2017: Qui tuera qui?


2017: Qui tuera qui?

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Il y aura du sang sur les murs. Dans un mois, dans un an, au plus tard dans dix-huit mois, dans le monde darwinien de la politique française, quelques-uns des grands fauves qui paradent aujourd’hui dans la jungle auront été éliminés par leurs congénères, à l’issue de combats sans merci. On en voit les prémices en observant à la loupe la cuisine interne des grands et petits partis qui se mettent en ordre de bataille pour les ultimes affrontements de ce quinquennat : élections régionales en décembre 2015, primaires de la droite en novembre 2016, élections présidentielle et législatives de mai 2017.

La défaite de Martine Aubry, incapable de faire élire son féal Gilles Pargneaux à la tête de la puissante fédération du Nord du PS, en dépit de son ralliement à la motion majoritaire du congrès de Poitiers, est la première manifestation spectaculaire de l’agonie du parti d’Épinay. Elle n’est pas la seule : sur tout le territoire, des embuscades au coin d’un bois se soldent par l’élimination d’apparatchiks apparemment indéboulonnables. Défaits à Poitiers, les « frondeurs » de Benoît Hamon, experts en coups de vice bureaucratiques, récupèrent des sections et des fédérations désertées par les militants. Les proches de Manuel Valls ne sont pas les derniers pour verrouiller à leur profit les instances décisionnaires du parti, mettant à mal l’unité de façade laborieusement construite par Jean-Christophe Cambadélis. Dans le petit monde des socialistes français, les passions tristes (haine, mépris, pulsions meurtrières) se déploient sans entraves.[access capability= »lire_inedits »]

Tous ceux qui ambitionnent de jouer les premiers rôles dans les décennies à venir ont intégré dans leur stratégie l’inéluctable : la défaite programmée de François Hollande en 2017, que seul un miracle pourrait conjurer. Le principal intéressé, le président de la République, partage bien entendu cette analyse, et tente frénétiquement d’éviter les poubelles de l’Histoire en cherchant à marquer des points sur la scène internationale, avec l’aide de son ancien rival Laurent Fabius, qui vise également une sortie honorable, sinon glorieuse, de la politique active. Objectif 2022, voire 2027 pour les quinquas et quadras de la gauche, chacun d’entre eux affûtant ses armes pour s’imposer après Waterloo. Martine Aubry passée à la trappe, Claude Bartolone fait banco sur le sauvetage, par la gauche, de la région Île-deFrance pour éliminer Manuel Valls avec l’aide de la maire de Paris Anne Hidalgo.

D’autres, comme Arnaud Montebourg, participeraient bien, de l’extérieur, à une entreprise de « pasokisation »[1. La « pasokisation » est le sort funeste d’un Parti socialiste dominateur à gauche, balayé électoralement, comme le Pasok grec, par une vague d’extrême gauche.] du PS, avec l’aide des amis de Mélenchon, et de quelques écolos plus rouges que verts, si d’aventure quelques mouvements sociaux de l’espèce indignée venaient à éclater dans les prochains mois. Manuel Valls, enfin, dont l’objectif de substituer au vieux parti d’Épinay une formation sociale-libérale s’affirme chaque jour davantage, n’est pas du genre à laisser passer sa chance.

Ceux qui croiraient que je noircis outrageusement le tableau n’auront qu’à méditer l’exemple de la situation de la gauche dans la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne, à six mois des élections régionales. Le président sortant, Jean-Jack Queyranne (PS), pouvait nourrir quelques (maigres) espoirs de se voir reconduit à la tête d’un fief élargi : son adversaire désigné par Les Républicains, Laurent Wauquiez, est fortement marqué à droite, ce qui est un handicap certain dans une région où la sensibilité centriste et démocrate-chrétienne pèse encore dans les urnes. L’Auvergnat Wauquiez, avec le soutien de Nicolas Sarkozy, a brutalement éjecté son concurrent savoyard Michel Barnier, ci-devant vice-président de la Commission européenne, personnalité consensuelle, rassemblant largement au-delà des gaullistes purs et durs, et favori des milieux économiques rhônalpins.

Mais, pour avoir une petite chance de l’emporter, Queyranne devrait, dès le premier tour, présenter une liste d’union allant des communistes aux « centristes de progrès » (en fait des bayrouistes allergiques à Sarko). Au lieu de quoi il pourrait se retrouver sous les feux croisés de ses « amis » : appartenant, avec Jean-Louis Bianco, au dernier carré des « ségolénistes », Queyranne, 69 ans, est la cible rêvée de la gauche comme de la droite du parti. Les « frondeurs » éliminent ses amis de la liste des régionales dans les départements qu’ils contrôlent, comme la Loire, et Gérard Collomb, satrape vieillissant et ennemi juré de Jean-Jack, impose sa jeune épouse comme n° 2 de la liste du Rhône.

Les Verts rêvent de refaire, à la région, le coup de Grenoble aux municipales, où ils sont parvenus à déboulonner les socialistes. Pour faire bonne mesure, les communistes et leurs alliés mélenchonistes seront également présents au premier tour… La débâcle, qui verrait les socialistes arriver en troisième position, loin derrière la droite et au coude-à-coude avec le FN, se dessine inexorablement.

À droite c’est l’inverse, mais en fait cela revient au même : la perspective d’un Austerlitz électoral contraint à maintenir, pour la galerie, une unité de façade, mais cela n’empêche pas la guerre de tous contre tous. De plus, la présence électorale massive, dans tous les scénarios, de Marine Le Pen, interdit la présence de deux candidats, se réclamant de la droite modérée et du centre, au premier tour de la présidentielle. La bataille décisive se produira donc lors des primaires de cette famille politique en novembre 2016. Trois crocodiles occupent le principal marigot de la droite dite républicaine : Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon. Chacun d’entre eux sait que s’il ne décroche pas la timbale de la candidature en 2017, cela signifie sa mort politique. François Fillon semblant assez mal en point, l’affaire devrait donc se jouer entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

Alain Juppé a fort bien exposé la situation de départ : « Il [Nicolas Sarkozy] a le parti, moi j’ai l’opinion. » Avec sa PME politique, le maire de Bordeaux, qui bénéficie par ailleurs de la bienveillance des grands médias, entend bien démontrer que la vox populi aura raison des « appareils », devenus, selon lui, inefficients à l’heure de l’Internet, des réseaux sociaux et de la victoire culturelle de l’individualisme. De son côté, Nicolas Sarkozy se souvient de l’expérience balladurienne de 1995, dont il fut un protagoniste. La leçon qu’il en a tirée est que le chouchou des sondages et des éditorialistes n’est pas celui qui gagne l’élection. Il construit donc sa machine à tuer ses rivaux, avec ou sans primaire, en suivant une stratégie de jeu de go visant à occuper le terrain en plaçant ses pions aux bons endroits, comme on peut le constater en prenant connaissance des nominations au sein des instances dirigeantes des Républicains. Le territoire est quadrillé, les forces concentrées aux endroits clés, les alliances solidement scellées, notamment avec Bruno Le Maire. Son armée est positionnée, croit en la victoire, et ne fera pas de quartier. Vae victis ![/access]

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*Photo: wikicommons.

Juillet-Aout 2015 #26

Article extrait du Magazine Causeur



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