Les notes, c’est fini


Les notes, c’est fini

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Après tout, c’est moderne, c’est mignon et ce n’est pas traumatisant ! Même le smiley qui vomit a un coté sympathique, mais je ne sais pas si le professeur serait autorisé à l’utiliser.

Voici que reparaît avec plus d’intensité encore l’épouvantail de la note à l’école. Le conseil supérieur des programmes préconise, entre autres, la fin de la note sur 20 au primaire, et l’abandon des moyennes  jugées « calcul artificiels ».

Parmi toutes sortes d’argumentations baroques en faveur de ce grand pas pour l’humanité, on pouvait entendre ce matin que ce serait la fin de la discrimination, excusez du peu ! Autrefois si tu avais un 5/20 tu étais un nul, alors que quand tu auras F, même si c’est l’évaluation la moins forte –ne pas dire la plus faible- tu auras le swag. F comme « fresheur » peut-être ? Cela rappelle cette histoire au sujet de la discrimination raciale -âmes sensibles s’abstenir-.  Un chauffeur de bus décide de rompre avec les pratiques discriminatoires : « il n’y a plus de blancs, ni de noirs » affirme-t-il, « désormais vous êtes tous bleus. Et maintenant vous monter dans le bus : les bleus clairs devant et les bleus marines derrière ».

Depuis la parution des Héritiers de Pierre Bourdieu et Claude Passeron, il y a maintenant 50 ans, tout ce qui a été inspiré par cette mouvance égalitariste a produit l’exact contraire de l’effet recherché. En témoigne le dernier classement Pisa qui souligne le poids croissant du déterminisme social dans notre modèle scolaire –un des plus discriminant du classement.  Le problème de l’école n’est pas celui de la note mais celui de la transmission, de la motivation des professeurs qui conditionne celle des élèves, de la joie d’apprendre. La question est : voulons-nous confier aux générations futures un fonds culturel qui leur permette d’appréhender le monde avec de vrais outils intellectuels que sont la curiosité, le libre-arbitre, la capacité de juger et de choisir ? Et pour ce faire, voulons-nous nous appuyer sur une histoire et une littérature multiséculaire que le monde nous envie ?

La réponse est non ! On peut lire, dans l’ouvrage récent de François-Xavier Bellamy Les déshérités ou l’urgence de transmettre, une phrase qui en dit long sur le projet pédagogique de l’école. Lors de son arrivée à l’IUFM, l’auteur s’est entendu dire en préambule : « vous n’avez  rien à transmettre ». Et le changement de nom de l’institut de formation en ESPE ne change rien à cette philosophie. Il se murmure, y compris parmi les formateurs, que les notes sont d’ores et déjà abolies des concours d’entrée aux ESPE. En tout cas, le minimum requis ne recherche pas l’excellence – la quoi ?-, loin s’en faut. Quelques points au dessus de zéro feront l’affaire. Logique. A quoi sert de maitriser des savoirs que l’on doit garder pour soi ?

Résultat : ils ne sont pas rares les enseignants qui, dans le public comme dans le privé, ont une maitrise toute subjective de la langue française ou considèrent que lorsqu’on initie aux maths, le contrôle de l’orthographe est superflu. D’ailleurs, comme la pénurie de vocations se fait de plus en plus criante, pourquoi ne pas rattraper ceux qui ont échoué aux concours et leur offrir une formation accélérée ? C’est en substance ce qu’a proposé Najat Vallaud Belkacem pour calmer la grogne des parents et des enseignants de Seine Saint Denis il y a quelques jours.

Dans la continuité des ministres Hollandiens de l’Education, il ne serait pas surprenant –bien qu’elle s’en défende aujourd’hui- que Najat Vallaud-Belkacem soit séduite par cette nouvelle invention de Bisounours. Elle qui n’a que l’égalité à la bouche, quitte à prendre fait et cause à la fois pour le féminisme, l’anti-sexisme, l’enseignement du genre et le port du voile –on n’est pas à une contradiction près-, est de tous les combats d’arrière-garde. Se rappelle-t-elle seulement par quel parcours scolaire elle est arrivée à ce niveau de responsabilité ?

Le modèle français engendre certes un niveau de stress important pour les enfants et ne permet pas à chaque écolier de s’en sortir de la même façon. S’il manque probablement des institutions adaptées à un apprentissage plus souple, on oublie trop souvent que l’instruction est affaire de collaboration entre l’école et les parents. Et que le rôle des parents est d’aider l’enfant à s’accommoder de cette évaluation. Chacun est libre de relativiser l’importance de la note pour redonner confiance à l’enfant, de célébrer sa progression si l’école ne le fait pas, de lui rappeler qu’il travaille pour lui-même et non pour la satisfaction de ses parents ou ses enseignants…

Tant qu’elle ne sera pas recentrée sur sa vocation première qui est d’apprendre à lire, écrire, compter et raisonner, l’école ne pourra enrayer son désolant déclin. L’abolition des notes n’y changera rien, pas plus que le parrainage de la Silicon Valley… Même avec toute l’intuition de la génération 2.0, comment trouver de l’information écrite lorsqu’on ne sait pas lire?

*Photo : Neo.



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