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L’islamo-catholicisme de Patrick Buisson

Le réactionnaire trouve plus respectable l'ennemi héréditaire depuis Poitiers que son compatriote hédoniste et mécréant


L’islamo-catholicisme de Patrick Buisson
Patrick Buisson (1949-2023) © Hannah ASSOULINE

Ce qui inquiète Patrick Buisson, ce ne sont pas les territoires perdus de la République mais les valeurs perdues de la France chrétienne. Quand il affirme avoir « plus de respect pour une femme voilée que pour une lolita en string », l’essayiste réactionnaire aurait-il, avec la société libérale, un problème d’assimilation?


J’ai bien failli emporter le livre de Patrick Buisson en vacances et puis je me suis ravisé. Pour ne pas contrarier mes érections estivales, je lui ai préféré Sexus d’Henry Miller et Le Démon d’Hubert Selby, car les aventures de ces foutus baiseurs sont mieux assorties à ma libido par 28 degrés à l’ombre que les analyses du réactionnaire catholique sur les causes du déclin français.

C’est un monde, quand même!

Ce n’est donc pas dans l’essai du nostalgique de la messe en latin que j’ai trouvé matière à contestation mais dans les petites phrases de sa promo, dont certaines rappellent un peu les formules les plus limites de Philippe Muray quand celui-ci écrivait une lettre ouverte à « ses chers djihadistes ». Comme celles-ci : « J’ai plus de respect pour une femme voilée que pour une lolita en string de treize ans. J’ai plus de respect pour un musulman qui fait sa prière cinq fois par jour que pour le bobo écolo en trottinette. » Ça sonne comme du Soral, mais c’est du Buisson. Le théoricien du « c’était mieux avant Vatican 2 » a fait son choix. Il trouve le mahométan rigoriste et ennemi héréditaire depuis Poitiers plus respectable que son compatriote hédoniste et mécréant. En 40, certains Français se réjouissaient du retour du maréchal flanqué d’évêques revanchards et s’inclinaient au passage des Allemands en attribuant la défaite au laxisme de la sociale, au relâchement des mœurs et au recul du catholicisme. Aujourd’hui, d’autres (ou les mêmes) se régalent avec La Fin d’un monde de Patrick Buisson.

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Je peux éprouver une certaine sympathie pour le croyant inoffensif, pour l’illuminé qui clame que Jésus sauve et que Dieu aime ses enfants, même pécheurs, même infidèles, pour le type qui croit que depuis son nuage, une vieille barbe le regarde, même quand il se branle. La même petite tendresse que pour un enfant de 6 ans qui croit au Père Noël, et qui a ses raisons car il y a chaque année plus de cadeaux sous les sapins que d’aveugles paralytiques qui reviennent de Lourdes bon pied bon œil. Mais je n’ai pas plus de respect pour le type qui se tourne vers La Mecque cinq fois par jour que lui-même n’en a pour le juif infidèle libre penseur blasphémateur fornicateur et amateur de jambon-beurre, comme pour à peu près tout ce qui n’est pas hallal. Si la religion de Mahomet n’avait que quelques milliers d’adeptes dans le monde, elle serait sans doute interdite et traquée comme une secte dangereuse. Mais avec plus d’un milliard d’individus et une cinquantaine d’États dont certains sont pétroliers, elle force au respect comme un caïd en banlieue. Étant attaché à la liberté, l’égalité et la fraternité, je suis humaniste, français, et donc islamophobe.

Même après une victoire électorale d’Anne Hidalgo, il me reste plus d’estime pour le bobo immigrationniste de centre-ville, donneur de leçons antiracistes et planqué à l’abri des populations qui ont islamisé sa banlieue, que pour le fanatique qui communie à la mosquée en se jetant par terre et en récitant des appels au meurtre sacrés. Même après une conférence de presse d’Assa Traoré, j’ai plus d’affinités avec un avocat antiraciste qui va au cabinet en baskets et en trottinette, et qui traîne Zemmour au tribunal qu’avec un fou d’Allah qui le menace de mort et l’oblige à vivre sous protection policière. Même après une chronique de Claude Askolovitch, je préfère le voisinage d’un animateur de France Inter ou d’un journaliste de L’Obs à celui d’un observant de la religion de « paix et de tolérance » que son opium du peuple peut transformer en homophobe agressif et dangereux.

Plutôt pute de luxe que boudin hallal et aigre

Si à 13 ans et en string, ma fille avait été séduite par un écrivain quinquagénaire et libidineux, soixante-huitard et germanopratin, j’aurais été vigilant. Mais pas aussi désespéré que si elle s’était amourachée d’un voyou (ou d’un étudiant en médecine) qui fait sa prière cinq fois par jour et qu’elle avait gâché sa jeunesse dans la piété en tournant le dos à la mode, aux jeux de l’amour et à la liberté. J’aurais pu me faire à l’idée qu’elle projette de devenir pute de luxe ou starlette du porno mais je n’aurais pas supporté de la voir disparaître enceinte derrière un barbu et sous un voile, réservée à un usage exclusif et domestique, privée d’amis et d’amants, de coiffeur, de vernis, de parfum, de bijoux, de galanteries et de coquetteries haram, pour devenir avec le temps un boudin hallal aigre et rassis. J’aurais fini par accepter qu’elle me ramène un petit copain écolo climato-trouillard à trottinette qui roule électrique, trie ses déchets, consomme équitable, mange bio et chie dans la sciure, un végan bien woke qui fait du yoga et voit un psy. J’aurais avalé mon chapeau si elle s’était mise à la colle avec une grosse lesbienne aux cheveux bleus et aux nichons percés qui m’aurait craché mon patriarcat à la gueule. Mais j’aurais opposé une résistance farouche si elle s’était maquée avec un fils d’Allah trop religieux pour toucher sa femme quand elle est « impure », qui aurait élevé mes petits-enfants dans l’intolérance pour les délurées qui divorcent et avortent comme pour les esthètes qui s’enculent, en les privant de tout ce qui est bon, du pinard au saucisson, en voilant ses filles et en initiant ses garçons à l’égorgement du mouton.

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Manifestement, Patrick Buisson a d’autres préférences. L’islamo-catholique appartient à l’internationale des coincés du cul plus qu’à la France libre, libertine et libérée de Dom Juan, du marquis de Sade, de Colette ou de Françoise Sagan. Pour le nostalgique de la virginité avant le mariage, les choses ont mal tourné quand les Français ont cessé de craindre Dieu, exigé des curés qu’ils arrêtent de s’occuper de leurs fesses et commencé à loucher sur le décolleté de Marianne, cette gueuse. C’est son opinion et son droit, Buisson étant un authentique réactionnaire. Mais on peut se demander jusqu’où ses affinités entraînent le spin doctor de la réaco-cathosphère. A-t-il moins de respect pour la jeunesse sans dieu ni maître qui se drague en terrasse que pour celle qui l’assassine au nom de son prophète de malheur et de sa religion, la plus con du monde, selon Houellebecq ? A-t-il plus de respect pour le Tchétchène assassin et pour le collégien indic parce que coreligionnaire que pour le professeur qui enseigne la laïcité en territoire hostile ? A-t-il moins de respect pour Mila qui sauve l’honneur français par le blasphème dans un monde de trouillards que pour les milliers de lâches qui la menacent ou qui l’oublient ? A-t-il plus de respect pour Fofana, Merah et les frères Kouachi que pour Charb, Cabu et Wolinski ?

Mila et son avocat Richard Malka, à leur arrivée au Palais de justice de Paris, 3 juin 2021. © Bertrand GUAY / AFP

Y’a plus de respect

Si le cul-bénit devait coacher le prochain candidat de la droite pour la présidentielle, comme il avait conseillé Sarkozy en 2007, on peut imaginer les solutions qu’il proposerait pour sauver le pays du déclin libéral et restaurer l’ordre moral après les dégâts de 1789, de 1905 ou de Mai 68. Peut-être conseillerait-il, pour réduire le nombre de crimes sexuels qui explose tandis que les prisons se remplissent de délinquants qui font leur prière cinq fois par jour, non pas d’élargir les trottoirs à La Chapelle, solution de gauche, mais de légiférer sur la taille des culottes des jeunes filles. Peut-être préconiserait-il d’accorder la nationalité française aux talibans qui font leur prière cinq fois par jour et qui sauraient remettre sur le droit chemin de la foi et de la loi les petites dévergondées de 13 ans qui portent des strings. Peut-être demanderait-il que l’on accorde la naturalisation à quelques millions de Turcs qui font leur prière cinq fois par jour et qui défendent parfois par le crime, l’honneur de la famille quand il est bafoué par le libre choix de son amoureux. Évidemment, l’arrivée sur notre sol par l’effet du regroupement familial et par millions des épouses voilées de tous ces nouveaux Français catholico-compatibles pourrait rendre au pays la respectabilité qu’il a perdue en même temps que ses repères, ses valeurs, ses bondieuseries et ses dessous décents.

J’espère pourtant que les Français choisiront une autre voie que celle de l’islamo-catholicisme. Je conseille donc à Monsieur Buisson de demander l’asile politique là où les jeunes filles en fleur vivent à l’ombre et les homosexuels dans la terreur mais où l’on « respecte la famille ». Si nos débauches l’indisposent, qu’il quitte le pays de Brigitte Bardot pour incompatibilité de mœurs, et aille se réfugier chez les bigots de son choix, chez ceux pour qui il a le plus de respect.

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Septembre 2021 – Causeur #93

Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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