Les zadistes font barrage à l’écologie


Les zadistes font barrage à l’écologie

ZAD écologie

Rappelez-vous, c’était il y a cinq ans. Nous avions du fouiller sur Wikipedia pour comprendre qui ils étaient. Les zadistes avaient déjà, de ce fait, réussi leur coup. On découvrit leur nom de guerre et leur lieu de campement : la ZAD (Zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes.

S’est ensuivi un combat entre les défenseurs du projet d’aéroport, capitalistes et libéraux, soutenus par les gouvernements de droite et de gauche donc, et les défenseurs de la planète. Sur le terrain, nous assistions alors au plus grand combat de boue jamais organisé (nos journalistes se rappellent encore de leur séjour là-bas, dont ils sont revenus légèrement crottés). Et tous les soirs nous regardions, passionnés, le gendarme et les gendarmettes à la télé.

Ils sont ensuite apparus autour du barrage de Sivens. Cette fois-ci, les zadistes s’opposaient à la submersion d’une zone humide. Il y eût de nouveau de la boue, des gendarmes et des tirs. Puis un mort.

Contre vents et gaz lacrymo, ils se sont multipliés. Désormais les Zad poussent un peu partout. On ne les compte même plus. On lève le sourcil, légèrement, lorsqu’on lit leur nom dans la presse locale, mais on oublie vite. La ferme des Bouillons était l’une de ces colonies tranquilles. Un petit bout de terre flanqué d’une vieille ferme aux briques rouges, au nord de Mont-Saint-Aignan (Seine Maritime). Le lieu n’était pas dénué de charme mais Auchan, le méchant, souhaitait implanter une zone commerciale sur ces quatre hectares, achetés dans les règles trois ans plus tôt. Les zadistes, fidèles à leurs méthodes, ont occupé les lieux et obtenu la modification du PLU de la propriété fermière.

La terre des Bouillons est devenue en janvier 2014 une « Zone Naturelle Protégée ». Autant dire que le géant de la distribution n’y trouvait plus grand intérêt. Il a laissé tomber en désuétude son permis de démolir.

Nos activistes se félicitèrent de cette victoire et auraient pu s’en tenir là. Mais c’était sans compter sur le zèle des zadistes à zoner. « Ces premiers succès ne signifient pas la fin de la lutte pour autant » titrait alors le site officiel de la ZAD de la ferme des Bouillons. Motif ? « Immochan (branche immobilière d’Auchan) est toujours propriétaire en titre de la ferme ». Certes, le lieu a perdu tout attrait à ses yeux, mais « c’est bien sûr sans compter sur sa patience presque infinie ». Alors pour être sûrs que personne ne viendra plus jamais s’en prendre à la ferme, les zadistes continuent et continueront toujours de l’occuper. Depuis deux ans, ils s’auto-suffisent, avec leur petite production fermière et leurs animations populaires telles que des festivals (La tambouille) et des conférence-débats. Autrement dit,  ils protègent par l’occupation illégale le site contre les envahisseurs. Qu’ils soient eux-mêmes des squatteurs ne les dérange pas plus que ça. La décision de la Cour d’Appel du Tribunal de Rouen, du 18 décembre 2014, confirmant l’expulsion immédiate des occupants, est visiblement restée sans effet.

Nous n’avions aucune raison jusque-là de condamner ces trublions du capitalisme sauvage, n’étant nous-même pas forcément d’accord avec la méga-production déconnectée de la réalité paysanne, et pourtant. Lorsqu’une famille du coin, investie dans le paysagisme, a décidé, il y a peu d’acheter ce lopin de terre à Auchan pour développer un commerce agricole durable, les cueilleurs-squatteurs ont, de nouveau, crié au loup. Pourtant le projet de maraîchage bio en « permaculture » devrait leur plaire. Alors, quel est le problème ? Les nouveaux arrivants risquent, d’après les zadistes, de céder leurs parts au groupe Auchan dans quelques années.

Quiconque fouille un peu le passé de la famille Mégard et fait des recherches sur leur première société, Œuvre d’arbres, aurait bien du mal à croire à un mauvais coup de ces paysagistes, chefs d’une petite entreprise à taille humaine, qui a inscrit le respect environnemental tout en haut de sa chartre.

Les zadistes tournent mal. Ils luttaient contre Auchan au nom du bien commun, mais leur lutte terminée, ils deviennent des squatteurs parasites empêchant tout autre projet que le leur, aussi légitime qu’il soit, de se développer. Des contradicteurs pris au pièges de leurs propres contradictions.  Et mauvais joueurs avec ça, les zadistes ont déposé en début de mois un projet agricole pour concurrencer celui de la famille Mégard. Un peu tard, non ?

*Photo : FRED SCHEIBER/SIPA. 00706828_000032.



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est journaliste à Causeur

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