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Ciel, mon OVNI(s)!


Ciel, mon OVNI(s)!
Melvil Poupaud dans la série "Ovni(s)" sur Canal + © NICOLAS VELTER / MONTEBELLO PRODUCTIONS / CANAL+

La série rétro-ufologique diffusée en janvier sur Canal + est désormais visible en DVD


Il y a des signes qui troublent même les chroniqueurs les plus cartésiens, les plus attachés à la Terre ferme. J’ai beau être habitué aux apparitions étranges et aux phénomènes inexpliqués. Quand on est né, comme moi, dans le Berry où la sorcellerie et l’ufologie font bon ménage, où les veillées sont propices à une certaine distorsion du temps, on n’en demeure pas moins secoué par une série d’événements perturbants. Et je ne parle pas ici du virus.

Même pour ceux qui fuient la SF

Ça a commencé par des lectures, chez moi, l’écrit, l’imprimé papier est toujours annonciateur de modifications psychologiques profondes. Alors que je fuis la science-fiction depuis l’adolescence, me méfie de l’uchronie et du fantastique comme support à l’imaginaire, je me suis mis à acheter des dizaines de Folio SF ainsi que de Présence du futur chez Gibert et les bouquinistes des quais de Seine. Fin décembre, j’avais lu toute l’œuvre de Ray Bradbury et de Jacques Sternberg.

Du croquignolesque qui finit par émouvoir

Moi qui n’atteins d’habitude la jouissance littéraire qu’avec mes badernes, mes camarades populo-poétiques que sont Hardellet, Cossery ou Perret, je levais, pour la première fois, la tête vers les étoiles. Vers un autre monde. Sans raison valable. Je vous assure que les fusées et les satellites m’ennuient, je suis un adorateur de l’asphalte et du moteur à explosion. Pas le genre à s’émouvoir d’une comète ou d’une soucoupe volante. Et pourtant, je voulus revoir durant les vacances de Noël, E.T. l’extra-terrestre de Spielberg, je mis cette lubie sur le compte de ma vieille passion pour le BMX, à mon époque, on parlait de Bicrossing.

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Encore plus déstabilisant, mon goût musical jusque-là affirmé pour la disco italienne et mon tropisme Pino d’Angiolien, notamment mon adoration de l’album Ti regalo della musica évoluait vers un son plus aérien, plus lointain aussi, plus énigmatique ? La Covid m’aurait-elle atteint ? La voix grave de Pino et son italianité réjouissante laissaient place à une autre musique, planante et interstellaire, à la métronomie implacable, aux cavernosités insoupçonnées, celle d’un immigré Italien également mais né à Vitry-sur-Seine. Je me réveillais désormais avec les battements de Marc Cerrone sur le cœur et Supernature envahissait mon espace de couchage. C’est à ce moment-là je crois, que Giorgio Moroder entra également dans mon existence et que je voulus acheter à la boutique de jouets anciens Lulu Berlu, un Big Jim de la Série Espace et une figurine de Steve Austin dans sa tenue d’astronaute.

Ovni(s), un bijou burlesque

Le coup de grâce fut atteint par le visionnage d’Ovni(s), la série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire, réalisée par le tourangeau Antony Cordier qui a été diffusée durant le mois de janvier aux abonnés de Canal +. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de voir ce bijou de rétropédalage et de burlesque spatial, les douze épisodes sont désormais disponibles en version DVD dans un coffret édité par Studiocanal. Pourquoi les quadras comme moi qui ont le nez collé dans le rétroviseur, attendons et réclamons urgemment la prochaine saison ? Oui, une suite, par pitié. Parce que vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre. Une bonne série, c’est une atmosphère et des personnages. On adhère à l’esthétique d’Ovni(s) dès les premières images. Cette patine vintage ne vient pas coloriser le monde d’avant, elle n’est pas explicative ou intrusive, victimaire ou dénonciatrice, elle se fond dans une narration qui file de la poésie à la comédie.

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Il faut vous avouer que je suis le client type, j’aime les 504, le tergal, Pompidou, Jean-Claude Bourret, les raëliens, la CIA, le KGB, Nicole Garcia, les mobylettes bleues et les flamands roses. Je ne m’étais encore jamais passionné pour le CNES, Ariane et les geeks à cravates épaisses. Dans cette série addictive, nous suivons les aventures du Gepan, un obscur bureau d’enquête spécialisé sur les ovnis dirigé par Didier Mathure (Melvil Poupaud). Il y a du pied nickelé en eux, du croquignolesque qui finit par émouvoir, de la farce populaire qui met le doute, les certitudes s’effritent et le plaisir enfantin de déconstruire les chronologies les mieux établies s’immiscent en nous. Cette création originale Canal séduit par son décor de la fin des années 1970, cette douce dinguerie qui nous amène de Kourou au plateau du Larzac et surtout pour son casting intergalactique. Melvil Poupaud moustachu pour l’occasion est l’héritier de Jean Rochefort, il en a l’élégance surannée et le comique rentré. Géraldine Pailhas pourrait lire le bottin, sa voix est l’un de nos derniers trésors nationaux, elle excelle dans l’érotisme chaste et le bégaiement amoureux. Michel Vuillermoz, c’est la qualité France par essence, la tradition du jeu désarticulé, celui des cimes artistiques, de Pierre Fresnay à Jacques Dufilho. Quant aux jeunes, Daphné Patakia nous fait oublier ses mini-jupes par son déséquilibre intérieur, quelle funambule ! Et Quentin Dolmaire, le génie informatique est aussi bon codeur que piètre dragueur, un régal. Comment ne pas citer enfin le vierzonnais Laurent Poitrenaux, phénoménal d’aisance et de veulerie dans le rôle du directeur, Marielle a trouvé son successeur. J’ai juste un souhait que dans la deuxième saison, le réalisateur filme une AMC Pacer ! Il peut se mettre en relation avec moi, je lui expliquerai pourquoi cette voiture américaine est indispensable à sa dramaturgie.

Ovni(s) – DVD – Création originale Canal + – Studiocanal

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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