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Burt Reynolds: les routiers sont toujours sympas!

Une poilade routière culte de retour en Blu Ray


Burt Reynolds: les routiers sont toujours sympas!
"Cours apres moi sherif" de Hal Needham, 1977 © SIPA

“Cours après moi, shérif !”, road-movie redneck d’anthologie, fête ses 45 ans dans une version Blu-ray enrichie


Ce film est un pousse-au-crime ! Il condense tout ce que les progressistes abhorrent. Il est une offense à toutes les croyances modernes, une barrière contre la modération ambiante et une poilade routière comme il serait interdit d’en réaliser une aujourd’hui, sous peine d’excommunication médiatique. « Cours après moi, shérif » (Smokey and the Bandit en version originale) n’a pas vocation à éduquer les jeunes générations dans la repentance et la flagellation permanente. 

Il ne professe rien, sinon le plaisir de courir après le temps et de frimer au volant. Un programme politique dont la pertinence me semble d’actualité et largement sous-estimer par des gouvernants amorphes. La liberté de ton de ce film improbable, son humour agricole, ses blagues au ras du bitume et ses multiples tôles froissées font office de résistance à l’esprit de sérieux qui s’offusque du moindre dérapage (plus ou moins contrôlé). 

Burt Reynolds, la madeleine de Proust des Etats du Sud

En 1977, on osait se moquer des différences, pousser la caricature jusqu’à l’implosion et surtout ne pas priver le public d’une course-poursuite de 95 mn. Littéralement dingue et clownesque, huis clos à l’intérieur d’une Pontiac Trans Am noire et romance à l’huile de ricin pour hippy dessalé, ce long-métrage à petit budget (1 million de dollars) a créé la surprise au box-office. Il a rapporté cent fois la mise à ses producteurs et concurrencé sérieusement le premier Star Wars. 

Ce qui ne devait être qu’une série B réhaussée par la présence de Burt Reynolds est devenu, au fil des années, un marqueur identitaire et une madeleine de Proust pour les états du Sud. Le film a fait l’objet de suites bringuebalantes et ouvert la voie à une célèbre série télé qui fit les beaux jours de la mémorable Cinq. Les censeurs peuvent passer leur chemin et remballer leur manuel du « gentil citoyen » écoresponsable et allergique à l’or noir. Ils ne comprendraient rien à la ruralité poétique des grands espaces, aux miracles sonores de la radio cibi, aux chevauchées mécaniques et à cette forme de rébellion salvatrice contre tous les autoritarismes obtus. La première scène est de nature à donner la nausée aux asthmatiques. On y voit un splendide Truck de marque Kenworth tirant une longue remorque à l’effigie de la Conquête de l’Ouest, fumant et ronflant de désir comme une diligence traversant un western. Le scénario ne dénonce pas une sombre machination et l’avenir du monde, rassurez-vous, n’est pas en jeu. Le routier Bo Darville, surnommé le Bandit, interprété par un Burt Reynolds au meilleur de son charme pétillant, stetson sur la tête et moustache country, doit transporter 400 caisses de bières entre le Texas et la Géorgie. Ce pari illégal lui est proposé par le millionnaire Enos Burdette. Dans cette mission civilisatrice, il est aidé par son ami Snowman qui ne se sépare jamais de son basset hound. Et, pour parvenir à leurs fins, c’est-à-dire parcourir 3 000 km en 28 heures, ils devront réussir à semer l’impitoyable et délirant shérif Buford T. Justice lancé à leurs trousses. 

Point de métaphysique là-dedans, ni d’introspection pesante. Malgré tout, une distance avec le réel qui fait du bien, une absence de moraline qui aère les bronches et un regard sur l’Amérique profonde sans jugement hâtif. « Je classerais ce film dans la catégorie du film pour samedi après-midi pluvieux » avertissait Burt Reynolds (1936-2018). Le film fut réalisé par son ami Hal Needham, cascadeur de légende et roi du carambolage explosif. Le duo que formèrent ces deux-là a fortement inspiré Tarantino dans « Once Upon a Time… in Hollywood », notamment la relation complice qu’entretiennent Leonardo di Caprio et Brad Pitt. Ce cinéma décorseté et libérateur, qui refuse l’idéologie de la soumission, nous manque tellement. 

Esthétique du frimeur

Burt Reynolds, irrésistible en cow-boy de la route, sorte de Jesse James seventies illustrait à merveille cette coolitude rieuse. Les paroles de la chanson qui accompagne le film en témoignent : « Il a l’asphalte dans le sang, le pied de plomb, les nerfs d’acier, … ». Toute cette odyssée sauvage ne serait rien sans la présence lumineuse de Sally Field, compagne de Reynolds à la ville et à l’écran à ce moment-là, elle donne à cette mascarade une émotion fragile et un charme difficilement soutenable. Elle peut vous tirer des larmes à l’arrière d’une berline. Retrouvez ce film dans une édition Blu-Ray particulièrement réussie avec une excellente présentation du journaliste Jean-François Dickeli en bonus. Et, adoptez la philosophie du Bandit, qui se résume à : « Je vais d’un endroit à l’autre et je fais ce que je fais de mieux… Frimer ! ».

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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