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2027: ils veulent tous en être

L’analyse politique de Philippe Bilger


2027: ils veulent tous en être
Le président de région LR Laurent Wauquiez échange avec des militants du syndicat étudiant UNI, Mont Mezenc, 3 septembre 2023 © BONY/SIPA

Mélenchon / Roussel, Wauquiez / Lisnard, Darmanin / Le Maire, Bardella / Maréchal. La volupté des combats singuliers en politique…


La lutte finale, je le sais bien, sera pour 2027 même si elle a déjà commencé et battra son plein largement avant l’échéance. Mais déjà on peut constater la multitude de ces combats singuliers qui opposeront deux personnalités éprises du même futur et inspirées par une ambition similaire. J’avoue ne pas me lasser face à ce spectacle qui fait ressembler la démocratie à un immense tournoi où l’un mordra la poussière quand l’autre demeurera en lice et peut-être l’emportera. De quelque côté qu’on observe, la curiosité est satisfaite et la psychologie sera un bien meilleur guide, pour appréhender à leur juste mesure les conflits, que la nature des idées et la vigueur des convictions.

Jeux de domination

Qu’on songe à Jean-Luc Mélenchon qui au sein de LFI voit poindre un rival talentueux, François Ruffin, qui ne sera pas forcément entravé par les compliments tactiques adressés par le premier. Mais l’impétueux dominateur qu’est Mélenchon ne se contente pas d’un seul front interne : un autre le met aux prises avec Fabien Roussel, à l’égard duquel il a une double prévention. Difficile d’abord de le juger médiocre, puis il est insupportable de le voir préférer sa liberté à une admirative dépendance… Jean-Luc Mélenchon, même s’il pense pouvoir se dispenser de la Nupes pour enfin conquérir la seule fonction qu’il juge à sa hauteur, n’aime pas ces trublions entêtés qui lui font de l’ombre et résistent à son charme révolutionnaire…

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Chez Les Républicains, Eric Ciotti a beau nous vanter autant qu’il peut Laurent Wauquiez et ce dernier tenter de rattraper le temps et les lâchetés gaspillés en affirmant qu’il est « prêt » pour 2027, l’espace néanmoins ne sera pas bouché. Pour l’instant Laurent Wauquiez est loin de « tuer le match ». Xavier Bertrand est à nouveau chez LR et David Lisnard continue à réfléchir mais n’exclut plus rien. Je ne vois pas d’autre moyen qu’une primaire pour départager le moment venu les candidats au soutien officiel de LR.

Guerre de succession en macronie

Au sein de la macronie – qui rend difficile, voire impossible l’alternance (c’est ce qu’affirme Emmanuelle Mignon, l’ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, dans Le Figaro) – il est piquant de constater comme le président de la République, contraint de jeter l’éponge en 2027, fait le maximum pour exprimer subtilement ses préférences. 

On a compris depuis longtemps qu’elles ne se rapportent pas à Gérald Darmanin ni à Bruno Le Maire. Peut-être à Jean Castex. Mais pas du tout à Edouard Philippe. Celui-ci, il est vrai, ne lésine pas sur les opportunités d’agacement et se fait un malin plaisir d’adopter un comportement où la loyauté ne fait pas défaut mais avec des piques, des contradictions et des propositions qui révèlent une envie d’ailleurs, une distance de plus en plus nette avec un président qu’il avait rejoint en 2017 mais qui n’a pas supporté l’excès de lumière allant sur son Premier ministre.

L’ancien Premier ministre Edouard Philippe, Le Plessis-Pâte, septembre 2023 © MPP/SIPA

Le combat singulier peut exister entre un être qui aura un futur et une personnalité qui n’aura plus, dans trois ans, sur le plan politique, qu’un passé.

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Le RN où Marine Le Pen est la « candidate naturelle » – si on ne sert pas du judiciaire, comme pour François Fillon, pour étouffer net son avenir qu’elle espère présidentiel – n’est pas totalement à l’abri d’une rivalité apparemment courtoise. Jordan Bardella, sur lequel je n’ai jamais entendu la moindre critique de forme, même de gens aux antipodes de son fond partisan, attend son tour même si je perçois bien la douce musique résonnant à ses oreilles et laissant présumer que dès 2027, il serait un meilleur candidat que sa « patronne » qui porte le nom de Le Pen. Probablement a-t-il intégré qu’en 2032, du côté du camp qui est le sien, il aura à affronter notamment Marion Maréchal qui, si elle a commis une erreur tactique en risquant la stagnation à Reconquête!, ne perdra pas toutes ses chances pour la joute suprême dans neuf ans.

Ces combats singuliers réjouissent le commun des citoyens parce qu’ils incarnent la politique sur un mode très concret en la personnalisant, en la réduisant à des expériences, des affinités ou hostilités que chacun peut appréhender. D’une certaine manière, ils instillent dans une activité fondamentale pour la démocratie, une humanité, des liens de proximité, des affrontements particuliers, la rivalité d’hommes et de femmes qui sont choisis ou récusés pour ce qu’ils sont.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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