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Colette, le vrai génie lesbien

Un documentaire sur Arte retrace la vie d'une sacrée hédoniste


Colette, le vrai génie lesbien
Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette (1873 - 1954) © MARY EVANS/SIPA

La programmation d’été sur Arte TV commence de manière gouleyante, avec la grande et scandaleuse Colette, à travers un documentaire: Colette, l’insoumise que l’on peut voir en replay jusqu’au 7 novembre. 


Il s’agit d’une reconstitution de sa vie, pour le moins agitée, à travers une narration façon film muet Belle Epoque et des images d’archives. 

Une carrière de scandaleuse

Sidonie-Gabrielle Colette est née le 26 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye. Fruit de la deuxième union de sa mère tant aimée, Sido, avec le Capitaine Colette, un militaire doux rêveur. Elle vécut une enfance choyée sous le signe de l’amour inconditionnel que sa mère lui portait. Elle l’appelait « mon joyau tout en or ». L’amour d’une mère, cela vous fortifie pour l’éternité. Elle lui apprit aussi à regarder. Tout, la nature, les chenilles aux poils dorés, les fleurs, les chats. Plus tard, Colette sera l’écrivain des sens. Et particulièrement du regard. Son style, précis et sans fioritures est parsemé de petits détails, une façon unique à la fois proustienne et impressionniste de camper un décor. 

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Sa carrière d’écrivain, elle la doit bien sûr à son premier mari, Willy, épousé à vingt ans. C’est un critique musical qui a un petit business d’édition de romans populaires. Il repère vite son talent et lui fait écrire la série des Claudine qu’il co-signera. Elle rapporte cette anecdote savoureuse : Willy finalement peu intéressé, avait mis de côté les manuscrits, et retombe dessus un beau jour : « Bon dieu que j’ai été con ! » s’exclame-t-il. Le tout raconté avec son fameux accent bourguignon. 

Willy lance également, malgré lui, sa carrière de scandaleuse. En effet, il la trompe, alors elle fait de même. Mais avec des femmes. S’il existe un « génie lesbien » comme le dit Alice Coffin, c’est bien celui de Colette.

Une modernité sidérante

Après sa séparation d’avec son mentor, elle enchaîne les conquêtes féminines, notamment Mathilde de Mornay, dite Missy, et Natalie Clifford Barney. Avec Missy, elle se lance dans la pantomime, toute en jeux érotiques suggérés et peaux de panthère. Du burlesque avant l’heure. D’ailleurs, le film Tournée, de Mathieu Amalric qui met en scène une troupe de danseuses burlesques est inspiré d’une de ses nouvelles : En tournée. Elle fut toujours d’une modernité sidérante, une dévoreuse de mots et de la vie qui faisait fi de la morale. Simplement guidée par sa force vitale de jouisseuse. 

Elle n’a jamais rien revendiqué – on le lui a d’ailleurs souvent reproché – suivant ses envies et ce que la vie mettait sur son chemin. Ce fut le journalisme lorsqu’elle rencontra son deuxième mari Henry de Jouvenel, rédacteur en chef du Matin, le reportage de guerre pendant la guerre de 14, et même à la fin de sa vie, la fabrication de cosmétiques. On la dit féministe ?  Que nenni ! Elle eut cette sortie à propos des suffragettes : « Savez-vous ce qu’elles méritent les suffragettes ? Le fouet et le harem ! ».  

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Et elle fut, bien évidemment, la plus emblématique des « cougars ». Alors qu’elle a plus de quarante ans, elle entame une relation avec son beau-fils, Bertrand de Jouvenel, qui avait seize ans, et ce fut, dit-elle, son plus grand amour. Pour cette acharnée de l’écriture – il fallait bien qu’elle gagne sa vie – disait-elle, la fiction a précédé la réalité, se sont entremêlées, puisqu’elle écrivit Chéri, qui traite des amours d’une femme de cinquante avec un jeune homme, avant sa liaison avec son beau-fils. Cette liaison, elle la relatera ensuite dans Le blé en herbes. 

Une pionnière de l’autofiction

L’autofiction, ce genre littéraire maintenant tant décrié, à tort à mon sens, Colette en fut l’inventeur. En effet, Serge Doubrovski, qui la théorisa, considère Colette comme une pionnière du genre. « Dans la Naissance du jour écrit en 1928, on trouve un personnage de femme âgée qui s’appelle Colette, ensuite on apprend qu’elle a écrit les Claudine. Bref, elle s’est mise en scène comme le personnage d’un roman écrit par Colette sur Colette ». 

Sa vie encapsule toute la première moitié du XXeme siècle, sa liberté, son tourbillon et ses excès. Elle a aussi, bien sûr, ses parts d’ombre. Elle écrit pour des journaux collaborationnistes pendant l’Occupation, et elle, qui fut follement aimée par sa mère, fut une mère distraite, mais finalement encore une fois un précurseur, puisqu’elle mit au monde Bel-Gazou à plus de quarante ans. Elle fait fi également des années qui passent, et qui n’entament pas son sexappeal. 

Elle que « la mort n’intéressait pas » eut droit à des funérailles nationales, couverte de titres honorifiques. On pense à cette autre femme écrivain majeure du XXeme siècle que fut Sagan, qui elle, mourut dans la misère et la toxicomanie, sa « petite musique » n’ayant pas suffi à éloigner les démons. Sagan la mélancolique, Colette la dionysiaque. 

Colette, l’insoumise, un film de Cécile Denjean (2017), à voir sur arte

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Chéri

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est enseignante.

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