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Jacques Prévert paysagiste

Le poème du dimanche


Jacques Prévert paysagiste
Jacques Prevert assiste a une corrida dans le sud de la France en 1958 © DALMAS/SIPA

Le poème du dimanche


Il faut parfois confesser ses errements littéraires ou ses taches de sang intellectuelles dont Lautréamont disait que toute l’eau de la mer ne suffirait pas à les effacer. En ce qui concerne Jacques Prévert, j’ai été ainsi été assez stupide, snob, arrogant au moins jusqu’à trente ans, pour avoir dit de Prévert qu’il était un poète facile, scolaire, niaiseux. Je n’aimais pas son anticléricalisme rabique à usage des athées en carton-pâte ou son antimilitarisme niaiseux pour flatter, c’est humain, sa clientèle de centre-gauche, je trouvais qu’il appartenait à une panoplie idéologique trop évidente, celle de la bonne conscience progressiste à usage des enfants sages qui rêvent de révolution à condition qu’elle reste sur le papier.

Je préférais l’Aragon surréaliste et ses provocations staliniennes sur la Guépéou qui m’amusaient (et qui m’amusent toujours) ou celui du communisme lyrique qui retrouve le vers classique pour célébrer la France libérée : « Je vous salue, ma France aux yeux de tourterelle ».

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Et puis un jour, il y a un quart de siècle, au hasard d’une bibliothèque dans une location au bord de mer, je suis tombé sur plusieurs recueils de Prévert, ceux édités par le Livre de poche avec des couvertures qui reprenaient les merveilleux graffitis de son ami Brassaï. Et tout a changé. Il fallait juste que les yeux et l’esprit se dessillent pour s’apercevoir que Jacques Prévert valait infiniment mieux que sa légende officielle, qu’il était un très grand poète de langue française, tout simplement, et qu’on donnerait tout pour trouver ce ton-là, à la transparence parfaite, au naturel si travaillé quand nous vient, à notre tour, l’idée d’écrire un poème.


« Bien sûr
c’est un paysage de Bretagne
un paysage sans roses roses
sans roses rouges
un paysage gris sans petit gris
un paysage sans chinois sans oiseau paradis
Mais il me plaît ce paysage-là
et je peux bien lui faire cadeau de tout cela
Cela n’a pas d’importance n’est-ce pas
et puis peut être que ça lui plaît
à ce paysage-là
La plus belle fille du monde
ne peut donner que ce qu’elle a
La plus belle fille du monde
je la place aussi dans ce paysage-là
et elle s’y trouve bien. »

Extrait de « Couleur locale » in Spectacle



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