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Cause toujours, tu m’intéresses


Cause toujours, tu m’intéresses

J’étais un peu déprimé, l’autre nuit, pour des raisons qui ne regardent qu’elles… Bref je n’avais d’autre choix que la fenêtre ou la télé et, comme souvent, j’ai choisi la télé. Genre 2 h 30 a.m. sur Ciné Schtroumpf, je tombe sur Cause toujours, tu m’intéresses (Molinaro,1979).

A priori, de quoi déprimer même un désespéré. Comme vous peut-être, je m’attendais à tomber sur une de ces infra-daubes où Aldo Maccione s’est presque toujours compromis. Raté ! Malgré le titre et même le réalisateur – toujours assez fiable dans son inégalité – l’ensemble distrait, et finalement séduit : ils causent, et ça nous intéresse (comme sur votre site préféré.)

[access capability= »lire_inedits »]L’argument, comme disait Molière, est même visionnaire, un peu comme Molière lui-même… Le téléphone (fixe) y joue déjà le rôle désormais assigné aux « chats » sur Internet : plonger dans le virtuel pour échapper au réel. Croire qu’il faut être quelqu’un d’autre pour rencontrer quelqu’un de vrai !

Ici, Jean-Pierre Marielle cultive avec Annie Girardot une relation exclusivement téléphonique, où il a tout loisir de s’inventer un personnage, une vie et même une voix (grâce à un sac en plastique) pour séduire son interlocutrice.

Jusqu’au jour, inévitable et cruel, de la rencontre « en vrai ». Son double téléphonique l’organise avec assurance – mais lui n’ose pas s’y rendre…

Ce petit film intelligent est servi par un casting classieux. Marielle est parfait, comme toujours, dans le rôle de l’ogre qui ne mange jamais que lui-même. L’irremplacé Jacques François fait si bien la tarlouze à façons que sa seule présence vous ferait avaler un navet (et d’ailleurs il l’a fait…). Même Annie Girardot, qui ordinairement déclenche mes règles, réussit à ne pas trop en faire – et c’est tout ce qu’on lui demande…

Enfin, il y a le voisin de palier de Marielle : un Black d’origine noire dont, hélas, Télérama ne juge pas utile de nous donner le nom. Ce mec-là, que je n’ai jamais revu, joue avec un grand talent la partition imposée par l’époque (genre : si vraiment on doit caser un Nègre dans la distribution, il faut qu’il soit gentil.)

Eh bien, le Nègre est gentil, et même xénophobe à l’occasion – mais juste pour dérider Marielle : « A quoi reconnaît-on un Belge dans un magasin de chaussures ?
– Il essaye les boîtes… »

Mais assez plaisanté ! La morale de ce petit conte, c’est qu’il est dur de se confesser, surtout pour un masque (cf. Mishima). Et que sont d’ordinaire les « profils » de Facebook (sans parler de Meetic !), sinon précisément des masques de beauté ?

Comme quoi, sans me vanter, les problèmes d’aujourd’hui ne datent pas d’hier ![/access]

Mai 2009 · N°11

Article extrait du Magazine Causeur



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