Notre chroniqueur ne prend apparemment des vacances que pour trouver des sujets de chronique. Séjournant actuellement en Bretagne, il nous en envoie une carte postale tricolore que la direction internationaliste de Causeur a saisi du bout des doigts, pour ne pas être contaminée…
Peut-être vous souvenez-vous :
« De plaines en forêts, de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson
Ma France
Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
Quelque chose dans l’air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France… »
Jean Ferrat a créé cette chanson en 1969. Il était alors communiste, et personne, au PCF, n’a eu l’idée de lui reprocher d’exalter un pays pour lequel « ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas » étaient morts.
Aujourd’hui, n’y comptez plus. Nous vivons une époque curieuse où les gens de gauche (ou qui s’y croient) sont prêts à vilipender Ferrat et la France. Ils reprocheront au poète d’exalter la nation (quelle horreur !), le terroir (« Fasciste ! Viandard ! Agriculteur, va ! ») et les moments les plus patriotiques du pays : « La patrie, une invention masculiniste, paternaliste, dominatrice et colonialiste ! » assurent les gagas islamo-bobo-gauchisto-intersectionnels.
C’est ce que j’appelle l’Instant Orwell, où toutes les valeurs sont comprises à l’envers : La Liberté, c’est l’Esclavage, l’Ignorance, c’est la Force et l’amour du pays, c’est la haine mondialisée.
Et les intellectuels de gauche, s’il en reste, sont le degré zéro de l’intellect.
Et, accessoirement, de la gauche. Demandez à Ferrat. Demandez à Georges Marchais, qui se battait contre l’immigration, parce qu’il savait bien qu’on avait ouvert les portes pour faire disparaître les ouvriers français — c’est fait. Demandez à tous ceux que quarante ans de gauche a enfermés dans les ghettos où ils étaient nés — pendant que leurs propres enfants obtenaient des dérogations pour fréquenter tel ou tel de ces lycées, privés ou publics, où se confinent les élites auto-proclamées.
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Je reviens de Bretagne, où j’ai passé quinze jours miraculeusement beaux, de forêts hercyniennes en enclos paroissiaux, de côtes de granit rose en landes sauvages, me régalant de fraises de Plougastel et d’oignons roses de Roscoff — entre autres.
Avec ma moitié qui est mon tout, nous avons fait le projet, depuis quelques années, de passer des vacances, courtes ou longues, dans des régions que nous n’avons pas encore explorées. En fait, de nous aimer dans chacun des départements français — excepté Paris, peut-être, parce que la « ville-monde », comme disent les géographes, a divorcé d’avec la France il y a vilaine lurette.
Alors cet été la Bretagne, en avril dernier la Creuse, hier le Gers, avant-hier l’Alsace (ah, ce jarret braisé et confit au melfort dégusté à Strasbourg !), ou la Corse, ou le Jura, aux cascades du Hérisson… Sans oublier les Cévennes, sur les traces de Stevenson, ni les oranges amères qui bordent les allées à Menton, ni…
La France est inépuisable.

Il y a quelques années, ce grand couillon de Claude Askolovitch fustigeait un mien ami gastronome parce qu’il exaltait la cuisine des terroirs — un réflexe pétainiste, paraît-il. Réfléchissez-y à deux fois avant de vous résigner à la salade de quinoa mal cuit : la cuisine française est l’une des meilleures au monde, et seule une conspiration de bobos alter-mondialistes récuse l’onctuosité d’une daube ou d’un gigot de sept heures mariné dans un côtes-du-Ventoux charpenté nourri de thym et de romarin, de noix de muscade, de baies de genièvre, de clous de girofle, d’une bonne cuillérée de gingembre et d’un peu de sucre, un gigot dans lequel vous avez injecté à la seringue un mélange de jus d’orange et d’armagnac (recette à disposition). La France aime la viande — la mienne, la vôtre, celle de Ferrat, celle de ceux qui aiment la France : la table est un drapeau pour les vrais patriotes. Et l’odeur des côtes grillées au barbecue flatte les narines des vrais dieux, si elle offusque celles de Sandrine Rousseau.
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La France aime aussi son histoire et sa culture. Châteaux édifiés haut pour résister aux Anglais, cadets de Gascogne, volontaires de 93, le jeune Bara mourant pour la République, patriotes d’août 14, harkis mourant pour la libération du pays — une plaque célèbre leur sacrifice sur le monument aux morts de Béziers. Et Hugo, Voltaire, Rabelais, Chrétien de Troyes, Corneille, Racine, La Fontaine, Flaubert, Maupassant — tous effacés peu à peu des programmes au profit d’Annie Ernaux, d’Edouard Louis et de Virginie Despentes.
Elisabeth Borne, actuel ministre de l’Education, devrait se rappeler quelles références bien françaises lui ont permis de réussir Polytechnique et les Ponts et Chaussées, et les imposer aux enfants abêtis par quarante ans de pédagogisme, et livrés aujourd’hui à des maîtres largement ignorants. La culture française a permis à la fille de Joseph Bornstein de devenir Premier ministre, et à Jean Tenenbaum de devenir Ferrat : la vraie assimilation passe par la culture, par la cuisine, par l’amour des paysages — pas par le repliement sur les billevesées d’un chamelier fou de soleil.
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