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Question juive à la piscine


Question juive à la piscine
© OpenAI/Causeur

En vacances au bord de la piscine, dans un coin de France pas remplacé et qui entend le rester, on finit par oublier qu’ailleurs l’antisémitisme se lâche. Alors quand des juifs mal élevés prennent leurs aises chez les gentils, on s’agace.


À la piscine du camping, une famille sépharade, trois femmes, la grand-mère, une tante et la mère, et deux gosses, teint basané et prénoms pas vraiment français. Pas des Arabes, mais presque. Impossible de l’ignorer parce que depuis le milieu du bassin ça braille. « Maman, dis à tata qu’elle m’apporte les anneaux ! » Là où les enfants de vieille souche sortent de l’eau et vont eux-mêmes chercher leurs jouets discrètement sans le faire savoir à tout le monde. Je pense à je ne sais plus quel membre de ma famille un peu plus distingué que les autres et agacé par leurs manières très la vérité si je mens qui disait « Tas d’ordinaires que vous êtes » au reste de la tribu. On essaie de lire, on souffre en silence. Après tout, on n’est pas à la bibliothèque alors on la ferme, mais on n’en pense pas moins.

Privatisation abusive

À midi, les familles se rhabillent et ramassent leurs gosses et leurs affaires pour aller déjeuner sur les terrasses des mobil homes, sauf la famille Hernandez qui étale ses serviettes sur quatre transats avant d’aller remplir Noam et l’autre, menacés d’obésité, de plats huileux qui n’étouffent que les chrétiens et de sodas pour faire passer. Je les regarde partir. Bientôt les familles reviendront occuper les chaises longues autour du bassin et très vite, il n’en restera plus une seule de libre, sauf ces quatre-là privatisées contre tout usage par les sans-gêne. Je ne peux plus lire, mon attention est captée par les transats monopolisés. Dans une heure, une famille passera son chemin devant les quatre serviettes sur les quatre transats vides et s’installera comme elle peut sur des chaises inconfortables pendant que les autres prendront le temps de finir de manger leurs merguez ou de faire la sieste.

Le soleil brûle mais c’est le démon de l’antisémitisme qui vient me chatouiller les pieds et je me monte le bourrichon. On est au bord de la mer mais en Vendée, pas à Marseille et pas en Espagne. Loin de ces contrées du gauchisme et du remplacisme, loin des graffitis pro-Gaza, des drapeaux palestiniens, des insultes et des agressions, on peut être juif, même mal élevé, sans risquer l’agression. Et on peut mépriser des Juifs sans risquer l’amalgame avec la racaille.

Acte vengeur

Putain de sépharades de merde et sans vergogne ! Je pense aux efforts combinés d’Alain Finkielkraut, d’Éric Zemmour et de quelques autres, par le discours et par l’exemple, pour aider les autres Français à se débarrasser de leurs préjugés sur le Juif fraîchement débarqué d’Afrique du Nord, efforts ruinés par les mauvaises manières de ceux-là. Il me vient à l’esprit que les mal élevés ont laissé leurs serviettes sans surveillance et sans crainte parce que, sans même y penser, elles savent que personne ne viendra les leur voler dans ce camping vendéen aux vacanciers très majoritairement catholiques.

La colère monte et excédé, je me lève, me dirige vers les serviettes sûres d’elles et dominatrices qui se pavanent au soleil, je les ramasse une par une, en fais une boule que je jette sur une chaise vide et ombragée et je quitte la piscine. Je ne suis pas mécontent d’avoir libéré les quatre transats qui serviront bientôt à une famille polie qui n’aura pas eu l’outrecuidance de monopoliser d’avance un espace public. Sans mon acte vengeur, les serviettes auraient pu régner sans partage sur des chaises vides et au soleil pendant des heures. Qui aurait eu l’audace dans cette France-là, chrétienne et réservée, cette France qui s’empêche, de s’affranchir des règles élémentaires de politesse et de respect du bien d’autrui en dégageant sans ménagement des affaires qui ne lui appartiennent pas ? Qui d’autre que moi, un Juif – sépharade de surcroît ?

Septembre 2025 – #137

Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar est anarcho-réactionnaire, menuisier et écrivain. Il a écrit un essai, "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo", en 2021, et son roman, "L'affranchi", vient de paraître.

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