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Il faut sauver la buvette de l’Assemblée nationale


Il faut sauver la buvette de l’Assemblée nationale
Image d'illustration Unsplash

On apprend que la consommation d’alcool est en hausse à la buvette de l’Assemblée. Santé, messieurs les députés! Toutefois, des incidents liés à des excès de boisson, lors des débats sur la réforme des retraites, sont rapportés par la presse. Ils pourraient menacer cette institution tricolore…


La buvette de l’Assemblée nationale est au cœur d’un nouveau scandale ! Le Journal du Dimanche rapporte que la question de la suralcoolisation des députés a été évoquée lors de la réunion du bureau du Palais Bourbon, le 8 février. Le député Sébastien Chenu (RN), vice-président de l’Assemblée nationale et fidèle lieutenant de Marine Le Pen, aurait même proposé l’interdiction totale d’alcool après 21h30, heure à laquelle a été identifié un pic de consommation. Laconique, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a souhaité que « chaque président de groupe concerné par ce type de comportement gère la situation si elle se présente ».

Le bateau ivre

Rapportées par nos confrères, certaines anecdotes sont croustillantes. « Dans la buvette et dans les jardins, c’était alcool à gogo jusqu’à 3 heures du matin » confie une élue marconiste au JDD. Certains collègues commenceraient à consommer des spiritueux dès 11 heures, pour passer au rhum à partir de 16 heures. D’autres rumeurs, rapportées par le Parisien, évoquent carrément un député Nupes aperçu en train de vomir dans une poubelle… Ces gauchistes ne savent vraiment jamais se tenir ! Affichant sa plus grande sollicitude, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, a confié à l’issue de la réunion du bureau de l’Assemblée que « c’est [son] job de faire attention aux écarts et d’être attentifs aux autres ». Autres qui ont la charge d’être attentifs à notre santé collective, alors qu’ils semblent avoir bien du mal à ménager la leur, a-t-on envie de lui répondre… De là à dire que la République est un bateau ivre…

En coulisses, les assistants parlementaires font du commérage alors que les différents groupes se renvoient la responsabilité des incidents évoqués dans la presse.

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Ce n’est pas la première fois que la buvette de l’Assemblée fait parler d’elle. En 2013, Philippe Le Ray, député UMP du Morbihan, avait perturbé l’intervention de la députée EELV de la Vienne, Véronique Massonneau, en imitant le caquetage d’une poule. Les médias avaient complaisamment relayé l’incident. Devant un tel dérapage « sexiste », les députés de gauche avaient fait part de leur indignation, que les collègues de l’élu breton attribuaient, comme pour l’absoudre, à l’alcool.

La vague Coca du macronisme

Nouveaux, changeants ou résurgents, ces comportements tranchent en tout cas avec ceux, plus sobres, de la précédente mandature.

En 2018, la questure de l’Assemblée nationale, chargée de gérer les 550 millions d’euros alloués au fonctionnement du Palais Bourbon (et dans lesquels on trouve notamment les frais de boisson), avait noté une baisse de près de 50% de la vente de bouteilles de vin et d’alcools forts au profit du Coca zéro et de la bière. On se souvient que le grand raz de marée dégagiste de 2017 avait amené à l’Assemblée nombre de novices en politique, souvent issus de la « société civile », c’est-à-dire des élus issus des cabinets de conseil ou du monde de l’entreprise, où les usages ne sont pas les mêmes. Dans l’ennuyeuse « startup nation », les cadres supérieurs réservent souvent l’alcool pour « l’after work » – parfois une simple pinte de bière en terrasse vers 19h, à 4 degrés pour les plus ambitieux.

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À l’inverse, alcool et vie publique sont depuis longtemps inséparables en France. Les vieux routiers de la politique devenaient souvent parlementaires après avoir longtemps cheminé comme élus locaux, maires ruraux, conseillers généraux, présidents de syndicats mixtes… Autant de responsabilités qui commandent de paraitre aux cocktails, diners, réceptions, inaugurations, apéritifs d’associations et évènements le plus souvent arrosés. Dans notre pays, l’alcool est synonyme de vie sociale et finalement de vie publique. Monsieur Duchemain, alias Louis de Funès dans le film « L’aile ou la cuisse » ajoute que « le vin c’est la terre, c’est aussi le soleil » ! Le vin est le plus beau fruit d’un terroir qu’est censé représenter un élu. Au goût pour l’alcool de nos élus d’antan, s’ajoute donc souvent une activité de lobbying en faveur des producteurs de la circonscription. Les plus vieux barmans de la buvette de l’Assemblée se souviennent d’ailleurs des sollicitations d’élus désireux de voir apparaître telle ou telle appellation sur la carte…

Tu m’en remets un petit ?

Heureuse nouvelle donc, nos députés recommencent à lever le coude. À quoi attribuer ce retour aux sources ? Dans une assemblée éclatée en quatre blocs antagonistes, avec une majorité désormais relative et des débats ponctués de coups de gueule, d’obstructions et de suspensions de séance, peut-être que certains élus ont du mal à tenir le choc. Pour supporter la pression, lors de séances qui durent tard la nuit, certains sont tentés de caresser le merlot. L’un d’entre eux, cité par le JDD, révèle les nouveaux usages: « il y a quand même un effet générationnel: plus de vin pour les anciens, plus de bière et de cocktails genre Spritz pour les jeunes, mais moins d’alcools forts genre whisky ». Les élus de la nouvelle génération suivent en cela les évolutions de consommation des Français, qui, depuis plusieurs décennies, délaissent le vin de table.




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