Les plaisirs démodés de Bernie Sanders


Les plaisirs démodés de Bernie Sanders
Bernie Sanders lors d'un meeting à Des Moines dans l'Iowa en janvier (Photo : SIPA.AP21842701_000003)
Bernie Sanders lors d'un meeting à Des Moines dans l'Iowa en janvier 2016 (Photo : SIPA.AP21842701_000003)

Vous êtes de gauche ? Vous l’avez été ? Vous vous en sentez, comme moi, un peu orphelin ? Alors regardez très attentivement cette vidéo (ci-dessous) destinée à convaincre les électeurs démocrates hésitants de voter Bernie aux primaires. 
Elle est l’œuvre de l’universitaire Robert Reich, économiste de renommée mondiale, ancien conseiller de Clinton, qui compte un million de fans sur Facebook. Sur la forme et le fond, c’est une invitation permanente à redécouvrir « les plaisirs démodés », voire défendus de la gauche d’avant.

Gauche d’avant les communicants. C’est une vidéo à trois dollars fifty cents, ringarde au possible d’apparence. On y voit un vieux conférencier (mâle blanc de plus de 50 ans, horresco referens !) qui fait des crobards moches sur un paperboard tout pourri. Plus démodé, y’a pas. Si tu proposes un plan com politique ficelé comme ça, ici, tu es sûr de ne plus être invité aux prochaines réunions. Pourtant, à l’heure où j’écris, la vidéo de Robert totalise dix millions de vues sur les réseaux.

Gauche d’avant sur la forme, donc, mais surtout sur le fond. Fond idéologique, notamment, puisque les pourcentages de concessions à la postmodernité, ou au terranovisme, ou à l’intersectionnalité sont proches du zéro absolu. Rien que du concret, du populaire, du trivial. Du social et de l’économique assez brutal. Du politique et du personnel gavé de « bon sens » voir le passage final sur l’âge de Sanders).

Bonus track : partout suinte la référence aux valeurs américaines (on insiste peu en France, allez donc savoir pourquoi, sur la forte coloration patriotique de la campagne Sanders, mais j’y reviendrai un autre jour). Et surtout on prend le temps de répondre aux vraies questions que se posent les vraies gens. Robert Reich ne méprise pas l’électeur sensible aux arguments de Trump sur la sécurité sociale ou les impôts. Il lui explique très pédagogiquement pourquoi c’est bidon, et après, seulement après, il conclut avec une vanne qui tue comme ce « Ici le socialisme existe déjà, mais seulement pour les riches ».

Gauche d’avant aussi par la démarche conquérante, par l’approche totalement décomplexée des questions qui fâchent ou qui coincent. A l’instar de Bernie, Robert a été un combattant acharné de toutes les causes « controversial». Avortement, peine de mort, mariage gay. Il en a tiré un enseignement décisif : on peut choisir d’insulter les ouvriers du bâtiment qui ne pensent pas comme les chargés de TD d’Harvard, ça rassure les militants, ça plaît aux journalistes du New York Times, et ça augure de toutes les défaites.

Ou alors, en étant ferme mais ouvert, openminded mais décidé à convaincre, un rien déconneur et osons le mot, populiste, on peut construire une majorité. C’est avec des civils qu’on fait les militaires. Avec des Hillarystes et des Trumpistes qu’on fait des Sandersistes. Et ça on ne le fait pas à coups de com « phony », de jargon postmoderne ou de slogans indignés et vertueux. On le fait en mettant les mains dans le cambouis. C’est la ligne claire. C’est la ligne Sanders. Ça a été la ligne Blum-Thorez. Don’t you see what I mean ?



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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