Aux États-Unis, l’application réservée aux femmes controversée Tea vient de subir une fuite massive de données affectant environ 72 000 images, dont des selfies et pièces d’identité utilisées pour la vérification des utilisatrices. Tea permet de partager anonymement des informations sur les hommes célibataires, afin d’identifier leurs éventuels comportements « problématiques ».
Ces jours-ci, une application américaine réservée aux femmes en mal de rencontres via internet fait beaucoup parler d’elle. Tea est son nom. Voilà quelques jours, ses dirigeants se glorifiaient d’avoir enregistré plus de quatre millions d’utilisatrices. En fait, ce chiffre des plus flatteurs risque bien de se voir sérieusement revu à la baisse, des piratages intrusifs en quantité ayant été détectés. Ainsi le veut la modernité galopante de ce siècle. À peine croit-on avoir mis en place un cybersystème inviolable qu’il se trouve aussitôt allègrement violé.
Adopte un mec
Mise à la disposition exclusive de la gent féminine, l’application Tea a été créée en 2023 par un certain Sean Cook. Le but : « donner aux femmes les outils dont elles ont besoin pour faire des rencontres en toute sécurité dans un monde qui néglige leur protection. » L’intention est louable, même si on ne peut s’empêcher de considérer qu’il y aurait comme une légère contradiction à rechercher la sécurité maximale tout en s’aventurant à titiller Cupidon du côté de parfaits inconnus. Sans doute faut-il croire que la réalisation de certains fantasmes féminins aura toujours des raisons que la raison ne connaît pas.
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Donc, la dame en recherche s’inscrit sur Tea en envoyant un selfie, et l’application va se charger de l’informer sur le degré de dangerosité, d’insécurité, de toxicité de ou des individus qu’elle a sélectionnés sur tel ou tel site de rencontres. Le type est-il marié, a-t-il un casier judiciaire, est-il sur plusieurs plans du même tonneau à la fois, d’autres femmes ont-elles eu affaire à lui et qu’en disent-elles… Un détail amusant : cela marche un peu comme à la plage avec drapeaux de couleurs. Drapeau vert, baignade autorisée, rouge s’abstenir…



La sphère masculiniste remontée
On s’en doute, tout cela n’est guère du goût de ces messieurs. Ils se dressent bec et ongles contre l’application. « Atteinte à la vie privée, dépotoir à ragots, fausses informations… » Tout cela, qui plus est, dans leur dos, à leur insu puisque l’accès leur est strictement interdit.
Il est vrai que, pour certaines qui n’auraient pas trouvé auprès de tel partenaire de rencontre toute la satisfaction qu’elles en espéraient, la tentation de régler leurs comptes pourrait être forte. À chacun de nos lecteurs, à chacune de nos lectrices, d’imaginer la teneur de commentaires inspirés par le dépit, la jalousie, la rancœur ou encore un vieux fonds de misandrie plus ou moins taquine.
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Mais à la vérité, ne serait-il pas de très longue tradition que des dames, entre elles, à l’heure du thé par exemple, s’échangent ce genre de confidences, volontiers acerbes, ironiques, graveleuses ? Nous avons cette scène de salon, au XVIIIème siècle, où, soudain, une marquise, entourée de dames, lâche cette question qui manifestement la démangeait « Pensez-vous que Monsieur le Conseiller soit une bonne jouissance ? » Tea n’aurait donc pas inventé grand-chose. De tous temps semble-t-il les femmes ont parfaitement su, d’un mot, d’un trait, nous étiqueter, nous marquer au fer. Cela est plus que certain. Que ce soit à l’heure du thé ou en toute autre circonstance.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais…
Cependant, parmi les critiques énoncées à l’encontre de l’application, il en est une qui semble particulièrement pertinente. Si au lieu d’être féminine Tea était exclusivement masculine, et que les commentaires, les informations déballées aient pour cibles des femmes, elle aurait probablement été fermée dès le premier jour, sans tambours ni trompettes. À juste titre, d’ailleurs… Tel n’est pas le cas pour Tea.
Mais, au fond, l’important, l’essentiel n’est-il pas que ces dames continuent encore et toujours à parler de nous ? Si elles venaient à s’en abstenir, à en être empêchées, je crois que ce serait pour nous, vaniteux que nous sommes, comme une petite mort…
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