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La tribune à laquelle vous avez échappé (provisoirement?)


La tribune à laquelle vous avez échappé (provisoirement?)
Image d'archive. Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l'homme, lors d'une soirée en faveur de l'accueil des migrants au centquatre en octobre 2018 © YANN BOHAC/SIPA Numéro de reportage: 00881837_000022

Alors que le sinistre attentat de Conflans-Sainte-Honorine allait se produire, la Ligue des Droits de l’Homme lançait un appel à signatures pour une tribune contre le projet de loi sur le séparatisme…


Pas mal de Français se sont comme Céline Pina, étranglé de rage en voyant la Ligue des Droits de l’Homme, l’UNEF, les Insoumis, SOS racisme, en somme, tous les idiots utiles de l’islam radical s’acheter un certificat de virginité avec quelques proclamations sur la liberté d’expression et quelques trémolos à la mémoire de Samuel Paty. Preuve que ces pleurnicheries de circonstance ne sont que l’habillage cynique d’un retournement tactique (et sans doute provisoire) m’est fournie par Mohammed Sifaoui. Documents à l’appui. Qu’il en soit chaleureusement remercié.

mail-ligue-ddhOn découvre que, deux jours avant de s’acheter une conduite, la Ligue des Droits de l’Homme cherchait à mobiliser le landerneau droit-de-l’hommiste contre le texte sur les « séparatismes » entre guillemets. Au moment précis où Abdullakh Antarov perpétrait son crime, Malik Salemkour, son président, adressait un mail groupé à des représentants associatifs et syndicaux (dont les noms n’apparaissent pas). Il y évoque une première réunion, qui s’est tenue le 2 octobre, et leur adresse un projet de texte, dont je vous laisse prendre connaissance de l’intégralité (voir plus bas).

Ce bijou devrait en effet être étudié avec attention.

S’inquiétant des précisions apportées par les uns et les autres sur le texte en préparation, la LDH estime inévitablement que les mesures annoncées « ouvrent la voie à la stigmatisation d’une partie de la population ». Le mot est lâché.

Le risque, selon la LDH, qui érige ainsi le déni en art rhétorique, est de donner le sentiment « que c’est dans une certaine population pratiquant une certaine foi que se trouve la source de certaines difficultés ». On se demande où on va chercher de pareilles sornettes sinon dans la tête d’affreux populistes.

Pour finir, Malik Salemkour se fend d’une profession de foi excusiste. « Prétendre commander l’ordre et la sécurité à celles et ceux que l’on a mis de côté et plongés dans le désordre d’une vie sans avenir, c’est s’exposer à la pire des révoltes, le cri de celles et ceux qui n’ont rien à perdre et donc rien à construire dans le cadre de la République. » Terrible aveu : en somme, il faut comprendre ceux qui tirent sur des policiers, agressent des journalistes ou menacent Mila : « on les a mis de côté et plongés dans le désordre d’une vie sans avenir. » Tout est de notre faute.

La LDH et les autres observeront sans doute un délai de décence avant d’expliquer urbi et orbi que le séparatisme islamiste est une invention des islamophobes. Mais ils remonteront certainement au front avant le 9 décembre, date de présentation du texte. En attendant, la LDH ne fait guère honneur à son histoire. Née avec l’Affaire Dreyfus, elle a contribué à obliger l’État à se soumettre à ses propres principes. La voir se vautrer ainsi dans la soumission est un crève-cœur.

« Séparatismes » : un projet porteur de division

Vendredi 2 octobre, le président de la République a présenté les grandes lignes dun projet de loi annon depuis un an pour lutter contre les « séparatismes ».Depuis, les ministres en charge de sa finalisation distillent quelques précisions sur les mesures envisagées.

Celles-ci marquent une inflexion dans les choix antérieurs du président de la République, soulèvent des interrogations quant à leur conformité avec la constitution et les engagements internationaux de la France et ouvrent la voie à la stigmatisation d’une partie de la population.

Il ne suffit pas, en effet, d’évoquer de futures mesures destinées à pallier la rupture d’égalité et les discriminations qui frappent plusieurs territoires pour contrebalancer le sentiment, que donnent ces projets, que c’est dans une certaine population pratiquant une certaine foi que se trouve la source de certaines difficultés.

Cette logique qui inverse les causes et les conséquences transforme l’adhésion aux principes de la République en une morale de pouvoir. Prétendre commander l’ordre et la sécurité à celles et ceux que l’on a mis de côté et plongés dans le désordre d’une vie sans avenir, c’est s’exposer à la pire des révoltes, le cri de celles et ceux qui n’ont rien à perdre et donc rien à construire dans le cadre de la République.

C’est le risque que prend le président de la République en faisant d’une partie de la population, celle de culture et de confession musulmane ou perçue comme telle, les potentiels porteurs des pires dérives allant jusqu’aux plus mortifères d’entre elles.

Au détour d’adaptations techniques, ce sont les équilibres de trois grandes lois de la République qui fondent nos libertés fondamentales qui seraient simultanément modifiées: la loi de 1882 sur l’instruction obligatoire, la loi de 1901 sur les associations, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.

Or nombre de dispositions proposées dans ce projet de loi peuvent déjà trouver des réponses satisfaisantes dans le droit actuel et peser efficacement contre tous les intégrismes et toutes les dérives sectaires. Et il n’appartient pas à la République de régenter les consciences au-delà de ce qui est nécessaire au respect du pacte républicain et de l’ordre public.

Avoir la prétention d’organiser un culte, c’est ignorer ce qu’est la loi de 1905 qui refuse le régime concordataire pour instituer un régime de liberté. Enrégimenter le monde associatif dans un cadre directif voire contraint, c’est méconnaître la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 et autoriser tous les abus de pouvoir dans le financement associatif et leur indépendance.Ce sont enfin les carences des contrôles des obligations accompagnant la liberté de choix des parents sur les modes d’instruction de leurs enfants qui sont en cause plus que son principe.

Comme l’histoire nous l’apprend, au prétexte de situations particulières et limitées, ce sont des restrictions générales aux libertés que l’on édicte.

Alors que la France traverse une grave crise sanitaire, économique, sociale, environnementale qui exacerbe les inégalités connues entre les territoires et les populations et qui doit tous nous mobiliser, nous refusons d’entrer dans une telle démarche de diversion et que l’unité nationale soit mise en cause.

Nous demandons au gouvernement d’abandonner un projet qui ne recèle que dangers et divisions sans apporter de réponses utiles aux dérives qu’il prétend combattre.

Premiers signataires : Ligue des droits de l’Homme (LDH), Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (Saf), Actions Droits Musulmans (ADM), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)Fédération nationale de la Libre Pensée, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Memorial 98, le Planning familial



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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