David Bowie, mort d’un débutant


David Bowie, mort d’un débutant

David Bowie

Jusqu’à son dernier souffle, David Bowie aura donc été un « absolute beginner » comme il le chantait dans le film du même nom (Absolute Beginners), tourné au milieu des années 80 par Julien Temple. Un créateur inclassable et toujours en avance d’un courant musical ou d’une coloration capillaire, qui savait dompter les modes et les couvertures de magazines comme seul y parviennent quelques vrais « débutants absolus », lorsqu’ils sont touchés par la grâce (ou presque).

Né à Londres en 1947, sous le nom de David Robbert Jones, d’une mère ouvreuse de cinéma et d’un père attaché de presse pour une organisation caritative, David Bowie – qui avait débuté sa carrière en s’essayant au mime en lisant du Jean Genet – bouscule le train-train pétards, sandalettes et fromages de chèvres des années 70 en contribuant à l’émergence du glam-rock (avec Ziggy Stardust et la chanson Ashes to ashes), sorte de fusion pyjama et cheveux rouges des oripeaux du rock bien avant l’arrivée bruyante du punk et des vêtements à épingles à nourrices.

Rescapé d’une sévère plongée dans la cocaïne et la folie au début des années 80 (son propre frère malade mental s’était suicidé quelques années plus tôt), il survit à sa période de « colin froid du funk » (l’album Station to station) et quelques déclarations hasardeuses sur Hitler qu’il considère comme « la première rock star », devance l’explosion de la New Wave avec son complice Brian Eno, coiffe tout le monde sur le poteau en faisant du Talking Heads avant l’heure… Puis, devient l’une des plus fabuleuses machines à tubes du XXe siècle avec la chanson Let’s Dance (14 millions d’exemplaires vendus) en 1983. Un monument du rock fraise Tagada des années MTV produit par le Niles Rodgers du groupe Chic et mis en images par le surdoué David Mallet (le clipper star de l’époque) qui contribuera a rendre l’artiste aussi fréquentable pour les ados et la ménagère que pour la famille Royale d’Angleterre et la mafia de la mode et de la haute-couture.

Adulé comme un dieu aztèque par les demi-mondains des médias et de l’art contemporain, mais pas toujours par le public – ses albums suivants connaîtront des succès divers, surtout ceux avec le groupe Tin Machine en Angleterre – David Bowie continuera pourtant de faire chantonner d’une douce mélancolie un nombre incalculable de foyers français jusqu’au milieu des années 2000 avec sa chanson Heroes, reprise pour de très nombreuses pubs télés (Renault Mégane, Wanadoo, etc). Son dernier album Blackstar, sombre et flippant comme la maladie (ou pire[1. « Il m’a dit que ça parlait de l’Etat islamique », a affirmé Donny McCaslin, saxophoniste et leader du quartet de jazz avec qui Bowie avait enregistré son dernier album, à Rolling Stone.]…), laisse l’impression d’un artiste qui avait décidément tous les talents d’un débutant de 69 ans. A commencer par le plus rare d’entre eux : celui de se mettre en scène encore et toujours. Jusque dans la mort.

*Photo : AFP.



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