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Un inrock en préretraite


Des jeunes gens mödernes

Que lis-je dans les Inrocks datés du 8/6/11, sous le clavier de Serge Kaganski ? Une colonne titrée Rock & Cannes. Ne cherchez pas la blague ! C’est déjà assez dur pour lui de caser aussi tard un article sur le Festival – surtout en édito de la rubrique « Musiques »[1. A gauche, on met un « s » à Musique ; à droite on est juste en retard comme d’hab’ mais ça viendra, comme viennent les « écrivaines »].
En revanche, on peut toujours demander à l’intérieur ce qu’on ne voit pas en vitrine. La blague, elle court tout le long du papier : Cannes 2011 lui a rappelé ses premiers Rock & Folk des 70’s, figurez-vous, et Serge veut à tout prix partager avec nous cette vision[2. Un peu à la façon d’un écrivain].
C’est qu’il y avait Yves Adrien, paraît-il, pour le film de Jérôme Missolz Des jeunes gens modernes ; et Little Bob, filmé par Kaurismäki dans Le Havre ; et Philippe Garnier, l’immarcescible gonzo qu’on aime.
Serge passe vite sur lui, qui n’a déboulé que « les trois derniers jours » : juste, le temps de noter, pour notre édification, que ce « Philippe Garnier fut à Yves Adrien ce que Nick Tosches fut à Lester Bangs ». Et tant pis pour les glands qui ne connaîtraient pas les quatre !

Outre cette cuistrerie, Kaganski consacre l’essentiel de son papier à en justifier l’objet et le titre – ce qui n’est pas du luxe.
Le lien entre le rock et Cannes, c’est le show. Et le show, c’est Yves Adrien : « Coiffé d’un haut-de-forme, ganté de noir (…) Adrien rédima la routine cannoise de son dandysme précieux ». Holà ! Dirait-on pas que l’ami Serge s’essaye à la poésie ?
Il faut toujours encourager les vocations. Simplement, si Serge envisage vraiment d’écrire : il y a encore quelques petits réglages à faire ! Sur la première partie de sa phrase rien à dire, et pour cause : elle pourrait être signée par n’importe quel plumitif dix-neuviémiste.
Les problèmes commencent avec la deuxième, plus personnelle et en même temps si creuse : son « dandysme précieux » frise le pléonasme ; et dans le genre précieux ridicule, Kaganski se pose là en ressortant de la naphtaline le verbe « rédimer » (substantif : Rédemption), à propos seulement de la « routine cannoise ».

À force de dire n’importe quoi on ne dit plus grand-chose, parce que les mots y perdent leur sens et même leur saveur.
Au-delà du style ce qui étonne, chez Serge et ses émules, c’est cette espèce de progressisme régressif qui leur sert d’ultime refuge depuis que leurs sommets ont fondu.
Mais en attendant l’âge, ou une offre raisonnable, ces esprits bien nés auraient tort de trahir gratuitement. Mieux vaut garder la pose contestataire qui ne coûte pas cher.
Chez Kaganski, ça semble même être naturel, y compris dans son rétroviseur d’ex-kid des seventies quand il nous montre l’avenir.
Ces gens-là sont tout excusés, bien sûr, pour peu qu’ils ne nous vendent pas comme avenir radieux l’impasse de la post-modernité. Le bonheur est dans le pré –.



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