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Du bon usage du Conseil National de la Remontada

Le président Macron rêve de redonner aux Français le goût du travail et promeut une "sobriété écologique raisonnable et non punitive"


Du bon usage du Conseil National de la Remontada
Emmanuel Macron prend la parole lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, le 23 juin 2023, à Paris. © Lewis Joly/AP/SIPA

Face au déclin économique français, Emmanuel Macron en est persuadé: nous vaincrons parce qu’il n’y a aucune raison que nous ne redevenions pas les plus forts. Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance.


Le président était dans la finance, Elisabeth dans l’apathie. Le Maire huissier de la Banque de France, les fonctionnaires pour Guérini. Pap Ndiaye dormait dans l’ignorance, c’est Kohler qui tient l’épicerie… Les « excellents français » brocardés par Maurice Chevalier en 1939, le bon peuple, pestent, crient, s’agitent en cent façons mais tout finit en chansons et jurons.

Le mélange du gratin et des nouilles, le droit à la morale, l’émancipation des genres humains, sont des tâches plus ardues qu’il n’y paraît. Imperméable au volontarisme de droite, réalisme de gauche, centrisme du centre, en marche, à cloche-pied, le « modèle français » traverse les quinquennats, les idéologies, droit comme un hic, à quatre pactes, sous perfusion et antidépresseurs. Les Français ont perdu prise avec les mots, les choses, le réel. Ils croient ce qu’ils désirent. L’ensauvagement, la décadence, le déclassement du pays ne chagrinent ni les premiers de cordée, ni les damnés de la chaire, agrégées de Lettres ouvertes. La trahison est claire.

Essoré par la réforme des retraites, sans programme, sans majorité, pour se refaire une stature et santé électorale, tous les deux ans, le président MytheToo, panthéonise des totems : Simone Veil, Joséphine Baker, bientôt Missak Manouchian. La Résistance, c’est porteur. Le CNR, Conseil National de la Remontada et les Moulins de mon cœur…

Il faut beaucoup d’inconscience pour réaliser de grandes choses

Comme ses mentors Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Duracell, tambourine, voltige, accélère : plus vite, plus fort, plus loin, dans le stand-up cosmique. Sa dernière foucade, c’est la réindustrialisation : intelligence artificielle et paracétamol tricolores, « industrie verte, décarbonée, respectueuse de la biodiversité, numérisée et transformée ». Bon Dieu, mais c’est bien sûr ! Laurent Fabius arrêtait les magnétoscopes nippons à Poitiers, Arnaud Montebourg défendait la marinière (et la pantoufle) made in France. Un tiers Law, un tiers Calonne, un tiers payant, le président ne lâche rien : « Qu’a besoin de faire notre pays ? D’être compétitif sur le capital, le travail, l’innovation. De continuer d’être fiable et clair dans sa stratégie. Et d’augmenter la quantité de travail… ». La Start-up notion.

Assurancetourix de la Banque Publique d’Investissement, Nicolas Dufourcq reste prudent. Les voitures électriques chinoises sont 40% meilleur marché que celles de l’UE. La compétitivité, ça interroge, c’est plus compliqué que la langue de bois. « C’est un défi, un vrai sujet dont il faut s’emparer… C’est comme la course, quand vous avez des acteurs qui courent extrêmement vite avec des moyens extrêmement importants, c’est difficile de les rattraper quand vous partez très en retard, et en plus quand vous êtes divisés, l’Europe c’est 27 Etats… ». L’union fait la farce et la désindustrialisation mine le pays depuis cinquante ans. Dont acte. Le problème, c’est la potion magique, le yakafocon du rebond et l’acrasie : « Ce que je veux, je ne le fais pas ; ce que je ne veux pas, je le fais » (Saint-Paul). On ne fait pas pousser l’herbe ou l’esprit d’entreprise en tirant dessus.

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Et si les Gaulois réfractaires mettaient fin à leurs zizanies ? A quand l’union sacrée ? Emmanuel Abraracourcix remplace Elisabeth Mauvaisemine par Jean-Luc Mélenshownix à Matignon. Avec le triplement du Smic, l’embauche d’un million de fonctionnaires (dont deux millions de profs et trois millions d’infirmières), le savoir, la consommation et la croissance repartent, les déficits sont épongés. À Bercy, Marine Lepenix interdit les licenciements et boucle les frontières : fin du dumping et du chômage. A l’intérieur, Eric Ciotix rétablit les peines planchers pour les tueurs en série récidivistes. A l’écologie, Sandrine Rousseau sauve la planète grâce aux printemps arables et planeurs renifleurs d’avenirs radieux… La Messe en si… (d’aventure)… France is Bach. Nous vaincrons parce qu’il n’y a aucune raison que nous ne redevenions pas les plus forts. La friche bouge.

La France en s’abattant   

Marianne, à l’image de Coyotte poursuivi par Road Runner, gesticule au-dessus du vide du canyon, mouline des jambes, désespérément… Combien de temps ? Beep-Beep…

Le plus grave, ce n’est pas le déclassement industriel. Le rayonnement économique, la Bourse, ça va, ça vient… ou ne revient pas. La véritable tragédie concerne les enjeux de transmission et la liquéfaction de l’Education nationale (du primaire au supérieur). Depuis deux générations la faillite est masquée par les litanies sur le manque de moyens, des programmes allégés 0% de matière grise -saveur rousseauisme lacrymal- et aujourd’hui les algorithmes. ChatGPT et Parcoursup ont pris la place d’un Pap Ndiaye lunaire qui grenouille dans la mare aux Bourdieuseries. L’injonction libérale-libertaire du capitalisme woke c’est l’oubli du passé, des racines : transformer les jeunes générations en zombies numériques lotophages. Au Mondial Moquette du fantasme, tous indignés, tout est possible, tout est à vendre. Congédier le « pourquoi », le Tiers qui « institue la vie », capituler sur les limites, sur le principe de Raison, demander à la jeunesse de s’auto-fonder, relève du meurtre symbolique, prélude à une sauvagerie organisée (voir les analyses magistrales de Pierre Legendre).

Toujours en retard d’une révolution, les élites accélèrent la reféodalisation, parachèvent le sabordage en dynamitant le dernier pilier porteur national, l’Etat. L’ENA, les grands corps de la fonction publique sont immolés sur l’autel de la démagogie, du management, de l’efficiency et du clientélisme. Dans cette marmite infernale, bouillonne les séparatismes, la guerre civile, une libanisation.

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Pas de crispations, n’ayez pas peur des petits remaniements et grands remplacements, tout va bien se passer… Les progressistes, humanistes généreux et inspirés, parlent fort, voient loin, juchés sur les épaules de leurs géants adorés, ex-bienfaiteurs de l’humanité : Lénine, Trotski, Staline, Mao, Castro, Pol Pot, l’ayatollah Khomeini, Ortega, Maduro… En mal de dominés, d’opprimés, d’électeurs, le camp du Bien, la gauche Zelig, adorent se déguiser : lundi en performeur éco-sexuel léchant des orties à poil dans un square lyonnais fréquenté par les enfants, mardi en Super-Résistant, mercredi en burkini, jeudi en Chevalier d’Eon, vendredi en Malcom X… Les symphonies du Nouveau Monde des rebelles siphonnés réjouissent Télérama et France Inter, mais n’adoucissent plus les mœurs. Les gilets jaunes, bleus, blancs, rouges, le peuple, ont compris la maldonne.

En attendant le Concorde à hydrogène, les sous-marins solaires, le cloud à visage humain, le retour de la panthère longibande, la Semaine du sourire, sans oublier la justice qui viendra sur nos pas triomphants, le gouvernement Borne garde son coule : si un problème a une solution, pourquoi se faire du souci ? Si un problème n’a pas de solution, pourquoi se faire du souci ?  

Postures, prélatures, poutures, forfaitures… Les défaites sont rarement étranges et toujours prévisibles.



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