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Droit du sol, de quoi ou de qui la France est-elle le pays?

Une simple promesse de Gérald Darmanin provoque un incroyable affolement


Droit du sol, de quoi ou de qui la France est-elle le pays?
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, Paris, 29 décembre 2023 © Jacques Witt/SIPA

La proposition d’abroger le droit du sol, promise à Mayotte par Gérald Darmanin, provoque de vives réactions à gauche et chez les libéraux, lesquels ont oublié que la France est une nation – et pas une ONG no border.


Interrogée sur les violences à Mayotte, mal à l’aise, Prisca Thévenot assure: « depuis 2017, avec Emmanuel Macron nous avons pris ce problème à bras-le-corps ». On se souvient en effet que le président, en 2017, était très content de lui-même et de sa petite phrase « c’est à Mayotte le kwassa-kwassa, mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent. » Et il s’est si bien emparé du sujet que sept ans plus tard son ministre de l’Intérieur déclare qu’il faut maintenant « rétablir la paix publique », et la population locale demande l’état d’urgence. Merveilleux bilan des sept dernières années.

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Le feu des projecteurs s’étant tourné vers ce département d’Outre-Mer, le gouvernement a dû prendre les choses en main – ou essayer d’en donner l’impression, le temps que les médias passent à autre chose. Gérald Darmanin a donc annoncé trois mesures. D’abord le renfort de quinze militaires du GIGN, mais ce n’est pas faire injure à cette unité d’élite que de douter que 15 de ses membres suffiront à accomplir tout ce qui n’a pas été fait depuis sept ans… Ensuite, la fin du visa territorialisé, ce qui va permettre de transférer en métropole les migrants installés à Mayotte – fausse bonne idée, nous le verrons, mais exigence légitime des Mahorais : la métropole veut laisser entrer les migrants, que la métropole les accueille. Ne sommes-nous pas nombreux à estimer qu’il serait grand temps d’installer un centre d’hébergement de mineurs isolés à côté du domicile de Laurent Fabius ? C’est la même chose. Enfin, la suppression, sur la seule île de Mayotte, du droit du sol. Cris d’orfraie et leçons de morale de la gauche, qui sans surprise a tant de compassion envers les migrants comoriens et africains qu’il ne lui en reste plus du tout pour nos compatriotes mahorais.

Azali Assoumani au bureau de vote, Moroni, capitale des Comores, 14 janvier 2024 © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Bien sûr, cette suppression du droit du sol à Mayotte ne résoudra pas le problème de l’île. C’est d’ailleurs pour cela que la macronie l’envisage : si elle voulait être efficace, elle adopterait une solution à l’australienne et enverrait l’armée empêcher les embarcations de migrants d’accoster à Mayotte, prendrait des mesures de rétorsion fermes contre les Comores, et les obligerait par tous les moyens nécessaires, y compris la force, à reprendre leurs ressortissants illégalement implantés sur le territoire français. Emmanuel Macron et ses partisans ne cessent d’annoncer être prêts à une guerre contre la Russie, affronter les Comores ne devrait donc pas les effrayer.

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Ne nous méprenons pas : la suppression du droit du sol est une très bonne chose, une mesure de bon sens qui aurait dû être mise en œuvre depuis longtemps. Reste qu’elle est très insuffisante face à ce qui n’est ni plus ni moins qu’une invasion et un pillage systématique de Mayotte par les Comores – qui, rappelons-le, continuent à considérer, au mépris de la volonté des Mahorais, que l’île leur appartient.

Ne nous méprenons pas non plus : il est très possible que cette mesure soit retoquée par le Conseil Constitutionnel. Ne restera donc que la suppression du visa territorialisé, c’est-à-dire la transformation de Mayotte en nouveau Lampedusa, un couloir d’immigration massive supplémentaire vers le continent européen, dont l’effet d’appel d’air fera encore empirer la situation de l’île comme celle de la métropole (mais bénéficiera, du moins à court terme, aux intérêts de l’extrême-centre : dumping social, abolition du démos et donc de la démocratie, destruction de la décence commune par le multiculturalisme).

Le Monde donne tout contre l’abolition du droit du sol à Mayotte

Ceci posé, arrêtons-nous sur les réactions de la gauche, et surtout sur ce qu’elles révèlent de sa vision de la France et de son projet de société. A titre d’exemple, nous prendrons une série de tribunes publiées la semaine dernière dans Le Monde.

Passons sur les habituelles évocations frénétiques des « valeurs de la République » et de la « République en danger » utilisées pour défendre des positions qui auraient horrifié Cicéron autant que Cincinnatus ou Lucius Junius Brutus. Ceux qui inventèrent la véritable res publica n’auraient pas toléré longtemps que des populations étrangères agressives s’imposent sur les terres de Rome et s’en prennent à ses citoyens.

Manifestation contre la « loi immigration », Paris, 14 janvier 2024. © Philemon Henry/SIPA

François Héran (dont Michèle Tribalat et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie ont par ailleurs dénoncé et démontré la malhonnêteté intellectuelle) reproche aux Mahorais d’avoir voulu « grimper à bord du paquebot France et larguer les amarres en abandonnant les Comores à leur sort »[1]. Mais reprocherait-il aux Comoriens qui s’imposent à Mayotte au détriment des Mahorais de vouloir profiter des largesses du « paquebot France » en « abandonnant les Comores à leur sort » ? Que nenni ! Revendiquer l’identité française, c’est mal, mais se gaver éhontément sur le dos du contribuable français, aucun problème. L’intégration, non, mais l’invasion, oui.

Trois professeurs de droit public[2], ensuite, disent s’inquiéter d’une rupture de « l’égalité devant la loi. » Faut-il leur rappeler que l’égalité républicaine concerne les citoyens, et uniquement les citoyens ? Au moins finissent-ils par dire clairement ce qui inquiète tant les bien-pensants, le « risque d’une remise en cause plus globale du droit du sol sur l’ensemble du territoire[3]. » Inquiétude pour la gauche, espoir pour la France et les Français qui, à 65%, voudraient la fin du droit du sol sur tout le territoire national.

Un « collectif d’associations et de syndicats[4] » reproche à l’exécutif « sa volonté d’avoir recours à une immigration choisie »[5]. Comprenons bien que pour ces militants, l’idée qu’un pays souverain choisisse qui il accepte d’accueillir et qui il refuse d’accueillir est intolérable. Votre maison ne vous appartient pas, elle appartient à quiconque décide de s’y imposer, que ça vous plaise ou non. Pour ce collectif, qui comprend plusieurs porte-paroles d’associations de sans-papiers (des clandestins qui revendiquent ouvertement être présents illégalement sur notre sol mais ne sont évidemment pas expulsés), « les migrations continueront, qu’il y ait des voies légales et sûres ou non pour traiter les demandes. » Les émissaires de Xerxès avaient eux aussi dit aux Spartiates : « nous nous imposerons chez vous que vous le vouliez ou non ». Les émissaires de Xerxès se trompaient.

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Ce collectif dit aussi autre chose de particulièrement révélateur, en prétendant « lutter pour une société humaniste tournée vers l’accueil ». Et dans sa tribune[6], Ayyam Sureau défend quelque chose de similaire. Certes, elle constate « l’échec de l’intégration, même des enfants nés en France, et éduqués en France » – mais qui peut sérieusement nier aujourd’hui ce constat ? Elle qualifie aussi de « une des superstitions françaises les mieux ancrées » l’idée que « toute personne raisonnable souhaite être libre, y tendrait par nature si elle n’était pas entravée dès sa naissance par la misère et l’ignorance », et évoque la vanité de l’espérance selon laquelle la France serait « capable, par le pouvoir émancipateur de ses institutions, d’élever chacun, sans distinction d’origine, vers cet idéal commun. » A rebours des discours habituels de la « gauche républicaine », voilà une lucidité bienvenue. Mais hélas ! La philosophe fait entièrement porter la responsabilité de cet échec sur « la nation (qui) n’est plus à même de tenir ses promesses. » Quid de la responsabilité de ceux qui, venus d’ailleurs, refusent d’adhérer à l’idéal français ? Quid de la responsabilité écrasante de ceux qui accueillent sans discernement au lieu de réserver notre hospitalité à des personnes prêtes à adopter notre décence commune ?

La France à l’envers

Plus fondamentalement, cela pose la question de la nature même de la France, et c’est la question essentielle. « Pays des droits de l’Homme » selon la formule consacrée, qui oublie comme par hasard d’ajouter « et du citoyen », ou pays des Français ?

Pour Emmanuel Macron, le centre et la « droite du fric », bien sûr, c’est juste un territoire, un immense hub d’aéroport qu’il faut rentabiliser au maximum pour le plus grand profit de la caste mondialisée des anywhere.

La gauche, elle, nous parle de « société humaniste tournée vers l’accueil », c’est-à-dire tournée vers ceux qui ne sont pas encore là plutôt que vers les citoyens qui sont déjà là, société où ceux qui accueillent sont mis de gré ou de force au service exclusif de ceux qui sont accueillis. Ayyam Sureau évoque le « pouvoir émancipateur du sol français » et les « promesses de la nation » envers les immigrés, mais ne semble pas envisager que cette même nation pourrait avoir des promesses à tenir envers le peuple qui l’a forgée. Ce n’est donc plus une nation, c’est une ONG ! Une ONG de gauche, traitant le territoire national comme sa propriété, rançonnant les Français par l’impôt et déployant la puissance publique pour les contraindre à se mettre à sa disposition – pour le plus grand profit des dirigeants de cette ONG, nouvelle nomelklatura… Renversement pervers du rôle de l’Etat et de la République qui devraient être au service de la nation et des citoyens, plutôt que l’inverse.

Il revient donc à la « droite des valeurs » de remettre les choses en ordre, et de rappeler que la France est, avant tout et par-dessus tout, le pays des Français, qu’ils peuvent être fiers de ce qu’ils y ont accompli depuis des siècles, qu’ils y sont souverains, et que le devoir de la République et de l’Etat est de servir ce peuple souverain et de garantir la pérennité de sa souveraineté.


[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/13/francois-heran-sociologue-a-mayotte-de-quel-droit-du-sol-parle-t-on_6216345_3232.html

[2] Marie-Laure Basilien-Gainche, Jules Lepoutre et Serge Slama NDLR

[3] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/15/fin-du-droit-du-sol-a-mayotte-l-attractivite-de-notre-droit-de-la-nationalite-releve-assez-largement-du-mythe_6216638_3232.html

[4] https://www.voxpublic.org/Tribune-Loi-Asile-et-Immigration.html?lang=fr

[5] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/15/loi-immigration-des-digues-ont-saute-face-a-la-xenophobie-et-a-la-remise-en-cause-de-l-etat-de-droit_6216711_3232.html

[6] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/14/fin-du-droit-du-sol-a-mayotte-on-reste-stupefait-par-ce-desir-de-degrader-par-des-lois-toujours-plus-mesquines-l-image-de-la-france_6216535_3232.html



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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