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Point Godwin pour Marine


Point Godwin pour Marine

On vous l’avait bien dit. Sous ses airs de blonde, la Marine est encore pire que son père. La « petite phrase » de Le Pen fille comparant les musulmans qui prient dans la rue aux occupants nazis a provoqué le tollé attendu – y compris par elle sans doute. Chic, revoilà la vieille extrême droite nostalgique du Troisième Reich qu’on adore détester.

En 24 heures, plusieurs centaines d’articles sont publiés. La conjonction de deux mots-clés, « Le Pen » et « Occupation », fait partir la machine au quart de tour. La fabrique d’indignation turbine à plein régime. Résultat, plus personne ne réfléchit. Marine fait du Le Pen, fermez le ban. Sauf que ce n’est pas vraiment la même chose.

Quand le père évoquait l’Occupation, on entendait percer sa complaisance pour l’ordre brun. La fille, c’est le contraire : elle n’avoue pas sa sympathie pour le nazisme, elle voit des nazis partout. Comme Rocard, Viviane Reding et tous les autres qui invoquent à tout bout de champ les heures les plus sombres de notre histoire – et je passe sur tous ceux qui, de juan Saramago à Ken Loach, trouvent admirable d’assimiler les Israéliens aux nazis sans susciter les hauts cris de l’internationale des belles âmes. Il est vrai qu’en général, on préfère parler des victimes. Reste que si les Roms, les musulmans ou les Palestiniens d’aujourd’hui sont les juifs d’hier, il y a forcément des nazis quelque part.

À y regarder de près, Marine Le Pen ne fait donc pas dans le fascisme subliminal mais dans l’antifascisme d’opérette. D’habitude, les beaux esprits adorent. Et voilà que quand ce sont des musulmans qui sont désignés comme fascistes, cela ne fait plus rire personne. Peut-être y réfléchira-t-on désormais à deux fois avant de brandir l’insulte suprême. On peut toujours rêver.

Bien entendu, les musulmans qui prient dans la rue n’ont pas plus à voir avec les nazis que les électeurs du Front national, les Israéliens ou le gouvernement français. Aussi condamnable soit-elle, l’occupation (sans majuscule) de l’espace public à laquelle ils se livrent n’est en aucune façon comparable à l’Occupation (avec majuscule). Reste que pour pas mal de gens l’image des rues de Marseille ou Paris bloquées par des fidèles en prières est effrayante comme est effrayante la progression d’un islam identitaire qui, dans les zones où il est majoritaire, impose ses codes culturels à tous, rendant parfois fort ténue, dans la vie concrète, la distinction entre islam et islamisme. Parmi les laïques purs et durs, beaucoup, qui ne sont ni racistes ni xénophobes, en arrivent à penser que c’est l’islam lui-même qui est un fascisme.

IL ne s’agit pas d’être naïf. Marine Le Pen est en campagne pour la direction de son parti. C’est à Lyon, sur les terres de Bruno Gollnisch qui ricane de sa stratégie de dé-diabolisation du FN, qu’elle a lancé sa grenade incendiaire. Elle connaît son monde. En désignant les prieurs, elle tend la main à tous ceux qui pensent que c’est l’islam lui-même qui est étranger à la culture française.

Le risque, c’est qu’elle soit entendue bien au-delà du FN et de ses militants. Parce qu’on est en train de répéter avec l’islam l’erreur commise avec l’immigration : à partir du moment où le débat était soulevé par des gens suspects de racisme, souvent à raison d’ailleurs, c’est le débat lui-même qui est devenu suspect. La seule attitude acceptable était l’approbation émerveillée, l’immigration était une chance pour la France, point. L’idée qu’elle aurait pu être, en même temps, une source de difficultés ne devait même pas être examinée. On connaît la suite. Or, on est en train de nous faire le même coup avec l’islam. La question doit être bannie. Et ceux qui se la posent sont au mieux des malheureux manipulés à qui on a mal expliqué les bienfaits d’une « société ouverte » comme le disait ce matin en termes galants l’ineffable Pascal Perrineau, au pire des salauds qu’on devrait priver du droit de vote.

Il est inacceptable de désigner à la vindicte une catégorie de Français et irresponsable de laisser croire qu’on pourrait les bouter hors de France et que tout irait de nouveau bien. Mais le refus de comportements ne signifie pas l’exclusion des individus. Et avoir de la morale ne devrait pas empêcher de faire de la politique. Que nos dirigeants affichent leur vertu républicaine, fort bien. Il serait bon qu’en même temps, ils soient intransigeants pour faire respecter la laïcité en tout lieu. L’ennui, c’est qu’il est plus gratifiant de se boucher le nez que d’ouvrir les yeux.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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