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Cendrillon volcanique 

"La Cenerentola", de Rossini, au Palais Garnier


Cendrillon volcanique 
© Julien Benhamou / Opéra national de Paris

La Cenerentola, opéra de Rossini, mis en scène par Guillaume Gallienne, à l’Opéra Garnier à partir du 14 septembre.


A Rome en 1817, à peine un an après le Barbier de Séville, c’est un compositeur âgé de moins de 30 ans qui donne La Cenerentola, adaptation lyrique du conte de Perrault, sur un livret de Jacopo Ferretti. Star internationale, célébrée de Londres à Naples, de Vienne à Paris ou Moscou, comme il le sera bientôt à New-York, le jeune Rossini a déjà écrit 19 opéras ! Quand, en 1824 paraît la Vie de Rossini sous la plume de Stendhal, son génie prolifique lui a inspiré quatorze partitions d’opéra supplémentaires.

Une Cendrillon des temps modernes  

Des fééries du Cendrillon original, Rossini ne retient rien. Ni pantoufle en verre, ni marraine ni marâtre, ni citrouille, ni carrosse, ni songe – même Cendrillon se voit prosaïquement dotée d’un prénom : Angelina. Le marivaudage prend le pas sur la magie, le réalisme social sur l’imaginaire du conte, et même un certain burlesque mâtiné de discrète amertume, sur la mécanique irrationnelle de la fable et ses attributs. 

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Reprise de la première scénographie lyrique de l’acteur et star de cinéma Guillaume Gallienne, en 2017, sur des décors d’Eric Ruf (tout juste reconduit, quant à lui, pour un troisième mandat à la tête de la Comédie française, il se prépare à scénographier La Bohême, l’opéra de Puccini, au Théâtre des Champs-Elysées, en juin 2023, avec des costumes signés Christian Lacroix), le plateau évoque un palais décati qu’une coulée volcanique a reteint en rouge, à demi englouti dans un sol de lave durcie, grisâtre, instable et périlleux. Parti pris plastiquement assez moche, il faut bien le dire, mais dont le principe n’a rien d’absurde en soi, tant la cendre se répand, dans le nom même de « Cendrillon », et jusque dans le livret de La Cenerentola – littéralement, « la cendreuse » – qui fait, à la malheureuse et sainte Angelina, entonner cette complainte : « Ah ! suis-je donc condamnée/ à passer ma vie au milieu des cendres ? ».  

© Julien Benhamou / Opéra national de Paris

Œuvre éruptive s’il en est, ce merveilleux opéra, si féroce, si drôle, si enjoué, à la partition si éclatante, est essentiellement servi, à présent, sous l’énergique baquette du Vénézuélien Diego Matheuz (qui dirige à l’Opéra de Paris pour la première fois), par une distribution hors pair. À commencer par le ténor russe Dmitry Korchak dans le rôle de Don Ramiro. Sans compter les voix napolitaines : basse Carlo Lepore qui campe Don Magnifico, le père indigne ; baryton Vito Priante, en valet Dandini endimanché dans un costume noir de péquenot, chemise blanche à col ouvert – une très bonne idée scénaristique (dans ce rôle que tenait auparavant Florian Sampey).  

Gaëlle Arquez ovationnée

Mais surtout, surtout, faisant suite à Marianne Crebessa pour incarner Cendrillon/ Angelina, la fantastique, resplendissante mezzo Gaëlle Arquez. De Cosi fan Tutte (Dorabella) à Werther (Charlotte), d’Iphigénie en Tauride, de Gluck, à Giulio Cesare, de Haendel (deux productions du Théâtre des Champs-Élysées, dont elle est une habituée) jusqu’au Conte Ory, de Rossini, encore, où elle campait Isolier à l’Opéra- Comique il y a quatre ans –  Gaëlle Arquez semble décidément capable de tout chanter, vraiment. 

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Avec la même intensité, le même magnétisme, la même capiteuse sensualité.  Une tessiture à l’ambitus stupéfiant allie, chez elle, la rondeur caverneuse et charnue des graves, à la projection formidable d’aigus ciselés comme de l’argent, dans la trame d’un vibrato impeccable dont sa maîtrise technique superlative orne les trilles, roulades et autres vocalises virtuoses du bel canto, ici dans son âge d’or. À elle seule, cette prouesse mérite le déplacement. Au soir de la première, le public du Palais-Garnier ne s’y est pas trompé, qui a ovationné la jeune et sublime diva par une dizaine de rappels.

Vie de Rossini

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La Cenerentola (1817). Dramma giocoso en deux actes de Gioachino Rossini. Livret Jacopo Ferretti. D’après Cendrillon, de Charles Perrault.

Direction : Diago Matheuz. Mise en scène : Guillaume Gallienne. Décors : Eric Ruf. 

Palais-Garnier, les 14, 17, 27, 29 septembre ; 3, 5, 7 octobre – 19h30. 25 sept., 9 oct.  – 14h30



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