Accueil Culture Oubliez les “événements littéraires” de la rentrée…

Oubliez les “événements littéraires” de la rentrée…

Lisez plutôt « Chimères », d’Alexis Legayet


Oubliez les “événements littéraires” de la rentrée…
Image d'illustration Unsplash

Et aussi les derniers livres de Benoît Duteurtre, et de Samuel Piquet


Récemment, le Planning familial, association contorsionniste promouvant en même temps le hijab et l’idéologie woke, nous a appris qu’un homme pouvait être « enceint ». Pour contrecarrer les premières et légitimes protestations, l’association a mis en avant son « combat contre toutes les discriminations » et a accusé ses détracteurs de transphobie. L’idéologie transgenre fait des ravages un peu partout. Théorie du genre, transhumanisme, écologisme, antispécisme, antiracisme « racialiste », féminisme misandre, etc., – le wokisme fomente des lendemains qui déchanteront en même temps que de nombreuses occasions de franche rigolade que sauront saisir des écrivains talentueux pour nous faire nous bidonner en attendant la fin.

Benoît Duteurtre et Samuel Piquet, par exemple, ont récemment mis à profit leur intelligence et leur sens de l’humour pour décrire, chacun à sa manière, le monde détraqué vers lequel nous courons à toute vitesse.

A lire ensuite, Olivier Amiel: L’IA veut-elle notre peau?

Duteurtre et Piquet nous amusent

Dans Dénoncez-vous les uns les autres, les derniers amateurs de viande doivent abattre eux-mêmes les poulets qu’ils comptent manger ou « assister au moins une fois par an à une journée dans un abattoir pour obtenir le certificat leur permettant de servir à table quelques saucisses ou une tranche de faux-filet » ; les hommes se prénomment Barack (en hommage à qui on sait) ou Mao (en hommage à qui on sait itou), et les filles, Robert ; les « écocidaires » doivent se confesser publiquement ; les dénonciations anonymes pour vaincre le sexisme sont encouragées ; une “brigade rétroactive” se charge de fouiller très attentivement dans vos messageries, vos textos et vos mails professionnels afin d’y découvrir d’hallucinants motifs à convocation devant un juge. Et Benoît Duteurtre parvient à nous amuser en décrivant ce vertueux et cauchemardesque “monde meilleur”.

Dénoncez-vous les uns les autres

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Samuel Piquet fait de même en nous racontant la vie de Guillaume dans Le serment sur la moustache. Guillaume est un professeur fraîchement sorti de la machine à formater progressistement les enseignants, un homme en cours de « déconstruction » avancée, un admirateur de « Sandrine Cadet-Rousselle » prêt à démasculiniser la langue en apprenant à ses élèves à supprimer la conjonction « que » tout en leur inculquant une langue simple et non-élitiste reposant sur les « poèmes de Grand Corps Malade et de Booba ». Guillaume n’hésite pas à dénoncer une « société corrompue par “ladroitetlextrêmedroite” » en portant un T-shirt à l’effigie du Che. Guillaume a une sœur prénommée Cécile qui est aussi quiche que lui et qui tombe dans tous les panneaux idéologiques à la mode – de la théorie du genre à l’éducation des mioches selon les dernières données presque scientifiques du pédagogisme. Le pince-sans-rire Samuel Piquet parvient à décrire des situations ubuesques comme si elles étaient normales, dans une société ayant gobé tous les délires wokistes. Et c’est très drôle !

Le Serment sur la moustache

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Alexis Legayet et Spermadiscount

Un autre écrivain s’invite parmi ces auteurs qui savent décrire avec ironie le monde sinistre qu’on nous promet. Le dernier roman d’Alexis Legayet, auteur de plusieurs « fictions romanesques à tendance loufoïde », vient de sortir. Chimères (Éditions Ovadia) s’attarde sur Lisa Grandieu, une femme d’affaires qui veut avoir un enfant avec son mari, Patrick Lieutard, mais qui « n’a ni le temps ni le désir » de le porter elle-même. Donc, extraction d’un ovule de madame, récupération du sperme de monsieur et location du ventre d’une Ukrainienne, tel est le programme que Lisa a prévu. Mais son amie Barbara lui fait connaitre l’existence de… Spermadiscount, une entreprise internationale basée en Inde qui propose une sélection de gamètes mâles issus des meilleurs spécimens physiques et intellectuels de la planète. Annabelle, une amie commune, est passée par Spermadiscount pour obtenir le sperme d’un prix Nobel plutôt que celui de son compagnon, un « maigrichon chauve à la vue défaillante », explique Barbara à Lisa, elle-même épouvantée par le début de calvitie de son mari. Résultat : Séraphin, « un jeune éphèbe, superbe, aux boucles blondes et aux yeux bleus » âgé de six ans et déjà en CM2, « magnifique, sportif, et tout et tout ». Lisa hésite, va sur le site de cette entreprise – qui « affiche ludiquement, clin d’œil taquin à l’appui » le slogan suivant : « Spermadiscount… pour toutes les bourses ! » – prend contact avec un représentant de la firme, se laisse convaincre d’acheter pour la coquette somme de 200 000 euros le sperme d’un super-méga mâle, la perle absolue, la perfection totale. Décidée à ne rien dire à son mari, Lisa devra substituer la fiole contenant le sperme de ce dernier pour le remplacer par celle contenant les gamètes de Superman. Mais… je ne vous en dirai pas plus. Sachez seulement que c’est souvent drôle et que, derrière les facéties de l’auteur, se cachent des réalités moins amusantes et d’ores et déjà présentes ou en cours de fabrication : commercialisation des corps dans le cadre de la PMA et de la GPA, catalogues quasi-eugénistes proposant différents génotypes à différents prix, recherches sur les chimères ou embryons homme-animal pouvant (largement) dépasser le stade de la seule recherche sur des thérapies nouvelles, etc. Alexis Legayet nous fait découvrir, le sourire aux lèvres, les arcanes commerciaux, scientifiques, juridiques du “meilleur des mondes” qui nous attend – grâce à des entreprises comme Spermadiscount ou Mèreportix – si nous n’y prenons garde. C’est un monde dans lequel nous avons en réalité déjà mis un pied et demi sous la pression conjointe des lobbys LGBTQIA, des associations néo-féministes, des utopistes de gauche, des intellectuels et des gouvernements progressistes, des scientifiques, des chercheurs et des médecins associés à des firmes qui espèrent un très lucratif retour sur investissement.

A lire aussi: Samuel met les woke au Piquet!

Billevesées progressistes

Patrick Lieutard, le mari de Lisa, regarde un soir sur la chaîne maastrichto-wokiste Arte un documentaire destiné à amadouer les gens qui ignorent encore ou voient d’un mauvais œil certaines expérimentations en cours : « On en profitait alors pour conspuer ceux qu’on nommait identitaires, lesquels, fantasmant une identité fixe et pure, une perfection originelle, oubliaient que notre corps était essentiellement un mélange, le produit temporaire d’un voyage inter et, à nouveau, TRANS-spécifique, sans frontières fixes ni définies. Ceci, bien entendu, relevait non seulement de la leçon de biologie, mais était une puissante leçon politique à l’encontre de ceux qui refusaient absurdement la créolisation de la vie, c’est-à-dire l’ouverture non seulement aux hommes d’autres couleurs et cultures mais aussi bien aux bêtes, aux plantes, aux champignons de toutes formes et couleurs aussi… dont ils étaient pourtant objectivement les frères, les clones et les symbiotes ». Patrick Lieutard, incrédule, sourit devant ce « film de science-fiction » dans lequel de nouvelles manipulations sur les corps alliées à de nouvelles connaissances sur la robotique sont dévoilées. Il ignore que ces fumisteries théoriques sont monnaie courante dans certains milieux universitaires et politiques imprégnés par la lecture des essais de Judith Butler (Trouble dans le genre) ou Donna Haraway (Manifeste cyborg). Il n’a sûrement entendu que d’une oreille distraite les discours du racial-créoliste Jean-Luc Mélenchon inspirés, eux, par les écrits d’Édouard Glissant. Le personnage de Chimères n’a pas lu Butler et consorts comme il n’a pas lu les délires du « philosophe » Paul B. Preciado qui « comme homme trans, [se] désidentifie de la masculinité dominante et de sa définition normative » et critique « les normes sexuelles, de genre, raciales, patriotiques » tout en désirant « aller vers une lutte transversale planétaire des corps vivants » (Entretien du 19 mars 2019 dans le journal comateux Libération). Alexis Legayet, si. Professeur de philosophie, l’écrivain expose facétieusement le projet transhumaniste pour en adoucir l’horreur ; il décrit des situations cocasses dans lesquelles transparaissent pourtant les conséquences de ce projet qui pourrait voir advenir le pire des mondes, celui que l’on nous promet au nom du progrès « qu’on n’arrête pas », de l’émancipation, de la science, de la libération du corps des femmes (quelle ironie !) et autres billevesées. L’humain se voit supplanté par des processus technologiques et mercantiles qui s’attaquent au dernier lieu que l’on croyait sacré et qui devient exploitable comme le reste, le corps lui-même. Le progressiste Empire du Bien étend son règne sur ce dernier carré de résistance en le transformant. Il ne s’arrêtera peut-être pas là, prédit Alexis Legayet dans son roman. Lors d’une conversation entre le président de la République et un de ses conseillers, le trans-spécisme est concrètement évoqué. La réalité dépassant de plus en plus souvent la fiction, nous apprenons récemment qu’une transgenre américaine dénommée Naia Okami s’identifie « spirituellement et psychologiquement » à un loup de Colombie-Britannique et hurle à la mort certains soirs de pleine lune. Autant dire qu’Alexis Legayet ne devrait pas peiner, dans les prochaines années, à trouver matière pour écrire une suite à son dernier roman, suite qui ne pourra être elle aussi qu’à « tendance loufoïde ».

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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