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Miss Zimbabwe, blanche, sous le feu des critiques

Une avalanche de propos négatifs et racistes


Miss Zimbabwe, blanche, sous le feu des critiques
Instagram

Brooke Bruk-Jackson a remporté le concours national de beauté organisé au Zimbabwe. Pourtant, son élection a provoqué une vague de protestations sur les réseaux sociaux. Son tort ? Être une blanche dans un pays à majorité noire, une de ces Rhodie’s dont la communauté a imposé un régime de ségrégation raciale durant plusieurs décennies au grenier à blé de l’Afrique australe.


Le 16 septembre, le Zimbabwe a organisé son concours national de beauté afin de choisir parmi douze jeunes femmes, préalablement sélectionnées, celle qui aura l’honneur de représenter le pays lors de l’épreuve internationale de Miss Univers.

Chaînes coloniales

Après plusieurs heures de délibérations et défilés divers, c’est une étudiante de 21 ans qui a remporté la couronne tant convoitée. En dépit de ses larmes de joie et d’une excellente prestation devant le jury, son élection a suscité une forte controverse en raison de sa couleur de peau. En effet, la lauréate du concours, Brooke Bruk-Jackson, est une Rhodie’s pur jus, née au sein de la communauté blanche de l’ancienne Rhodésie du Sud qui a dirigé ce pays africain jusqu’à son indépendance en avril 1980. Elle était d’ailleurs la seule blanche à concourir pour le titre.

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À l’issue de sa victoire, un flot d’insultes et de commentaires mitigés ont soudainement inondé les réseaux sociaux. Sur TikTok, Instagram et X (anciennement Twitter), des fans ont remis en question la décision du jury, estimant en 2023 qu’il était « ridicule de couronner la fille de colons blancs comme représentante d’un pays qui s’est depuis longtemps libéré des chaînes coloniales »« Mugabe serait fou en voyant cela » écrit même un internaute furieux. En référence à l’ancien dirigeant et premier président du pays, qui a mené la lutte contre le régime rhodésien du Premier ministre Ian Smith. « Tellement décevant de voir ces colonisateurs représenter un pays africain », écrit une autre personne. « Mes ancêtres se rouleraient dans leurs tombes !!!!! », renchérit une troisième très exaspérée. « Toutes ces belles femmes mélanées et vous me dites que c’est une femme européenne qui a gagné un concours pour les noirs !!? », ajoute encore un dernier internaute qui remet en doute l’africanité de cette Miss à la blondeur européenne. L’affaire a même pris un angle encore plus international après que la populaire chaîne de potins Instagram « The Shaderoom » ait partagé la nouvelle avec de nombreux Noirs américains, également choqués et consternés par la décision.

Un pays ruiné

Jadis le grenier à blé de l’Afrique australe, le Zimbabwe est toujours en proie à ses démons raciaux. Longtemps perçus comme un contre-pouvoir économique à son pouvoir politique, Robert Mugabe a fini par chasser les blancs du gouvernement multiracial, mis en place après la fin du régime de ségrégation raciale afin de rassurer les investisseurs occidentaux, inquiets par le nationalisme de « Comrade Bob ». Les mauvaises décisions prises par Robert Mugabe, dont la présidence s’est transformée en dictature ethnique (à un point que les Britanniques le surnommaient le « Hitler noir »), ont fini par ruiner le pays. Refusant de reconnaître sa responsabilité, l’ancien rebelle marxiste s’est retourné contre les sud-rhodésiens, les a accusés de tous les maux (dont celui de faire le jeu de l’opposition) et a décidé brutalement, en 2000, de saisir toutes leurs exploitations sans indemnisations avant de les redistribuer aux cadres de son parti (ZANU-PF). Alors qu’aucun d’entre eux n’avait la moindre expérience agricole… ce qui a achevé de faire sombrer un peu plus le pays dans la crise économique qui perdure encore aujourd’hui. 

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« J’ai gagné cette couronne pour notre beau pays, pour aimer et servir notre peuple, pour représenter le Zimbabwe à l’échelle internationale et pour montrer au monde le caractère unique du Zimbabwe et des Zimbabwéens », a tweeté Brooke Bruk-Jackson après sa victoire. Mais face à l’avalanche de propos négatifs et racistes auxquels elle a dû faire face, celle qui poursuit des études à la British Academy of Fashion Design à Londres et à la Beauty Therapy Institute de Cape Town a dû se résoudre à désactiver l’accès aux commentaires sur ses propres réseaux sociaux où elle avait posté une photo d’elle, vêtue d’un costume mettant en valeur des artistes zimbabwéens. « Brooke méritait de gagner ; elle a travaillé dur pour cette couronne et sa démarche était si gracieuse. Sa réponse fut puissante, courte et précise. Bien mérité. Félicitations à elle », écrit en guise de soutien un internaute, cité par le journal local The Zimbabwean. « Elle est absolument magnifique. Si elle est née au Zimbabwe, elle est alors admissible. Tout le reste n’est que drama. Laissez-la profiter de son moment sous les projecteurs », ajoute un autre Zimbabwéen. Tous deux étant d’origine africaine.

Face à ses nombreux « haters », la jeune mannequin s’est fendue d’une brève litanie afin d’apaiser la situation : « La couleur de notre peau ne doit pas définir une personne ni avec qui chaque personne choisit de s’associer. Ensemble, nous sommes alignés, une belle espèce créée par Dieu ». Une leçon magistrale de tolérance qui pourrait presque nous faire oublier qu’en 2021, Pamela Uba, une Sud-africaine noire, avait été sacrée Miss Irlande sous les  applaudissements de ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie contre l’élection de Brooke Bruk-Jackson. 

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Journaliste , conférencier et historien.

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