L’Abbé, mieux que l’ABCD!


L’Abbé, mieux que l’ABCD!

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Depuis des mois, la France discute du sexe des anges, c’est le cas de le dire, en s’affrontant sur les études de genre introduites à l’École pour « déconstruire les stéréotypes » et prévenir ainsi les inégalités entre les hommes et les femmes. Louable intention qui aurait été sans doute plus crédible en intervenant sur celles qui existent dans le monde du travail, mais c’est une autre histoire.

À vrai dire, le pouvoir s’y prend très mal sur cette question. Il fait croire à une baguette magique née pratiquement hier matin sous les auspices de féministes américaines qui ont lu Beauvoir et Lacan. Pourtant, notre littérature ne manque pas de personnages réels ou inventés, pas nécessairement homosexuels, dont le genre fluctue par rapport au « sexe biologique ». On aurait pu nous parler, par exemple, de Mademoiselle de Maupin, roman de Théophile Gautier un peu oublié, sauf pour sa préface qui théorise l’art pour l’art. [access capability= »lire_inedits »]« En quittant mes habits, je n’avais pas quitté mon orgueil : n’étant plus femme, je voulais être homme tout à fait et ne pas me contenter d’en avoir seulement l’extérieur. J’étais décidée à avoir comme cavalier les succès auxquels je ne pouvais plus prétendre en qualité de femme. »

Tout de même, c’est un peu plus convaincant que les « ABCD de l’égalité ». Car c’est bien de genre dont il est question dans ce roman inspiré de la vie d’une actrice qui se travestit en homme, sans même qu’il y ait à cela une nécessité extérieure, juste le désir, dirait-on aujourd’hui, d’une identité plurielle. Ici, pas besoin d’une relecture « dégenrée » d’un classique, Théophile Gautier a déjà fait le travail.

Comme l’avait fait, au XVIIe siècle, l’étonnant abbé de Choisy, qui passa sa vie habillé en femme sans que la cour ni sa hiérarchie ni même l’Académie française, où il fut élu, n’y trouvent à redire : « Ainsi, peu à peu, j’accoutumais le monde à me voir ajusté. Je donnai à souper à madame d’Usson et à cinq ou six de mes voisines lorsque le curé vint me voir à sept heures du soir ; nous le priâmes à dîner avec nous ; il est bonhomme, il demeura. Désormais, me dit madame d’Usson, je vous appellerai madame. Elle me tourna et retourna devant monsieur le curé, en lui disant : “N’est-ce pas là une belle dame ?” » Mais, étonnamment, ces exemples qui pourraient apporter de l’eau au moulin néoféministe de Najat Vallaud-Belkacem sont rarement mis en avant.

Sans doute parce qu’ils sont entachés d’un péché originel : ils appartiennent au passé, c’est-à-dire à un monde de ténèbres hétéro-patriarcales.[/access]

*Photo : PDN/SIPA .00678060_000046.

Mars 2014 #11

Article extrait du Magazine Causeur



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