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Parle à mon cul, ma tête est malade !


Parle à mon cul, ma tête est malade !

J’ai parmi mes proches beaucoup d’hommes et de femmes qui ont suivi une psychanalyse. Certains en suivent encore. Je n’ai pas remarqué que mes amis à psy étaient plus équilibrés, plus chanceux en amour ou s’entendaient mieux avec leur mère que mes amis sans. Cela doit-il nous amener à remettre en cause la supériorité des thérapeutes occidentaux sur les marabouts africains ? Cela mérite peut-être une étude. Dans l’ensemble, je n’observe pas que les gens quittent le divan en meilleur état mental qu’ils ne l’étaient en entrant, mais on me dit que sans analyse ce serait pire, je veux bien le croire.

Tout ceci reste bien mystérieux pour moi et je ne m’étendrai pas sur une question dont j’ignore presque tout. L’économie que je réalise en me passant de psy doit suffire à mon bonheur et je n’ai pas d’opinion sur cette science, en tout cas quand elle s’exerce entre adultes consentants. Mais il arrive que certains praticiens dépassent les bornes. Le Dr Daniel Cosculluela, psychiatre de 52 ans, dont le procès a fait l’actualité d’un soir le mois dernier a pris 12 ans de réclusion et une interdiction d’exercer définitive pour avoir abusé sexuellement de quatre de ses patientes.

Mettre sous hypnose de pauvres femmes crédules qui se déshabillent avant de s’allonger sur le divan, pour mener une introspection à leur insu, ce n’est pas joli, joli et le docteur aurait pu se contenter de sa Porsche pour les amadouer et arriver à ses fins. Ses pratiques l’ont mené en prison et la justice a été rendue, ne revenons pas sur la condamnation.

Pourtant, l’énoncé des accusations portées contre le satyre m’a laissé un peu perplexe. Le docteur était accusé d’avoir « placé ses patientes par des pratiques inhabituelles dans un état de dépendance susceptible d’altérer leur volonté pour leur imposer des relations sexuelles ».

Jusqu’à présent, personne n’a porté plainte contre moi mais depuis le verdict de ce procès, je suis inquiet. Pourrais-je un jour être trainé en justice par une femme ou pourquoi pas quatre pour les avoir « placées dans un état de dépendance », ou pour avoir « altéré leur volonté afin de leur imposer des relations sexuelles » ? Je croyais qu’il fallait précisément altérer les volontés pour obtenir des relations sexuelles sans avoir à les imposer. Je tenais même cette condition comme une règle de base de la séduction. Comment faire pour mettre une femme dans son lit la première fois sans promesse de lendemain ni de sentiments et sans avoir au préalable altéré un peu sa volonté ? Comment la faire revenir sans la placer par des pratiques inhabituelles pour elle dans un état de dépendance ? Sommes-nous menacés par nos habitudes de séduction ? Devrons-nous adopter de nouvelles pratiques plus conforme à la législation ?

Tous les rites de la relation amoureuse, toutes les preuves de cet amour qu’on nous réclame à cor et à cri, des fleurs de la Saint Valentin au week-end romantique, à quoi servent-ils sinon à altérer la volonté et placer en état de dépendance ? La déclaration d’amour, cette arme fatale pour la volonté du sexe faible et redoutable pour s’assurer sa dépendance devra-elle être placée sous contrôle judiciaire ?

Autre chose, les pratiques inhabituelles ainsi que la mise en état de dépendance dont on accuse le psychiatre dans cette affaire peuvent-elles être entendues au sens sexuel du terme et être retenues à charge dans d’autres contextes que celui d’une thérapie? Serons-nous jugés pour nous être livrés à des pratiques sexuelles inhabituelles plaçant des femmes dans un état de dépendance sexuelle afin de leur imposer des relations sexuelles ?

Là, ça devient très inquiétant. Serons-nous demain montrés du doigt pour les talents qui nous valent d’être convoités aujourd’hui ? L’état de dépendance de nos amoureuses nous sera-t-il un jour reproché ? Devrons- nous modérer nos prouesses pour échapper à des poursuites judiciaires ?

Evidemment, tout est question d’interprétation mais la judiciarisation de la société française et la féminisation de la magistrature ne me rassurent en rien. Je ne me sens pas à l’abri d’une juge d’Outreau. Exposés par la législation à la vengeance de femmes trompées ou désaimées, regretterons-nous un jour l’âge d’or d’avant les procès, celui des cris et des gifles, quand les filles hystériques savaient ne pas se tenir ?

Mais c’est sans doute pour les femmes que le risque est le plus grand. Une justice qui leur interdirait d’altérer les volontés des mâles et de les placer en état de dépendance sonnerait le glas du règne féminin. Et nous, les hommes, qui ne vivons que dans l’espoir de voir nos volontés altérées et dans l’extase de notre dépendance, en serions les premières victimes. En fait le danger de cette jurisprudence nous menace tous. Les uns et les autres, ne poursuivons-nous pas toute notre vie la quête de ce pays merveilleux ou les volontés s’anéantissent et ou la dépendance est totale ? Ne courrons-nous pas tous après ce trouble de l’âme ou la dépendance a remporté sur la volonté une victoire écrasante ? Ne cherchons-nous pas tous l’amour ?

Défendons ensemble, main dans la main, nos droits à vivre en esclaves, à faire le contraire de ce que l’on veut et à ne plus pouvoir nous passer les uns des autres, si nous voulons rester des hommes. Et des femmes.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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