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Pourquoi François Fillon doit faire une campagne conservatrice


Pourquoi François Fillon doit faire une campagne conservatrice
François Fillon à Orélans, mars 2017. SIPA. AP22024106_000014
François Fillon à Orélans, mars 2017. SIPA. AP22024106_000014

Les électeurs de la prochaine présidentielle sont manipulés. C’est ce qu’affirme le conseiller régional d’Île de France, Franck Margain dans un remarquable article. L’une des raisons inavouées de ces incessantes attaques, réservées uniquement au candidat Fillon, pourrait bien être le fait que les chrétiens, pour la première fois depuis longtemps, osent exprimer avec force leur choix, alors qu’ils avaient, rappelle Franck Margain, « déserté la vie politique depuis plusieurs dizaines d’années ». Un retour « insupportable pour l’establishment ».

Conservateurs contre progressistes

On peut prolonger cette réflexion. La manipulation n’est, en effet, pas récente. Elle est même aussi ancienne que la présentation du clivage gauche/droite comme le principe de structuration de la vie politique française. La véritable différenciation, et c’est aujourd’hui parfaitement manifeste, est celle qui oppose conservateurs et progressistes ou, comme le dit le Front national, patriotes et mondialistes, même si cette dernière dénomination ne reflète pas entièrement le concept. C’est en tout cas au travers de ce prisme qu’il faut lire les événements de ces dernières semaines, pour mieux comprendre ce qui se passe. Dans cette affaire, les chrétiens jouent bien un rôle essentiel.

Nous le savons aujourd’hui, c’est la droite qui porte, majoritairement, la philosophie conservatrice. La gauche, depuis Rousseau, et plus encore depuis 68, est majoritairement progressiste. Les peuples ont « décodé » depuis longtemps ce qui se cache derrière ce concept : une idéologie pour les riches et pour les lobbies, où le mot « socialisme » a depuis longtemps perdu tout sens, pour n’être plus qu’un alibi au service d’une classe (l’« hyperclasse », de Jacques Attali). Sur le plan social, la gauche progressiste a perdu les pauvres, et elle se sert (depuis Mitterrand) des populations des banlieues comme de « pauvres supplétifs ». Un subterfuge, théorisé ensuite par Terra Nova, qui a entraîné notre pays dans une course folle à l’ouverture des frontières, au laxisme sécuritaire et au multiculturalisme. Ce dont le peuple français ne veut plus. Sur le plan économique, la même philosophie a conduit à l’ouverture totale des frontières à la concurrence étrangère, faisant fi, malgré l’usage immodéré du mantra « l’emploi, l’emploi ! », du tissu industriel français, et sacrifiant sans vergogne la « France périphérique », chère à Christophe Guilluy, aux appétits des grands financiers et des grandes entreprises mondialisées. Pour le libéralisme progressiste, aligner les salaires ouvriers occidentaux sur ceux des paysans chinois, et les salaires des dirigeants sur ceux des patrons américains ne pose aucun problème. Les entreprises ne s’en portent que mieux, et les grands cadres aussi. Et tant pis pour la casse sociale. Sur le plan culturel et civilisationnel enfin, les progressistes ont sacrifié l’enracinement, familial, patriotique, historique, éducatif, sur l’autel du grand rêve moraliste et holiste du « on s’aime tous », qui permet de cacher et de justifier tellement bien, aux yeux des naïfs et des imbéciles, tout le reste, l’hyperclasse restant, elle, bien protégée des nuisances par les digicodes de ses beaux quartiers et les écoles privées de ses enfants. Tout cela, le peuple français l’a parfaitement décodé.

Par le passé, la droite n’a pas osé s’affirmer conservatrice

C’est pour cette raison que s’exprime, depuis longtemps et de plus en plus fort, cette poussée à droite que le FN a comprise avant les autres. Il l’a fait parce que la droite n’a pas osé s’affirmer conservatrice. Si elle s’est montrée bleue à l’extérieur, elle est restée, très majoritairement et pendant longtemps, rose à l’intérieur, s’interdisant ainsi d’aller « au peuple » et laissant au FN les récoltes politiques à venir. Ainsi, tous les présidents après Pompidou, avec des styles divers, ont été progressistes : Giscard d’abord, avec sa « société libérale avancée », Jacques Chirac ensuite, sans qu’il soit nécessaire de préciser pourquoi, et même Nicolas Sarkozy qui, comme Patrick Buisson le montre bien dans son livre, n’a pas été capable de faire une vraie politique de droite conservatrice, préférant les discours alibis et les choix progressistes, croyant pouvoir ainsi acheter l’amitié de ses ennemis. Mal lui en a pris : Nicolas Sarkozy a manqué une occasion historique d’opérer le changement politique que les Français réclamaient.

François Fillon a compris la leçon, et a su saisir cette occasion. Entre le progressiste Juppé et le faux conservateur Sarkozy, il est apparu auprès des électeurs de la primaire comme le plus à même de répondre aux aspirations essentielles des français. Sans doute n’est-il pas profondément conservateur. S’il l’était, il n’aurait sans doute pas accepté la politique, d’alibi, d’hésitation et/ou de slalom de la présidence Sarkozy, et aurait démissionné. Il ne l’a pas fait. Mais certaines de ses caractéristiques sont celles du conservatisme : les racines provinciales, le caractère réservé et « anti-médiatique », la culture chrétienne. De plus, le temps, beaucoup plus long que ses adversaires, qu’il a passé, bien en amont de la primaire, sur le terrain, expérience à laquelle il fait référence en permanence, a fait tomber chez lui les lunettes progressistes qu’acquièrent ceux qui vivent constamment dans la tour d’ivoire du pouvoir, près des puissants, du show-biz et des médias, loin du peuple. Ces contacts provinciaux et populaires lui ont ouvert les yeux sur la gravité du fossé idéologique, plus encore que social ou économique, et ont forgé sa conviction. Est-il réellement sincère ? Peu importe en réalité, l’important pour les hommes politiques, comme l’a si bien rappelé Mitterrand, ce n’est pas qu’ « ils soient sincères, mais qu’ils se comportent comme s’ils l’étaient ».

Ne pas trahir sa base chrétienne

C’est ici que les chrétiens entrent en scène. Les classes populaires ne se déplaçant en masse que pour la présidentielle, François Fillon a été élu à la primaire par un vote de classe, plutôt bourgeoise, au sein de laquelle le vote catholique a fortement pesé. François Fillon est ainsi, d’une certaine façon, « entre les pattes » de ses électeurs catholiques, qui lui ont fait un triomphe à la primaire, et l’ont sauvé in extremis en se mobilisant, en masse et en trois jours, lors de l’opération « de la dernière chance » du Trocadéro. Il sait ce qu’il leur doit. Si François Fillon « bichonne » les catholiques, il reste cohérent. Si au contraire il les trahit en « jouant au progressiste », il perd les catholiques, et perd aussi le peuple. Il n’a donc pas le choix : il doit faire une campagne conservatrice. Mais en l’assumant, il se fait l’ennemi absolu de l’establishment progressiste qui se partage le pouvoir, médias compris, depuis près de cinquante ans.

L’abandon de la trêve électorale par l’autorité judiciaire, véritable cause de cette ahurissante « privation des droits électoraux » des Français, et la façon dont la presse a récupéré l’affaire, l’exploitant avec une partialité et une violence sans pareille, montrent bien à quel point le candidat des Républicains représente un danger pour cette « hyperclasse » française. Comme le rappelle Jean-Pierre Chevènement, l’abandon de cette trêve a provoqué une invraisemblable pagaille. A tel point que « l’étroit concubinage de la justice et des médias a entraîné la désuétude du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence, le tribunal devenant bien souvent le pilori ». Cette violence est, à n’en pas douter, celle d’un groupe prêt à tout pour garder le pouvoir. Quel incroyable courage a-t-il fallu à François Fillon pour ne pas s’écrouler ? Par quel miracle a-t-il survécu à ce déferlement de haine, à ce déchaînement de folie médiatique ? Comment a-t-il pu garder la tête assez froide pour continuer à manœuvrer et à faire campagne ? Nul ne peut le dire, mais il a démontré, dans cette séquence, une force de caractère extrêmement peu commune. Pour cela en tout cas, chapeau !

Mais cette violence est aussi à l’œuvre dans son propre camp. Comment expliquer la défection brutale d’une bonne partie de ses lieutenants, faisant même ostensiblement campagne contre lui, alors qu’il était manifeste que le plan B ne pouvait pas fonctionner ? Comment ne pas voir que, dans le cas où il aurait renoncé, les électeurs humiliés de François Fillon se seraient précipités en masse pour voter FN ? Comment ne pas voir que le spectacle lamentable de toutes ces trahisons, si elles avaient abouti, aurait eu un effet encore bien plus dévastateur sur le camp de la droite et sur le plan B Juppé que les déboires judiciaires du candidat Fillon ? Seules des raisons essentielles peuvent expliquer que l’on tente de justifier des calculs aussi manifestement faux et des comportements aussi suicidaires.

La raison principale, c’est qu’à l’image du PS, les Républicains ont explosé. Même s’ils tentent aujourd’hui de recoller maladroitement les morceaux, la faille est maintenant parfaitement visible entre conservateurs et progressistes. La véritable structuration de la politique française ne peut ainsi plus être cachée. Pour les progressistes, même ceux de droite, la philosophie conservatrice, à certains égards « révolutionnaire » – puisque ce courant n’a jamais été au pouvoir depuis de Gaulle et Pompidou – de Fillon est une sorte de coup d’Etat.

S’il est fidèle à lui-même, il peut gagner

Mais Fillon n’est pas tombé. Et aujourd’hui, cette droite progressiste est face à ses responsabilités. Soit elle quitte définitivement le navire, et soutient, implicitement ou explicitement, le progressiste Macron, bien plus proche de ses idées que le conservateur Fillon – mais dans ce cas, que retrouvera-t-elle, aux législatives suivantes, de ses mandats ? Soit elle suit Fillon, bien à contrecœur, dans une direction qu’elle abhorre. Bien sûr, elle exigera « l’unité », ce qui, dans son langage, signifie « une politique progressiste ». Fillon offrira sans doute quelques miettes à tous ces lâcheurs, pour les faire tenir tranquilles, et en catimini, pour ne pas fâcher ses électeurs. Aux dernières nouvelles, il semble que la marmite de soupe soit malgré tout mieux fournie chez le candidat de droite, même soutenu, à leurs yeux, par ces catholiques dogmatiques, fanatiques et « ringards », qu’ils haïssent de toutes leurs forces, que chez le candidat socialo-centriste, bien plus proche de leurs idées puisque jeune, « cool », ouvert, amical, pas « populaire » pour un sou, et mondialiste. Dilemme cornélien…

Dans cette partie d’échecs, qui est aussi un jeu de massacre et de dupes, c’est bien le clivage conservateurs/progressistes qui est la clef de compréhension la plus pertinente. Et les chrétiens sont bien, comme le dit Franck Margain, l’un des enjeux principaux de l’affaire, eux qui partagent les mêmes valeurs conservatrices que le peuple, qui en sont, d’une certaine façon, l’expression visible, qui sont, pour cette raison même, l’ennemi le plus haï des progressistes de tous bords, et le meilleur soutien, jusqu’ici indéfectible, du candidat Fillon.

Celui-ci peut-il gagner ? Certainement. Pour les mêmes raisons que la primaire et, comme à la primaire, sur le fil. Il y a deux moments dans une campagne présidentielle. La première, l’actuelle, c’est le rêve : on espère le candidat idéal. Dans cette séquence, c’est Emmanuel Macron qui profite, et Fillon qui peine. Mais ensuite, petit à petit, on entrera dans la deuxième, la réalité. Elle se cristallisera quelques semaines ou quelques jours avant la date fatidique, lorsque les électeurs se sentiront très proches de devoir assumer, physiquement, les conséquences de leurs choix. La question, alors, beaucoup plus concrète, ne sera plus « qui est mon candidat préféré ? », mais « qui sera à même de défendre au mieux mes intérêts ? ». Le jeu de Macron, comme Hollande en 2012, consiste à faire durer l’illusion le plus longtemps possible. A Fillon de les ramener aux dures réalités.



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