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Et si on lui lâchait la grappe ?


Photo : FMI

La Française de l’ « extérieur » que je suis, qui s’efforce d’expliquer la France aux Anglo-Saxons et la Grande-Bretagne aux Français, a été fort perplexe de voir les réactions des médias hexagonaux à l’interview de DSK sur TF1 dimanche soir.

France Inter, L’Express, Libération et même Le Parisien, ont piqué en vrille sur DSK. Que lui reprochent-ils exactement ? La « mise-en-scène », « le plan com’ », l’interview « ciselée », « répétée ». L’homme n’a pas dit un mot en public depuis quatre mois et son arrestation à New York, menottes aux poignets, et l’on voudrait qu’il arrive sur le plateau de Claire Chazal la fleur à la bouche pour une petite improvisation devant 13 millions de spectateurs ?

Cela fait quatre mois qu’il pense tous les jours à ce qu’il va nous dire et c’est bien normal. Il a failli, donné au monde une piètre image de la France – je m’efforce depuis le mois mai de convaincre les médias internationaux que séduction à la française ne rime pas avec viol – ; l’homme nous devait une explication. Il s’est d’abord exprimé devant la nation, soyons lui reconnaissants. Lui reprocher d’avoir choisi le journal de 20 heures de TF1 est hypocrite. S’adresser aux Français, cela veut dire apparaître sur la chaîne de télévision la plus regardée, même si on l’apprécie peu. Les bien-pensants auraient voulu qu’il s’exprime à minuit sur Paris Première pour faire la nique à Bouygues ? Soyons sérieux.

On lui reproche de ne pas s’être excusé. Je n’attendais pas une excuse mais une explication. Je l’ai eue et je n’ai pas besoin de connaître les moindres détails sordides pour estimer en savoir suffisamment. Il n’y a pas eu violence, dit-il, et si l’on regarde de près le dossier du procureur, c’est en effet ce qui ressort de l’enquête minutieuse. Pas de violence, pas de délit et encore moins de crime. Le reste est de l’ordre de la psychanalyse. Ou du voyeurisme dégradant. Et pourtant, c’est aussi cela que certains éditorialistes reprochent à DSK : « on n’apprend rien » regrettent-ils, déçus. Ils auraient voulu, à l’américaine, connaître tous les détails graveleux de cette rencontre furtive. Leur vie sexuelle est-elle à ce point morne pour devoir se repaître des travers des autres ?

Ce n’est pas tout. Christophe Barbier de L’Express, qui aurait pu rester silencieux après la remarque agacée de DSK traitant l’hebdomadaire de tabloïd, s’est cru permis de juger l’homme déchu. Lundi matin, il lui écrivait une lettre ouverte commençant par ces mots méprisants : « Monsieur l’ex-directeur général du FMI ». Barbier affirme : « Demeure la relation sexuelle « précipitée », dont vous dites qu’elle n’a pas été tarifée, mais dont la brièveté laisse peu de place à la tendresse et aucune à la dignité ». Qu’en sait-il au juste ? Mais il y a pire. Le journaliste de L’Express finit sa lettre par : « Et puisque l’opinion a entendu dimanche soir que vous souhaitiez emprunter le chemin de la rédemption, afin d’être à nouveau « utile au bien public », puissiez-vous comprendre qu’il faut, pour servir ce « bien public », s’efforcer de faire aussi le bien en privé ». Le Rubicon est franchi, nous sommes devenus américains. Pour servir son pays, il faut être un saint. Les journalistes aussi servent le bien public. J’ai bien peur que seuls quelques confrères de La Vie ne soient les seuls à réussir l’examen de passage.

On a également attaqué l’assurance de DSK. Que l’homme n’apparaisse pas totalement brisé par ce qui lui est arrivé relève de l’exploit, pas de la faute de goût. Aurait-on voulu qu’il éclate en larmes ou se fasse hara-kiri en direct ?

Il a gardé son sang-froid, c’est tout. On a enfin reproché à Chazal d’avoir interrogé l’ancien prisonnier de Rikers Island sur l’euro. C’était pourtant une élégante façon de lui redonner un peu de dignité.



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