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Budget 2026: Lecornu sur le fil du rasoir

Pendant qu’il tente de boucler les comptes, tous ses adversaires politiques comptent les points…


Budget 2026: Lecornu sur le fil du rasoir
Manifestations contre le budget, Lille, 18 septembre 2025 © Adrien Fillon/ZUMA/SIPA

Les socialistes menacent le Premier ministre d’une censure dès son discours de politique générale s’il n’accepte pas d’augmenter les impôts. Les syndicats redescendront dans la rue jeudi.


Alors que Sébastien Lecornu tente d’imposer sa marque à Matignon, son projet de budget pour 2026 affronte déjà un front commun de critiques à gauche. Avec un déficit encore élevé et des concessions jugées insuffisantes, le risque d’une motion de censure grandit. Le nouveau Premier ministre joue ici bien plus que sa survie politique : c’est la crédibilité de l’État qui est en jeu.

Un budget d’équilibriste

Le budget présenté par Sébastien Lecornu pour 2026 vise à répondre à un triple impératif: réduire le déficit public (annoncé à 4,7% du PIB, contre 5,4 % attendus en 2025), calmer la colère sociale et désamorcer les tensions politiques héritées de la séquence Bayrou.

D’emblée, il a écarté certaines mesures explosives — comme la suppression de jours fériés — tout en refusant les symboles fiscaux chers à la gauche, à commencer par le retour de l’ISF ou une taxe sur les très hauts patrimoines.

M. Lecornu avance ainsi prudemment, annonçant 6 milliards d’économies sur le fonctionnement de l’État, une baisse des dépenses de communication et une hausse contenue des budgets de santé et de retraites. Mais ce calibrage, voulu comme raisonnable, laisse ses adversaires sur leur faim et ses alliés dans le flou. Trop peu ambitieux pour les uns, trop peu lisible pour les autres, ce budget navigue à vue dans une Assemblée nationale sans majorité, où chaque vote est un piège.

La gauche brandit l’arme de la censure

La réaction ne s’est pas fait attendre. Marine Tondelier (EELV) a lancé les hostilités en affirmant que Lecornu « fait le choix d’être censuré ». Le Parti socialiste, fort de ses 66 députés charnières, agite lui aussi la menace, tandis que LFI appelle à une motion de censure dès l’ouverture de la session parlementaire. Ce front de gauche, s’il parvient à s’unir, pourrait donc renverser le gouvernement.

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Mais la gauche joue ici un jeu dangereux. En abattant trop tôt la carte de la censure, elle risque d’ouvrir une crise institutionnelle sans en maîtriser l’issue. Une telle motion, si elle aboutissait, pourrait déclencher une dissolution de l’Assemblée nationale — et renvoyer tout le monde aux urnes dans un contexte d’abstention massive et de rejet des partis. Une éventualité que certains au PS redoutent autant qu’ils la menacent…

La stratégie Lecornu : concilier ou s’imposer ?

Dans cette séquence, le Premier ministre cherche une voie étroite : faire voter un budget sans renier la discipline budgétaire, sans déclencher d’émeutes sociales, et sans tomber sous les balles croisées des oppositions. Il mise sur un ton sobre, une posture de négociation ouverte, et un refus clair des totems idéologiques.

Mais derrière la façade apaisée, l’arbitrage reste délicat. Les classes moyennes, pilier du consentement fiscal, attendent un signal fort. Les dépenses régaliennes, notamment la défense, ne peuvent pas être sacrifiées. Et le moindre fléchissement face à la pression de la gauche serait interprété comme une faiblesse politique. La marche est étroite, et chaque pas compte.

Ce qui se joue : crédibilité, stabilité, autorité

Le cœur du sujet dépasse le contenu précis du budget. Ce qui est en jeu ici, c’est la capacité du pouvoir exécutif à gouverner dans un cadre parlementaire éclaté. Depuis 2022, la France vit sous un régime de minorité chronique, où l’arithmétique remplace le projet politique. M. Lecornu a été nommé pour sortir de cette impasse, non pour la subir.

Une censure réussie ouvrirait une séquence de chaos: démission, recomposition, dissolution — autant d’issues hasardeuses pour un pays fatigué de l’instabilité. À l’inverse, un budget voté offrirait au Premier ministre un premier succès politique et dessinerait un cap : celui d’un État sérieux sur ses finances, respectueux de ses missions, et capable de contenir les extravagances d’un hémicycle de plus en plus tenté par la posture.

Pour la droite, un moment de clarté

Ce budget, aussi imparfait soit-il, est une occasion pour la droite républicaine de peser sur les orientations à venir. Il s’agit moins d’offrir un blanc-seing au gouvernement que d’exiger des engagements clairs : baisse du train de vie de l’État, recentrage sur les fonctions régaliennes, protection des classes moyennes productives.

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À l’heure où la gauche radicale cherche à imposer un agenda confiscatoire et où le macronisme est devenu gestionnaire sans cap, le moment est propice pour rappeler que gouverner, ce n’est pas redistribuer l’illusion mais arbitrer avec courage. Et qu’un budget, même modeste, peut devenir l’acte fondateur d’un redressement — si tant est qu’on en assume le sens.

En conclusion : rester ou sombrer

Le Premier ministre Lecornu joue gros. Mais la France aussi. Le budget 2026 n’est pas une simple ligne comptable : c’est un test de maturité politique. La gauche pourra-t-elle résister à la tentation de tout casser pour exister ? La droite saura-t-elle exiger, sans bloquer ? Et le gouvernement pourra-t-il encore gouverner sans majorité, mais avec un mandat de responsabilité ?

Dans les semaines à venir, ces questions trouveront leurs réponses dans les couloirs de l’Assemblée. Ce ne sera pas une question de chiffres, mais de volonté. Et dans cette bataille feutrée, c’est toute l’idée que l’on se fait encore de l’État qui est en jeu.



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