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L’Eglise new-look, c’est pas cool


L’Eglise new-look, c’est pas cool

eglise cure bourgogne

L’autre jour, dans mon village bourguignon, nous avons enterré un pote.

Et mon curé n’a pas souhaité célébrer l’office des funérailles. (Quand je dis « mon curé », c’est façon de parler. Fils impénitent, bien qu’intermittent, de la « maison mère », bref, du tronc qui a engendré le rameau du Christ, du « verus verus Israël » légitimé, après des siècles, par l’Église, je n’en tiens pas moins, dur comme fer, au curé de la paroisse.)

Mon curé, je peux le comprendre : par ces temps de pénurie des vocations, il doit courir d’une paroisse à l’autre pour pourvoir aux services spirituels de tout un canton.

Mais non, ce n’est pas la véritable raison. Mon curé, jeune prêtre frais émoulu du séminaire, fort docte au demeurant, redoutable dialecticien, préfère « l’Église de la vie », non « l’Église self-service », selon ses termes.[access capability= »lire_inedits »]

Du coup, on a tiré de sa retraite le vieux curé, plus que nonagénaire, qui s’est acquitté de son sacerdoce avec une bonne volonté digne d’éloges.

Non que mon pote fût particulièrement dévot, et même, je me souviens de tirades fort peu chrétiennes dans sa bouche. Mais baptisé il fut, baptisé donc, il mourut. Ce que le sage prêtre eut l’ingéniosité d’avancer pour se tirer d’un éloge funèbre un peu compliqué (ce qui me mit en mémoire la ritournelle de plus d’un rabbin, maintes fois entendue : « Je n’ai pas connu le défunt, mais, à en juger par la foule qui l’entoure pour son dernier voyage, c’était un homme de bien… » Ça ne mange pas de pain, et ça fait toujours plaisir aux survivants.)

La foule qui accompagnait mon pote, famille, amis, habitants du village, elle aussi, avait besoin de ce rite immémorial. Certains signes de croix ne trompent pas. On naît, on est baptisé, on fait sa communion (le cas échéant), on se marie (de moins en moins souvent) et on meurt dans l’église de son coin. Qu’on appelle cela « christianisme sociologique » ou non, il tient encore au corps de la France.

Pour ma part, outre l’hommage rendu à un ami, j’aime beaucoup les célébrations d’église. Rien de pervers là-dedans, pour peu que l’Église sache me renvoyer l’écho des siècles de beauté qu’elle a su dispenser. Oui, je l’avoue, ses ors et ses pompes me plaisent.

Patatras ! La nouvelle liturgie est un tue-l’amour théologique, esthétique, émotionnel. Ainsi, depuis que le curé sert la messe face aux fidèles, les nouveaux autels sont d’une laideur effarante : le plus souvent, du teck-torturé-biscornu-moderne-kitsch-accueillant-non-clivant… Du Le Corbusier mal dégluti. Du vintage années 1970, même pas digne d’une sous-FIAC ecclésiastique.

Quant à l’office… Voix aigrelettes de chaisières essoufflées, textes anémiques en français sur des airs de colonies de vacances et, pis, le massacre du « Notre Père ». Passe encore pour le tutoiement… Mais pourquoi, diable (pardon !), avoir changé le « vienne » en « arrive », le « pain quotidien » en « pain de ce jour » ? Et être « soumis à la tentation » est-il plus hype que « succomber à la tentation » ?

Le coup de grâce (si j’ose dire) : le chant Ce n’est n’est qu’un au-revoir, mon frère, entonné au moment du départ de la bière vers le cimetière. Soudain, je me suis revu, en culottes courtes, foulard au cou, chapeau de brousse sur le crâne, dans un lointain jamboree scout où nous bramions cet hymne, les larmes aux yeux.

La tradition catholique a-t-elle produit tant de chefs-d’œuvre pour voir son répertoire réduit à ces mômeries ? Décidément, à force de vouloir rattraper son siècle, l’Église a liquidé ceux, glorieux, de son histoire.

Et encore, je n’évoque pas ici la querelle lilliputienne des cloches qui a agité, cet été, notre village. Une nouvelle arrivante, se disant incommodée par leur sonnerie matinale, a réussi à les faire taire, avec l’agrément de notre nouveau curé (« Les cloches sont faites pour rassembler, non pour diviser », s’est-il dédouané benoîtement en abandonnant la décision au maire). Nous n’avons dû qu’à un début de jacquerie de la population, athées et mécréants en tête, le rétablissement de nos chères cloches.

Le marketing new age, pop voire hip-hop, convivial, et l’éloge insatiable du « partage » ne sauveront pas l’Église. En l’occurrence, c’est comme au football : pour gagner, pour ne pas être relégué dans une division inférieure, il faut s’en tenir aux fondamentaux.[/access]

*Photo : Bourguiboeuf.

Décembre 2012 . N°54

Article extrait du Magazine Causeur



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est ancien correspondant de Libération en Israël.

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