Barack Obama veut mettre l’Etat islamique K.O.


Barack Obama veut mettre l’Etat islamique K.O.

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En quelques jours, Barack Obama aura fait taire ceux qui ne cessaient de pointer sa faiblesse , ses hésitations et son refus du leadership. Parce qu’on veut des mesures “en temps réel”, dans le tempo de l’info, on raille celui qui prend le temps de définir une stratégie.  À peine cette décision prise, voici qu’une nouvelle crainte surgit dans la presse: Obama, ce dangereux va-t-en guerre, ce nouveau croisé de l’Amérique, ne va-t-il pas s’enliser dans les marais du croissant fertile, et rejoindre le spectre de George W. Bush?

Déjà, les premières frappes américaines ont permis depuis le 8 août à l’Etat irakien de repousser les djihadistes dans leurs retranchements. Avec un minimum d’engagement américain sur le terrain, l’Etat islamique s’est replié aux marges du Kurdistan et son offensive sur Bagdad a été stoppée net. Obama s’est décidé mercredi à frapper aussi le sanctuaire syrien de l’E.I, ce qui devrait faire l’affaire d’Assad.

On peut toujours se poser la question de l’enlisement. Mais une chose est sûre, Obama part bien mieux que son prédécesseur. En stratège averti, il sait qu’il n’y a pas de solution militaire sans solution politique préalable. Il a donc pris le temps de régler de l’intérieur la crise politique avant d’engager son aviation. Il n’a pas hésité à s’appuyer sur l’Iran pour isoler Nouri Al-Maliki et faire émerger un Premier ministre chiite plus acceptable pour les tribus sunnites. C’est à la demande du gouvernement irakien que la coalition intervient et les troupes au sol ne seront pas américaines.

Obama a ensuite réussi le tour de force d’avoir mis tous les Etats de la région d’accord sur la menace de l’Etat islamique: l’Iran, les Kurdes, la Syrie d’Assad, la Russie ne peuvent vraiment s’opposer à ce qu’ils réclament depuis des mois. Les pays du golfe ont fini par comprendre la menace que représente, pour le chérif de La Mecque, un nouveau calife aussi sanguinaire. Personne ne voulait s’occuper de l’Irak, miroir des divisions du Moyen-Orient. Et finalement tout le monde est d’accord pour que l’Amérique vienne siffler la fin de la partie. L’Egypte, de retour en grâce à la faveur de la médiation israélo-palestinienne, et la Turquie au traditionnel double jeu se sont aussi alignés. Même la timide Europe à 28 est unie au côté de l’Amérique.

Le contraste avec 2003 est on ne plus saisissant. Bush Jr avait coupé la “communauté internationale” en deux, le conseil de sécurité de l’ONU, si feutré d’habitude, était devenu un hémicycle turbulent. Le projet politique irakien était simple (virer Saddam Hussein) mais il avait été conçu de l’extérieur, sans tenir compte des réalités irakiennes. Et les voisins n’étaient pas très chauds. Syrie et Iran avaient été diabolisés, placés d’office sur l’axe du mal. Même la fidèle Turquie s’était sentie outragée.

Unité sur le front irakien qui n’eût pas été possible si Obama et Kerry n’avaient pas décidé de calmer le jeu en Ukraine. Les Etats-Unis, pour avoir les coudées franches en Irak, préfèrent cantonner leur riposte anti-russe à l’économie (au pire c’est l’Europe qui trinque). Entre l’Ukraine et l’Irak, Obama a fixé ses priorités: impensable de laisser l’Irak aux djihadistes, ce serait une humiliation pour l’Amérique. Il fallait donc jouer la détente à Kiev.

Un tel choix stratégique n’est pas sans rappeler la politique d’endiguement mis en œuvre par Harry Truman au début de la guerre froide. Politique inspirée par Nicolas Spykman et Georges Kennan; contenir la Russie et la Chine sur le continent eurasiatique et se concentrer sur le rimland, cette bande de terre qui ceinture l’île mondiale (Europe, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est). L’Amérique préfère affronter la Russie sur son terrain de jeu favori: l’économie. Sur le terrain militaire, la diplomatie et la guerre par procuration sont préférables.
Rien n’est jamais acquis au Moyen-Orient, et la réconciliation entre les sunnites et les chiites sur le dos d’Al-Baghdadi n’est sans doute qu’une trêve. Tout comme l’accalmie autour de Donetsk. Mais il faut mettre ces résultats au crédit de Barack Obama. Lequel s’inscrit dans la lignée des présidents les plus réalistes des Etats-Unis: Georges Washington, Theodore Roosevelt, Harry Truman et Richard Nixon.
*Photo : Jeff Malet/NEWSCOM/SIPA. SIPAUSA31310155_000002. 



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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