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Armée russe: une renaissance toute relative


Armée russe: une renaissance toute relative

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Pascal Marchand est professeur de géopolitique à l’université Lumière Lyon-2 . On lui doit notamment une Géopolitique de la Russie (PUF, 2015).

Céline Revel-Dumas. Selon le New York Times, depuis 2006, les dépenses militaires russes ont été multipliées par cinq, passant de 10 à 52 milliards de dollars, un budget équivalent à celui de la France. Comment expliquer cette évolution ?

Pascal Marchand. Ces chiffres ne correspondent pas à ceux dont je dispose, mais de fait, le budget militaire de la Russie est presque équivalent à celui de la France. En revanche il ne représente qu’un dixième de celui  des Etats-Unis. N’oublions pas qu’entre 1992 et 2003 ce budget était ridicule. A l’époque, l’ancien président russe, Boris Eltsine, craignait que l’appareil militaire ex-communiste ne fasse un coup d’Etat (ce qui s’est d’ailleurs produit) et il l’avait donc négligé pour l’affaiblir. Pendant ces neuf années, aucune commande d’avion n’a été faite alors que les Etats-Unis en ont commandé une centaine par an. Ce n’est qu’à partir de 2000, deux ans après le krach boursier russe, que Vladimir Poutine a commencé à rattraper le retard russe et le premier nouvel hélicoptère de combat a été commandé en 2004 ! Le remplacement du matériel obsolète était devenu urgent.

Depuis 2006, à quoi ont été consacrées les dépenses supplémentaires de la défense russe ? S’agit-il d’investissement plutôt quantitatifs (plus d’hommes et d’armes) ou qualitatifs (améliorations technologiques) ?  

Les dépenses militaires ont crû significativement à partir de 2003-2006, l’essentiel étant alors consacré à de nouveaux équipements. Les effectifs de l’armée ne changent pas. Ils ont été réduits drastiquement depuis la fin du régime soviétique : en 1989, l’armée russe disposait de 5, 2 millions d’hommes contre 1.5 million en 1996 et seulement 800 000 hommes aujourd’hui. Cet effectif est d’ailleurs stable depuis un certain temps et Poutine ne souhaite pas l’augmenter.

D’ailleurs, même s’il est vrai qu’en termes de PIB, les dépenses militaires de l’ère soviétique étaient importantes, la « superpuissance » de l’URSS était surestimée. Et, même si  contrairement à Eltsine, Poutine a une bonne relation avec l’armée et il n’en a pas peur, il n’a pas non plus l’intention de revenir aux années 1980.

Les contraintes économiques liées à la baisse de prix de matières premières, du pétrole et du gaz ainsi que les sanctions de l’occident permettent-elles à la Russie de maintenir un tel niveau de dépenses militaires ?     

Sans doute. Les temps sont durs pour l’armée russe au point où plusieurs bases aériennes et bases de missiles n’ont pas pu payer leurs factures d’électricité en fin d’année… Il y a un vrai problème budgétaire.  Un programme pluriannuel lancé en 2007-2008 prévoyait l’achat de 600 avions en dix ans. Le parc aéronautique est actuellement de 1300 avions qu’il faut renouveler. 600 avions ce n’est donc pas beaucoup mais même cet objectif-là est compromis par les contraintes budgétaires.

De quel type d’armée la Russie souhaite-t-elle se doter ? Une armée équivalente à celle des Etats-Unis, à forte capacité de projection et intervention sur plusieurs théâtres d’opérations en même temps ?

L’idée de superpuissance pendant l’ère soviétique était surestimée et surtout, ce n’est pas le modèle de Poutine. À l’époque, l’armée rouge était adoptée aux besoins de l’URSS : faire face à l’OTAN ainsi qu’aux défis dans le Caucase et en Asie centrale. Ces missions nécessitaient  à la fois de nombreux effectifs, des équipements nucléaires et la fourniture en armes des « pays frères ». Aujourd’hui, il s’agit de protéger les frontières de la Russie et d’intervenir dans les pays voisins en cas de menace pour l’intégrité du territoire russe ainsi que – depuis 2008, la guerre en Géorgie et la « doctrine Medvedev » – dès lors qu’une minorité russe sera en danger, et ce malgré la souveraineté territoriale d’un Etat. ceci dit, dans le cadre de l’intervention en Syrie, la Russie a démontré sa capacité de mener un raid à partir d’une base à Mourmansk, plus de 13 000 kilomètres des cibles frappées, avec deux ravitaillements aériens. Ces capacités en ont surpris plus d’un !

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*Photo: wikicommons.



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