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Zemmour chez les Belges

Zemmour et le « cordon sanitaire » belge, la dernière aventure de Zemmour le Gaulois !


Zemmour chez les Belges
Eric Zemmour à Bruxelles, 17 avril 2024 © Simon Wohlfahrt / AFP

De la censure au sein des sociétés… Politiques et intellectuels nationalistes ou conservateurs se sont donné rendez-vous dans la capitale belge pour une conférence de deux jours. Mais, les autorités municipales de Saint-Josse-ten-Noode ont  interdit la manifestation, avant que le Conseil d’Etat ne casse finalement cette décision. « Cela nous laisse incrédules et consternés », a déclaré l’Italienne Georgia Meloni. Cette interdiction est « extrêmement inquiétante », s’est indigné l’Anglais Rishi Sunak. « Le bourgmestre socialiste Emir Kir utilise la police comme une milice privée pour interdire la conférence bruxelloise dont je suis l’invité avec Viktor Orban et Nigel Farage ! », a écrit le Français Éric Zemmour sur Twitter.


Ce mercredi 17 avril, le Conseil d’État belge a cassé l’arrêté du bourgmestre de la commune bruxelloise de Saint-Josse qui avait interdit, la veille, la tenue de la conférence devant réunir notamment Viktor Orban, Éric Zemmour et Nigel Farage, mais aussi l’universitaire Florence Bergeaud-Blackler. Cette décision illustre la contradiction que vivent les démocraties occidentales depuis plus de vingt ans, à savoir entre d’un côté les principes libéraux des États, et de l’autre, les pressions exercées par des groupes et des idéologies proto-totalitaires.

Emir Kir se prend pour l’émir de Saint-Josse-ten-Noode !

Le bourgmestre d’origine turque qui serait proche d’un groupe nationaliste violent (les « Loups gris » probablement soutenus et manipulés par Erdogan), manie bien par ailleurs, la rhétorique islamo-gauchiste de la diabolisation de l’extrême-droite « islamophobe » et « occidentalo-centrée ». Au prétexte de « garantir la sécurité publique », le maire Emir Kir s’est manifestement soucié davantage de contrôler et en l’occurrence de censurer, des propos politiques et des analyses sociologiques non conformes à ses propres convictions, que de la paix civile, comme en témoigne sa déclaration sur X : « à Etterbeek, à Bruxelles Ville et à Saint-Josse, l’extrême droite n’est pas la bienvenue ».

Ce type de censure politique exercée par certains élus locaux est en effet sous-tendu par des aprioris idéologiques et répond à la demande d’une mobilisation sociale sur laquelle ils fondent leur pouvoir. Face à ces nouvelles formes de censure, il est tentant d’invoquer une nouvelle fois les mânes de Voltaire en rappelant cette citation – apocryphe au demeurant : « Monsieur l’abbé [Le Riche], je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » La liberté d’expression ne peut en effet exister réellement que si la pluralité des idées et le débat contradictoire sont assurés. C’est bien ce pourquoi le « patriarche » de Ferney lutta et fut persécuté par la censure royale.

Le « cordon sanitaire » belge

En démocratie, les partis politiques ont le droit de nouer ou pas des alliances électorales ou de former des coalitions gouvernementales avec les partenaires de leur choix. Mais entraver le droit de réunion ou l’accès aux médias de certaines formations politiques légales ou de certaines personnalités en les affublant de l’étiquette infâmante « d’extrême droite », cela relève de l’autoritarisme lorsque c’est le fait d’une puissance publique (notamment en faisant usage de la force publique comme le déploiement de policiers interdisant l’accès à la salle du meeting à Bruxelles), et relève du terrorisme intellectuel lorsque cela est mis en œuvre par des acteurs de la société civile.

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Or, en Belgique francophone, depuis les années 90, dans le monde politique de gauche et du centre, l’exclusion de toute alliance partisane avec un parti considéré comme étant d’extrême droite s’est accompagnée d’un dispositif « culturel » consistant dans un engagement des médias à ne pas donner la parole en direct à des partis qui – prétendument – défendent des thèses racistes ou discriminantes sur les questions de genre ou de culture. Cette mesure prive ainsi d’importants moyens d’expression non seulement une partie de la représentation politique nationale mais également de nombreux intellectuels ou artistes ne se conformant pas strictement au discours politiquement correct. Tout débat évoquant l’immigration ou l’islamisme, mais aussi la différence des sexes ou leur égale prétention à la présomption d’innocence notamment, est ainsi irrévocablement proscrit, dans un but clairement politique.

Il s’agit là en effet d’une tactique souvent explicite, comme on peut l’entendre précisément en Belgique où la question est tout à fait publique tant ses promoteurs sont sûrs de leur bon droit. Comme le dit Pascal Delwit « l’audiovisuel conserve un rôle important. On a pu l’observer lors du scrutin national de 2019. Le Parti populaire, le principal parti de droite radicale de l’époque, avait une très grosse présence sur les réseaux sociaux, mais la relation directe à la campagne électorale a été minimale et son absence de visibilité dans les débats en direct sur les médias audiovisuels ne lui a pas permis de franchir le seuil électoral des 5 %[1] ».

La Belgique n’est pas un cas isolé

Cette prise de position politique des médias belges n’est au demeurant pas très éloignée de celle des médias mainstream en France. Certes les responsables politiques sont reçus de façon plutôt équitable sur les plateaux des chaînes françaises, même si les journalistes qui les interrogent se laissent aller parfois à manifester leur hostilité à leur égard sur le mode ironique ou plus agressif. Mais les universitaires, les artistes, les intellectuels qui osent s’écarter du politiquement correct sont très rarement invités, voire sont carrément « annulés », « invisibilisés », interdits d’expression selon le principe de la « cancel culture ».

Plutôt que d’expliciter en quoi des propos ou des opinions seraient racistes, antisémites ou antidémocratiques et promouvant une vision autoritaire de la politique, on les renvoie péremptoirement aux enfers du fait de leur odeur diabolique. Depuis les années 80 il est ainsi quasiment systématique de qualifier de « nauséabonds » des propos que l’on souhaite écarter du débat en les assimilant à l’extrême droite (entendue comme résurgence du nazisme). Le Mal, le Malin, est identifié notamment par son odeur, c’est bien connu, et, cette marque olfactive permet l’économie de toute argumentation raisonnée.

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Dès lors, le repoussoir diabolique est brandi pour s’en prendre à la gauche démocratique et laïque, mais également à ceux qui osent défendre Israël dans sa lutte existentielle, à tout ce qui résiste en somme aux dérives gauchistes, wokistes, islamo-complaisantes et propalestinistes. Comme le bolchevisme refusait de reconnaître aux socialistes leur appartenance au camp des travailleurs et du progrès social et en faisait des « ennemis de classe», les chasseurs de réactionnaires et les pourfendeurs de l’extrême droite hypostasiée, se revendiquant du camp du Bien, dénient aux autres quels qu’ils soient, le droit à la parole.

Mise au pas

Si les États démocratiques ont renoncé à la censure institutionnelle, certains ont alors cependant commencé à faire machine arrière, en adoptant des législations dangereuses plus perverses. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, on peut craindre en effet que les « lois mémorielles » par exemple, pénalisant toute lecture historique déviante de l’histoire officielle (aussi bien fondée soit-elle) entravent tout autant la recherche historique que la libre expression politique. Mais ces décisions politiques procèdent d’un climat idéologique global qui s’est installé sournoisement, et sont désormais prises sous l’influence et/ou les pressions de certains acteurs sociaux nationaux et transnationaux.

Dans nos pays démocratiques occidentaux, la mise au pas, la « mise en conformité » (Gleichschaltung disait-on sous le nazisme) est à nouveau partout à l’ordre du jour, y compris indirectement du fait des pouvoirs publics. Mais surtout, ce sont des groupes militants qui instaurent la censure, et comble de cynisme, c’est le plus souvent au nom du « droit à la différence », au nom des particularismes contre l’universalisme prétendument instrument de domination, que se met en place le système d’intimidation. L’autocensure fait alors fonctionner la machine plus sûrement que ne le ferait une censure officielle. Car la montée aux extrêmes par la banalisation de la violence en parole et en acte va de pair avec la généralisation des attitudes « profil bas » et l’obsession de « ne pas faire de vagues ». Radicalité et conformisme vont de pair dans tous les autoritarismes. Bernardo Bertolucci[2]avait pointé cette caractéristique des fascismes. La censure d’État est bien sûr toujours en vigueur dans les dictatures de tout type (qui sont légion de nos jours encore, de la Russie à l’Iran, de la Chine à l’Algérie en passant par Cuba, la Corée du nord ou le Zimbabwe). Et dans certaines démocraties qui connaissent une dérive autoritaire comme la Hongrie de Viktor Orban, des mesures à l’encontre de la presse d’opposition peuvent être prises, limitant de fait la liberté d’expression politique. Mais une autre censure plus diffuse et redoutable mine les démocraties libérales. Venue du cœur de la société elle-même, les pressions se faisant de plus en plus nombreuses et violentes de la part de certains groupes minoritaires très mobilisés, cette censure met en œuvre une nouvelle sorte d’autoritarisme à visée totalitaire.

Par chez nous, la censure est donc devenue horizontale, elle ne procède plus tant de l’État que de la société. Effet pervers des sociétés démocratiques, le justicialisme a imprégné la sphère politique, enflammé les esprits et mobilisé les foules. La morale se substitue alors au droit. Une légitimité auto-proclamée prétend se substituer à la légalité. Nouveau croisé, justicier, le censeur moralisateur fait taire et malmène les anticonformistes et les libres penseurs au nom de la lutte contre ladite extrême droite. Qu’ils partagent ou non les positions des partis d’Éric Zemmour ou de Marine Le Pen, et surtout peut-être lorsqu’ils ne les partagent pas, les républicains ne peuvent donc que s’élever contre les entraves à leurs paroles et s’en alarmer.

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[1] https://www.nouvelobs.com/medias/20240306.OBS85322/en-belgique-il-existe-un-cordon-sanitaire-dans-les-medias-pour-contrer-les-discours-d-extreme-droite.html

[2] Voir (et revoir) Il Conformista, film du réalisateur italien sorti en 1970.



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Philosophe et politologue. Présidente du CECIEC. Membre de Dhimmi Watch et de l’Observatoire des idéologies identitaires. Dernier ouvrage paru : "Cinquante nuances de dictature. Tentations et emprises autoritaires en France et ailleurs". Éditions de l’Aube 2023

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