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Le crépuscule des jeux

Thomas Jolly a été choisi « pour mettre en scène le Graal, les cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux olympiques et paralympiques »...


Le crépuscule des jeux
Thomas Jolly. ©Wikimedia

L’éditorial du mois de novembre d’Elisabeth Lévy.


Pendant la guerre des civilisations, Festivus[1] continue ses saccages. Tant mieux, car sans eux et sans France Inter qui se fait un devoir de les célébrer bruyamment, on n’aurait pas beaucoup d’occasions de rire…

Le 15 octobre, ma chaîne publique recevait Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française, sise à Villers-Cotterêts[2]. Je m’attendais naïvement à ce qu’il lance le combat contre l’écriture inclusive ou la dégradation de l’orthographe et m’amusais à l’avance de la stupéfaction du journaliste face à des propos aussi réactionnaires. Que nenni. Ce pur produit de la technostructure gaucho-culturelle a tenu à rappeler qu’il n’était pas là « pour protéger ou défendre la langue française, au contraire » – on avait mal compris –, mais « pour la faire vivre dans sa vitalité hospitalière, car les mots sont migrateurs ». Autrement dit, la vitalité de la langue française se mesure à l’aune des apports extérieurs qu’elle intègre. Paul Rondin aime le français à condition qu’il consente à se créoliser, comme dirait Mélenchon, et surtout, qu’il n’ait rien à voir avec la France, sa culture et son histoire.

Paul Rondin devrait faire équipe avec Thomas Jolly. Tous deux, issus des mêmes couveuses, ont été biberonnés à l’argent public : Rondin a été directeur adjoint du Festival d’Avignon, tandis que Jolly, 41 ans, est présenté sur le site de Radio France comme « le prodige du théâtre public », bien que son grand fait de gloire soit d’avoir ressuscité la comédie musicale « Starmania ».

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Mais si Léa Salamé le reçoit le 24 octobre, c’est parce qu’il a été choisi « pour mettre en scène le Graal, les cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux olympiques et paralympiques ». Pour Salamé, qui serait moins exaltée si elle interviewait la Vierge Marie, le Graal, c’est le milliard et demi d’êtres humains qui sera, paraît-il, derrière son écran pour l’ouverture de Paris 2024. Répétant d’une voix rêveuse « un milliard et demi », elle décoche au prodige des œillades admiratives, peut-être un brin envieuses. Lui, modestement, entend profiter de cette occasion unique d’adresser un message à un quart de l’humanité, qui n’attend certainement que ça. Entre autres perles de sagesse, il lâche que « chaque culture de chaque personne doit être considérée et respectée » et qu’en conséquence « on n’a pas à faire de hiérarchie », avant de décréter, face à une Salamé en lévitation, que Shakespeare vaut Britney Spears. On rêve de l’entendre prêcher ainsi devant des skinheads ou des djihadistes, ou même devant des Indiens ou des Chinois. Il n’y a qu’en Europe que la politesse impose de faire semblant de croire à ce genre de fadaises. « Vous, vous n’êtes pas culturellement correct », glousse la consœur. Non, pas du tout. Dans le genre transgressif, on apprendra aussi que « la pensée doit être sans cesse en mouvement, sans cesse en crise ». « Sans cesse penser contre soi-même », réplique la journaliste, la voix légèrement altérée par la solennité de ses propres propos.

« Tout ce que je fais est politique », assène le metteur en scène. Pour les cérémonies olympiques, qui se dérouleront sur six kilomètres de Seine, on peut donc s’attendre à un festival de poncifs concoctés par « les auteurs et les autrices » qu’il a rassemblés. Il est question des têtes de nos rois sortant de la Seine (on s’étonne qu’il n’ait pas plutôt pensé à les noyer), d’une tour Eiffel inversée. Las, Jolly voulait les Daft Punk parce que, dit-il en substance, quand on pense rayonnement mondial de la France, on ne peut pas ne pas penser aux Daft Punk. Ça ne va pas se faire. Qu’il ne désespère pas, il y a une chance pour que Médine soit disponible.


[1] Pour ceux qui l’ignorent, Festivus est le nom donné par Philippe Muray au spécimen humain de l’âge post-historique. Et comme son nom l’indique, Festivus transforme la boue de l’existence humaine en fête permanente.

[2] Elle est ouverte au public depuis quelques jours, mais son inauguration par le président de la République, prévue le 19 octobre, a été reportée en raison des événements en Israël.

Novembre 2023 – Causeur #117

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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