Vive le Québec laïc!


Vive le Québec laïc!

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La défaite cinglante du Parti Québécois de Pauline Marois, le 7 avril dernier, a-t-elle sonné le glas du projet souverainiste ? Les résultats électoraux de la Belle Province ont été sans équivoque : le Parti Libéral du Québec (fédéraliste) s’est largement imposé avec 41,50% des voix contre 25,38 % pour le Parti Québécois (souverainiste).

À l’origine du déclenchement des élections québécoises se trouvait un projet controversé : la Charte de la laïcité, dite aussi des valeurs québécoises. Ce texte reprenait le principe d’une laïcité made in France en plus d’imposer, insidieusement, un sécularisme à deux vitesses. Ainsi, tout en apportant des restrictions sans précédent en Amérique du nord sur le port des signes religieux (foulard islamique, turban sikh, kippa et grandes croix – rarement portées par les chrétiens), le gouvernement Marois favorisait, dans le même temps, le maintien du crucifix à l’Assemblée nationale et façonnait une sorte de « catho-laïcité », oxymore maladroit s’il en est. En définitive, il s’agissait d’une neutralité étatique douteuse, destinée, en réalité, à réaffirmer le sempiternel discours victimaire de la majorité francophone dans un Québec, il est vrai, de plus en plus multiethnique. Pour y parvenir, de nombreux souverainistes ont défendu corps et âme le péril imminent de la laïcité québécoise alors qu’ils étaient dans l’incapacité de le démontrer à l’appui d’études. Faut-il rappeler que le débat médiatique qui en a découlé, en faveur ou contre ce projet, a fait montre d’une médiocrité inégalée ? Rares sont les intellectuels, à l’instar de François Charbonneau, qui ont su dénoncer les dérives de cette charte tout en critiquant les excès d’un multiculturalisme nuisible. Finalement, quitte à promouvoir, non sans raison, les valeurs québécoises, il aurait été préférable de rédiger une charte qui assume pleinement l’héritage catholique du Canada français en tant que véritable essence de la nation québécoise et d’éviter le recours à un principe bancal, néanmoins en vogue au Québec, à savoir une laïcité à la carte.

Il faut rappeler que cette charte – en plus de tenter de répondre à la crise des accommodements raisonnables des années 2000 – devait permettre au camp souverainiste, en cas de victoire électorale, de devenir majoritaire pour déclencher, au moment opportun, un troisième référendum sur l’indépendance du Québec. C’est dans ce contexte lourd et électrique que Pierre-Karl Péladeau, célèbre businessman détenteur du conglomérat Québecor, s’est officiellement engagé aux côtés des souverainistes et qu’il a fait part, poing levé, de son irréductible volonté d’aboutir à un référendum sur l’avenir du Québec.

Frileux à l’idée référendaire, les Québécois ont préféré mettre Pauline Marois au placard en lui préférant le fédéraliste Philippe Couillard. Vox Populi, Vox Dei ! Pour les réactionnaires indépendantistes, il est désormais de bon ton de clamer haut et fort à qui veut bien l’entendre que l’indépendance de la Belle Province n’a pas été suffisamment prônée pendant la campagne électorale. Depuis deux mois, cette petite ritournelle se répète comme un disque rayé. Aveuglement ou propagande ? Les fausses notes ne cessent de se faire entendre. Aujourd’hui, une chose demeure certaine : le Parti Québécois doit sérieusement revoir ses idées et sa stratégie s’il ne veut pas totalement sombrer.

Sur la scène fédérale canadienne, des élections sont prévues au cours de l’année prochaine. Au pouvoir depuis 2006, le Parti conservateur de Stephen Harper fera campagne face au Nouveau Parti démocratique de Thomas Mulcair, au Parti libéral de Justin Trudeau et au Bloc Québécois de Mario Beaulieu. Supposé défendre les intérêts du Québec à l’échelle fédérale, Mario Beaulieu, fraîchement élu à la tête de son parti, s’est engagé à promouvoir la souveraineté de la Belle Province. Comme le remarque l’historien Frédéric Bastien, il est légitime de s’interroger sur son absence de lucidité politique : « On se demande sur quelle planète vivait M. Beaulieu, le 7 avril dernier. Les libéraux n’ont eu qu’à agiter le spectre référendaire pour que le Parti Québécois enregistre son pire résultat depuis 1970. Peut-on sérieusement penser que les péquistes ont perdu (…) parce que les électeurs trouvaient que Pauline Marois n’était pas assez souverainiste ? »

Lorsque les principaux partis fédéraux aborderont les grandes questions que sont les finances publiques, le transfert de compétences aux provinces ou l’environnement, le Bloc Québécois avancera-t-il sérieusement sur le devant de la scène l’unique rengaine de la souveraineté du Québec ? Ne serait-il pas plus approprié de protéger l’héritage français du Canada plutôt que de ressasser, inlassablement, le rêve indépendantiste ?

*Photo: Jacques Boissinot/AP/SIPA.AP21467660_000003



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est titulaire d'un master de sciences politiques (Université Jean Moulin, Lyon III) et d'un LL.M. en droit international (Université de Montréal).

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