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César 2018: ruban blanc et robe noire, Not in my name!

De quoi parlera-t-on aux César ? De cinéma ? Non, du malheur des femmes !


César 2018: ruban blanc et robe noire, Not in my name!
Manu Payet dans le clip de présentation des César 2018.

Ce soir, à la cérémonie des César 2018, les actrices vont arborer un ruban blanc en signe d’opposition aux violences faites aux femmes. Et c’est reparti pour un tour de prêchi-prêcha féministe…


On fait tous pareil, on pense tous pareil, et maintenant, on s’habille tous pareil. Le panurgisme revendiqué et même brandi comme un étendard par le milieu mondial du cinéma, de Hollywood à Paris en passant par Londres, Rome ou Tokyo est l’exact contraire de la singularité et de la liberté qu’on attendrait chez des artistes. Les Golden globes (ou les Oscars je ne sais plus), ont ouvert le bal en imposant la robe noire, moyennant quoi Isabelle Huppert, arrivée en blanc, a été sommée d’aller se rhabiller (ce qu’elle a fait). Est-ce par pitié pour la haute-couture française, les organisateurs des César ont, eux, limité le dress-code à un ruban blanc, symbole peut-être de la patte de la même couleur qu’il faut désormais montrer aux divinités du nouveau féminisme : les victimes.

Julie Gayet, féministe paradoxale

Autant dire que ces « César pas comme les autres », comme on nous en rebat les oreilles depuis le matin du grand soir, seront, comme les Oscars, les Golden globes, les Awards en tout genre et les multiples festivals à venir, placés sous la surveillante sourcilleuse du féminisme post-Weinstein. À ceci près qu’eux ont Uma Thurman et nous Julie Gayet, militante inébranlable de la lutte contre les mariages forcés chez les bourgeois du XVIème arrondissement, sujet tabou auquel elle a consacré un clip.

D’aucuns pourraient trouver qu’une comédienne dont la carrière a été relancée par son installation en couple avec qui vous savez n’est pas la mieux placée pour défendre la souveraineté des femmes, mais chacun ses petites contradictions, n’est-ce pas. Tintin ! pour ceux qui avaient envie d’entendre parler de cinéma et de voir de la paillette à foison.

La grande fête du cinéma français sera cette année un genre de nanathon puisque, à l’appel de 130 actrices, réalisatrices, productrices ou humoristes françaises, les César s’associent à la Fondation des femmes pour récolter des dons pour quatre associations aux noms édifiants: le Collectif féministe contre le viol, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), ainsi que Prendre le droit à Rennes et l’Espace femmes de Haute-Savoie (il manque le Comité des luttes de Gif-sur-Yvette). Tout est politique, bêlait-on il y cinquante ans. Tout est signe du malheur des femmes, bêlent les moutons et moutonnes d’aujourd’hui.

La parole libre est du genre comminatoire

Alors que l’événement approchait, toutes les gloires et demi-gloires du cinéma français ont défilé de plateau en studio pour réciter le même bréviaire, fait d’infinies variations et broderies diverses sur l’impitoyable domination masculine dont nous sommes l’objet nous-les-femmes et sur le fait que c’est à notre tour d’en croquer. On suppose qu’après cette mise en jambes médiatique les lauréats et animateurs de la sauterie infligeront au public le même prêchi-prêcha et les mêmes poses avantageuses de résistants. Au moins on s’amusera un peu : le spectacle de pompeux cornichons (et cornichonnes) énonçant des âneries ou des platitudes avec lesquelles tout le monde est d’accord avec des mines de dissidents risquant leur vie, est toujours distrayant.

Dans cette atmosphère à la fois pesante et clinquante, honneur à ceux qui se contentent de se taire et refusent de pleurer avec les loups, en particulier aux grandes absentes, les grandes comédiennes qu’on n’a pas entendues sur le sujet – et que je me garderai de balancer. On rêve qu’une lauréate (un homme n’oserait pas et il aurait raison) ose une petite incartade et fasse une micro-incongruité, une mini-inconvenance, comme rappeler que les femmes en 2018, ne sont pas ces agnelles effrayées prêtes à être sacrifiées à l’homme qu’on nous décrit et surtout, qu’elles ne sont pas par essence, porteuses du Bien. Nous avons, à égalité, notre part du Mal dans le monde et pour ma part (je ne voudrais pas parler au nom de mesdames Binoche, Lamy ou Jaoui), j’aimerais que ça continue. On imagine l’assemblée médusée hésitant sur l’attitude à adopter, et basculant du côté des applaudissements ou des sifflets selon ce qui aura fusé en premier. Mais après les mésaventures de Catherine Deneuve, que son statut de monument n’a pas protégée d’un déferlement réprobateur, on ne voit pas qui risquerait sa carrière pour faire entendre une autre voix. La parole libre est du genre comminatoire.

Esprit revanchard

Le caractère planétaire de cette révolution féministe est une vaste blague, vu que ce sont à peu près les mêmes têtes qui se déplacent de cérémonie en festival. Du reste, il est assez comique d’imaginer cette théorie de people, dont les propos et les indignations sont bien plus prévisibles que les chutes de neige sur nos autoroutes, en avant-garde éclairée de la nouvelle révolution féministe.

Cependant, on aurait tort de ne faire que rigoler, parce que, sous ses airs de blague soviétique, cette révolution avance à grands pas, promettant d’imposer à l’usure ses propositions les plus démentielles. Sous couvert d’égalité, elle veut une revanche et se propose en fait d’instaurer une domination féminine dont la lecture de n’importe quelle tragédie annonce la forme de douceur qu’elle pratiquera. Il s’agit donc de faire accepter à tous les étages la vieille injonction « ôte-toi de là que je m’y mette », l’objectif n’étant pas d’établir plus d’égalité à l’instant présent mais de solder les comptes du passé en additionnant les dettes des hommes, qui devront donc en baver pendant quelques générations et oublier toute prétention à la différence, et ne parlons pas de virilité, ce mot sera bientôt banni des dictionnaires. Ainsi, un collectif de professionnels du cinéma, dont Juliette Binoche, Agnès Jaoui, Anna Mouglalis, Jean-Pierre Kalfon ou Jacques Weber, a-t-il signé dans Le Monde une tribune intitulée « Sexisme au cinéma : Les quotas, une étape inévitable pour vaincre les inégalités », réclamant à peu près que la moitié des financements aillent à des « films de femmes » – l’étape suivante sera de passer les scénarios à la moulinette féministe, afin qu’ils ne montrent jamais des comportements ou des pulsions sexistes. On peut notamment dans le texte cette phrase inouïe : « Le talent est aussi le fruit d’une éducation et d’une construction sociale dans lesquelles les femmes restent encore désavantagées par rapport aux hommes ». Cet extraordinaire exercice de déresponsabilisation des femmes est une insulte à toutes les cinéastes au féminin qui font d’excellents films sans quotas et même aussi inconcevable que cela nous semble, sans aides publiques.

Vers des films quotas de femmes?

Mais n’ouvrons pas un second front. On imagine les effets immédiats d’une telle politique : toute œuvre signée par une femme sera suspectée d’être un « film quota » et des hommes écartés parce qu’ils sont des hommes (ou parce qu’ils ne sont pas des femmes) auront toutes les raisons d’en vouloir à la gent féminine dans son ensemble. Or, cette revendication de parité pourrait bien faire tâche d’huile dans de multiples secteurs (à commencer par les concours de recrutement), effaçant sous le poids des bons sentiments ce qui reste de méritocratie, donc d’universalisme. Autant dire qu’à terme, la révolution #metoo ne risque guère de contribuer à civiliser la guerre des sexes. « Ne laissons plus le sexisme et le machisme être des entraves à la liberté d’expression », proclament les pétitionnaires. Ils ont réussi et, dans la foulée, récupéré le flambeau de l’édification des masses. La volonté furieuse de normaliser le langage, la pensée – et les fantasmes – est aujourd’hui une spécialité du néo-féminisme.

PS : cette fois, j’ai oublié de dire que j’étais contre le viol, les violences (même contre les hommes) et le chantage. Mea maxima culpa.

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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