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Guerre en Syrie : encore une ?


Guerre en Syrie : encore une ?

norman mailer syrie

Pourquoi sommes nous au Vietnam ? demandait Norman Mailer dans le titre d’un de ses grands romans paru en 1967. Il n’y était pas question du Vietnam, qui pourtant battait son plein, mais d’une partie de chasse racontée d’une manière incroyablement brutale et hallucinée, dont les principaux protagonistes étaient un père et un fils issus de la haute société de Dallas. Obsession des armes, de la virilité, désir de retrouver un contact primitif et même sauvage avec la nature comme reflet de la vie américaine elle-même. Et Mailer concluait son roman de cette façon : « Réfléchis, Amérique à tête de cul et médite un peu sur ton con. Peut-être comprendras-tu pourquoi nous sommes au Vietnam. » On ne saurait mieux faire comprendre qu’une guerre menée par un pays loin de ses frontières n’est pas forcément dictée par de grands idéaux, droits de l’homme, lutte contre le communisme totalitaire, ou même par des considérations géopolitiques rationnelles, mais par quelque chose d’obscur qui s’apparente à la pulsion. On peut faire la guerre pour oublier qu’on ne va pas bien, que notre société s’embourbe dans la désespérance sociale, économique et qu’on est en pleine névrose collective.

C’est un petit peu l’impression que j’ai ressentie en apprenant que les USA, la Grande Bretagne et la France décidément atlantisée jusqu’à l’os depuis son retour dans l’Otan, ont décidé, alors que la mission de l’ONU n’est même pas terminée, de bombarder la Syrie.

Daoud Boughezala a  montré que cette opération a toutes les chances d’être un écran de fumée dont les auteurs eux-mêmes espèrent que ça ne bouscule pas trop la situation sur place.

Il n’empêche, à voir la joie mauvaise des experts militaires ou non qui se précipitent sur les plateaux, l’excitation médiatique qui règne comme une électricité malsaine, on comprend bien que la guerre, ça occupe et ça fait du bien. Surtout quand on vient d’annoncer une énième réforme des retraites qui se résume à une baisse du pouvoir d’achat des salariés.

En fait, on fait la guerre tout le temps, du côté de l’Occident et en particulier du triumvirat militaire USA-GB-France. Ça en devient une habitude.

Je suis né en 1964. Entre 1964 et 1990, à part les paras sur Kolwezi et l’engagement de casques bleus français au Liban, avec la tragédie du Drakkar, je n’ai pas le souvenir que l’on partait en guerre à tout bout de champ.

Depuis 1990, ça n’arrête plus.

Irak (avec un match retour à 12 ans d’intervalle), Yougoslavie, Kosovo, Afghanistan, Libye et maintenant Syrie. Vraiment ? Vous remarquerez que je mets le Mali à part, au Mali, la France a fait la guerre pour préserver une zone d’influence et sauver la population d’une dictature islamique alors que je n’ai pas l’impression que la Libye, l’Afghanistan ou même l’Irak soient en passe de devenir des démocraties multipartites avec alcool en terrasse des bistrots et femmes nues à la téloche.

Il faut dire qu’en plus, pendant toutes ces années, un dispositif politico-médiatique néoconservateur  a substitué à la peur du communisme le choc des civilisations et la lutte du Bien contre le Mal, célébré par des intellectuels autoproclamés chefs militaires. Il est du coup très difficile de vouloir même nuancer ce bel élan moral vers des carnages et des lendemains qui déchantent. Objectivement, calmement, même dans une perspective de guerre contre le terrorisme et contre l’axe du mal, l’Irak, c’était mieux avant ou après les deux conflits ? Et l’Afghanistan ? Et la Libye ? Si le Bien consiste à remplacer des bouchers par des fous furieux ou vice-versa, et qui sont tout aussi menaçants pour leurs propres populations et à notre égard, moi, j’aime mieux le Mal, quitte à me faire traiter de munichois.

Oui, décidément, il est dommage que Norman Mailer soit mort. Il aurait peut-être répondu à cette question simple : Pourquoi sommes nous en Syrie ? Je crains que les réponses implicites du roman de 67 ne soient les mêmes aujourd’hui. Parce que nous n’allons pas bien dans nos sociétés et que nous sommes aussi violents que trouillards, malades que brutaux.

Le pire des mélanges qui soit.



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