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A quoi sert le rugby d’aujourd’hui ?


A quoi sert le rugby d’aujourd’hui ?
Des joueurs de rugby amateur font une haie d'honneur à leurs adversaires vaincus, Vincennes, juin 2007. SIPA. 00546224_000019

Ayant pratiqué le rugby (n°11 puis n° 7) à la fin des années 1960 dans le sud de la France (il y avait des internationaux dans nos équipes universitaires) je suis perplexe sur les disputes galliques qui accompagnent le remplacement du sélectionneur de l’équipe de France. Nous avons tout lu à ce sujet sauf, me semble-t-il, ce que j’écris ici : à quoi sert le rugby ? Avant de prendre quelque position que ce soit, les philosophes nous enseignent qu’il faut se poser les questions (quiddité) : qu’est-ce que c’est et pour quoi faire ? On ajoutera: pourquoi nous regrettons le rugby d’antan ? Et encore : pour quoi nous aimons moins celui-ci ?

Où est passé le French flair ?

Depuis une quarantaine d’années, le rugby a beaucoup changé : il est devenu un grand spectacle télévisuel et donc, inévitablement, un enjeu commercial, financier et politique. Il a aussi, de ce fait, changé ses règles, la morphologie des joueurs, leur nationalité. Et perdu son âme…

Les joueurs anglo-saxons ont donné le « la » : plus tôt devenus professionnels, ils sont un jour venus sur les terrains gonflés de créatine et de L-carnitine et ont imposé un rugby de tampons brutaux. Au lieu de discipliner les joueurs à des règles puisant dans une philosophie du sport, on a donc adapté le sport à ces morphotypes nouveaux et artificiels : possibilité exagérée de faire venir des joueurs du monde entier dans les clubs et même dans l’équipe de France ; rotations plus fréquentes de joueurs pendant les matches car l’accroissement des masses musculaires a diminué la résistance…

Où sont passés nos joueurs si agiles aux crochets dévastateurs, de funambules, de « Peter Pan »…? Notre rugby de terroir fait de robustes paysans au joug de devant et de vif argent se faufilant depuis les lignes arrières. Des hommes ordinaires faisant des choses extraordinaires, des héros devenant, après leur page de gloire, chefs d’entreprises, médecins, juristes… Le rugby d’évitement, le « champagne » est devenu rugby whisky ; et encore, seulement du « blended » industriel.

Le rugby était une civilisation

L’époque où chaque petite ville du sud avait une équipe de Nationale et allait voir le dimanche le fils du menuisier jouer avec celui du médecin, chaque père et mère les encourageant depuis des tribunes modestes, est révolue : Dax, Bagnères, Mont-de-Marsan, Lourdes, Narbonne, Béziers… Les querelles bon enfant entre treizistes et quinzistes… Les banquets, les chants en occitan. Bref le temps où le rugby était une civilisation, une mixité sociale, une école de masculinité et de vie sociale.

Le rugby est le seul sport collectif de combat. Un équipe est une société où chacun, grands (n°4, 5, 8) et petits (n°9), « gros » (n° 1 à 3), rapides, agiles (n°9 à 15) a une mission différente qu’il assume et dévoue aux autres. C’est aussi un sport complexe dont les règles ardues conduisent à des stratégies et des tactiques très subtiles, requérant une grande intelligence. Mais désormais, les parents ne reconnaissent plus leurs objectifs éducatifs dans ce que ce sport est devenu (un business et un danger physique), et n’ont plus le même engouement à y envoyer leurs enfants. Car le sport est avant tout un projet éducatif destiné à façonner un humain équilibré et accompli. On semble l’avoir perdu de vue.



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