Accueil Brèves Tunisie, Egypte : Bachir el Assad a sa petite idée…

Tunisie, Egypte : Bachir el Assad a sa petite idée…


Dans un entretien accordé par le président syrien au Wall Street Journal, Bachir el Assad livre ses réflexions sur la situation dans la région suite aux évènements en Tunisie et en Egypte. La lecture de ses propos n’est pas seulement fascinante mais aussi importante pour comprendre les courants de fond qui agitent le monde arabe -ainsi que l’Iran et la Turquie. L’échange est particulièrement révélateur

WSJ : En tant que président de la Syrie, quelle est votre vision des évènements en Tunisie, en Egypte en Algérie et en Jordanie ? Comment voyez-vous les changements dans la région et quelles en seraient les éventuelles répercussions en Syrie ?

Bachir el Assad: [..] Je ne parle pas ici au nom des Tunisiens ou des Egyptiens. Je parle au nom des Syriens [..]. Nous sommes dans des circonstances plus difficiles que la plupart des pays arabes et malgré cela la Syrie est stable. Pourquoi ? Parce qu’il faut être proche des croyances du peuple. C’est un point essentiel. Quand il y a une divergence entre la politique menée et les croyances et intérêts du peuple, un fossé se crée et cela génère des perturbations. Car les gens ne vivent pas qu’en fonction de leurs intérêts matériels, ils vivent aussi de croyances et surtout d’idéologie. Si vous ne comprenez pas la dimension idéologique de la région, vous ne pouvez pas comprendre ce qui est en train de se passer[1. WSJ: As the president of Syria, how do you see what is happening in Tunisia, Egypt, Algeria, and Jordan? How do you see the region changing and eventually, what does that mean for Syria itself?
Assad : It is about another important issue. I am not talking here on behalf of the Tunisians or the Egyptians. I am talking on behalf of the Syrians. It is something we always adopt. We have more difficult circumstances than most of the Arab countries but in spite of that Syria is stable. Why? Because you have to be very closely linked to the beliefs of the people. This is the core issue. When there is divergence between your policy and the people’s beliefs and interests, you will have this vacuum that creates disturbance. So people do not only live on interests; they also live on beliefs, especially in very ideological areas. Unless you understand the ideological aspect of the region, you cannot understand what is happening.
].

Quels sont donc ces “croyances” du peuple ? Quelle est cette « idéologie » régioniale qui est, selon Assad, la clé de la survie des régimes ? Quelle est la différence entre la Syrie et les pays comme la Tunisie, l’Egypte, le Yémen ou la Jordanie ? Si on avance par élimination on peut tout de suite exclure, cela va sans dire, les libertés démocratiques, mais aussi l’Islam : la Syrie est un Etat laïque et les Frères musulmans locaux ont été méthodiquement exterminés par le père de l’actuel président en 1982. Ce n’est pas non plus la situation économique : le PIB égyptien est supérieur à celui de la Syrie (5%-10% de différence) ou de la Jordanie. En fait, la seule différence entre la Syrie et ses voisins est son hostilité viscérale aux Etats-Unis et à Israël.

Cette analyse, juste et profonde, du président syrien jette une lumière nouvelle sur la situation dans la région. Peu importe si l’Egypte a fait des progrès énormes grâce à l’aide américaine, et si elle a récupéré les territoires occupés par Israël jusqu’au dernier millimètre carré : le rejet est idéologique et n’a rien à voir avec tel ou tel contentieux réel.

Voilà donc la politique qui sera adoptée par les Frères musulmans s’ils arrivaient au pouvoir au Caire : plus de relations avec Israël, plus de relations avec les Etats-Unis. Les problèmes profonds de l’Egypte sont tellement compliqués que personne, quelle que soit la longueur de sa barbe, ne pourra les résoudre rapidement. Mais le président syrien nous dit que ce n’est même pas la peine d’essayer. Il nous dit que ventre creux a une ouïe sélective et, plutôt que de le remplir, il suffit de murmurer les formules magiques qui détournent la colère.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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