dans la betterave à sucre dont les rendements s’effondrent.

Sous couvert de bons sentiments auprès des Européens, l’Union européenne déploie une nouvelle fois toute son hypocrisie. Après le déclin de l’industrie depuis 30 ans dans les pays du marché commun européen, particulièrement visible en France, elle s’apprête à livrer les consommateurs aux marchés brésiliens, thaïlandais ou indiens ! La France, qui est par ailleurs la seule en Europe à interdire tous les néonicotinoïdes, produira peu à cause de normes uniques au monde. Mais les Européens consommeront des produits importés aux normes environnementales médiocres. Dans le cas français, le patient va mourir guéri.

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Leader du marché européen avec ses 40 000 emplois, la filière betteravière française, déjà confrontée à des difficultés bien connues, risque donc de s’effondrer face à cette concurrence déloyale. Dès cette année, la filière subira la concurrence intra-européenne notamment de l’Allemagne ou de la Pologne qui auront recours à des pulvérisations d’acétamipride. Dès cette année, les résultats de cette politique absurde produiront des effets désastreux chez nous.

Il est temps de voir les choses en face et d’agir en conséquence. Acceptons-nous la destruction de la filière sous couvert de bons sentiments ? Acceptons-nous de dilapider de l’argent public dans des aides aux betteraviers qui n’ont aucune chance de s’en sortir ? Le ministère de l’Agriculture le sait comme tous les experts. Tout cela pour importer du sucre de « partenaires » européens à la concurrence déloyale voire de pays usant des néonicotinoïdes ? Il est temps de se réveiller et de voir le monde tel qu’il est.



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Député Rassemblement national de l’Oise. Co-fondateur de l'Avenir français

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