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Syrie : L’UMP et le PS sont-ils devenus néoconservateurs ?


Syrie : L’UMP et le PS sont-ils devenus néoconservateurs ?

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« Comment le virus néoconservateur a-t-il pu gagner ainsi tous les esprits ? » s’interrogeait Dominique de Villepin au moment de l’intervention française au Mali. Se doutait-il que quelques mois plus tard notre gouvernement appellerait à frapper la Syrie avec le soutien enthousiaste de l’UMP ?

En matière de politique étrangère, ce « virus néoconservateur » juge bienfondée l’ingérence d’un Etat démocratique dans les affaires d’un pays irrespectueux des droits de l’homme. Cette maladie n’a pas encore atteint tous les citoyens français : si 45% d’entre eux se disent favorables à une intervention armée contre la Syrie, pas moins de 40% s’y opposent. Les deux « gros » partis français, eux, semblent s’être laissés dompter par cette idéologie néoconservatrice. Il y a dix ans, un gouvernement de droite refusait, avec la solidarité du premier parti de gauche, de renverser par la force un gouvernement étranger accusé fallacieusement de détenir des armes de destruction massive. Aujourd’hui, un gouvernement de gauche, avec le soutien du premier parti de droite, se dit prêt à bombarder un régime étranger, pour cause de bombardement chimique dont la nature n’a pas encore été prouvée par les experts de l’ONU.

En France – contrairement, par exemple, au Japon – les relations internationales ne font pas l’objet d’un clivage droite-gauche. Il n’existe pas de politique étrangère estampillée « UMP », ni de politique étrangère marquée « PS ». Chacune des principales formations de gauche et de droite sont parcourues par deux lignes de conduite des affaires extérieures : la ligne « atlantiste », et celle que les ouvrages universitaires et médias qualifient de « gaullo-mitterrandiste ». Les partisans de cette dernière prônent, schématiquement, l’autonomie de la France vis-à-vis de l’hyperpuissance américaine et un soutien aux revendications des pays du « Sud ».

Sans doute par sympathie pour le messianisme démocratique perpétué par l’administration américaine, certains intellectuels français, finissent par épouser des positions néoconservatrices : Alain Madelin, BHL, Guy Millière ou encore Alexandre Adler font ainsi de la guerre humanitaire un idéal.

En 2003 le « gaullo-mitterrandisme » de Chirac semblait faire consensus chez les deux grands partis français : l’aura du président de la République et la fidélité de l’UMP à son gouvernement étouffaient l’atlantisme à droite, tandis que le tropisme néoconservateur de la gauche se voyait laminé par l’impopularité de Bush. Obama rendit tolérable, pour une gauche française en mal d’icônes universelles, une politique étrangère dans les faits peu différente de celle de son prédécesseur. À droite, Sarkozy « l’Américain » se chargea d’éradiquer les vestiges des fantasmes gaulliens. Ainsi, Alain Juppé, le doyen gaulliste, se fit le héraut de la croisade anti-Kadhafi lorsque Nicolas Sarkozy lui confia le quai d’Orsay. Depuis, ses convictions interventionnistes ne cessent de croître : le même homme qui, en 2003, soutenait à la tête de l’UMP le parti-pris non-interventionniste de Jacques Chirac, appelle aujourd’hui, aux côtés de Bernard Kouchner et BHL, à violer la souveraineté syrienne à coups de missiles ! François Fillon, qui aime également se dire gaulliste, semble avoir perdu ses repères. Les deux têtes de l’UMP – Copé et Fillon – ont formulé un soutien commun, bien que modéré, aux appels à « punir » la Syrie du président Hollande. Les voix qui se sont élevées, à droite, contre un tel projet sont plutôt marginales (Longuet et Marini) ou extérieures à l’UMP (en plus d’être marginales) : Dupont-Aignan ou Frank Margain (Parti chrétien-démocrate). À gauche, le Parti socialiste, logiquement, approuve les vues du président. Bien plus lourd de signification pour le PS : Laurent Fabius, traditionnellement décrit comme le contrepoids idéologique au néoconservatisme de Moscovici, envisage désormais, en ministre des Affaires étrangères qu’il est, l’usage de la force contre la Syrie. Les discours pacifistes aux saveurs antiimpérialistes, dont la gauche a le secret, ont été relégués hors des frontières du parti, du côté de chez Mélenchon.

La tactique de l’écran de fumée masque les « vrais problèmes » du chômage et du déficit public. Toutefois, la conversion du gaulliste Juppé et du souverainiste Fabius à l’idée de guerre humanitaire témoigne d’un climat idéologique plutôt neuf à l’UMP et au PS. Dans les cas de Juppé et de Fabius, mais également de Fillon, cet esprit de paladin ne peut même pas s’expliquer par quelque admiration ou docilité à l’égard de l’oncle Sam. Ces hommes politiques sont devenus néoconservateurs sans être atlantistes. Ils font du zèle dans l’interventionnisme armé au nom des droits de l’Homme, veulent être en avance sur l’agenda néoconservateur des Américains. Comme s’ils adhéraient sincèrement à une telle politique étrangère – même lorsqu’elle semble condamnée à l’échec. Trouver des explications moins avouables à cette posture interventionniste est difficile : on ne voit guère, en effet, quels froids intérêts aurait la France à tenter l’aventure syrienne.

 

 

 



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Journaliste . Il est, également, rédacteur chez Webedia. Il a, notamment, collaboré pour Valeurs Actuelles, L'Express et La Croix.

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